Moréa la rousse

Moréa la rousse

Elle est rousse. Sexy. Riche. Immortelle. Et elle n’est pas pour vous. Car les fantasmes sont par définition intangibles. Mine de rien, sur une recette parfaitement éprouvée, et somme toute peu originale, Arleston installe en deux tomes une figure féminine universelle dont la puissance évocatrice n’a rien à envier à celle d’une Poison Ivy (Pin Up) ou d’une Laureline (Valérian), aidé en cela par la plume de Labrosse, dont le dessin trouve au long de cette " Echine " une fluidité ronde qui lui faisait précédemment défaut. Après une mise en bouche en demi-teinte, à l’arrière-goût de déjà lu - le premier tome adaptant clairement quelques poncifs de " Largo Winch " ou même d’ Highlander - on espérait un très net démarrage de l’intrigue, et l’on constate avec plaisir qu’Arleston a recadré son propos, s’appuyant sur la part d’inédit de son scénario : la lutte entre deux factions immortelles - Anges et Dragons - tentant d’influer sur le futur de l’Humanité pour qu’il soit à leur avantage.

Reléguant au second plan l’imagerie " immortel à l’épée " qui avait légèrement tronqué la perception que le lecteur pouvait avoir de la série - la couverture du première tome a d’ailleurs été redessinée en ce sens - le prolifique scénariste de lanfeust de Troy peaufine avec gourmandise son univers. L’Ecrin géopolitique et futuriste de Morea la perle rousse, d’abord suggéré, prend du coup ici tout son sens et reflète particulièrement la vision Arlestonienne du monde. Dans cet univers futuriste, Cuba est devenu le carrefour mondial des luttes de pouvoir. pendant que les Etats-Unis, tombés dans les travers souvent risibles d’une dictature religieuse, font figure de nouveau tiers-monde, véritable bourbier idéologique où Morea et
son chevalier servant, couple très glamour et parfaitement décalé, se débattent avec rythme et délice. Plus que jamais les deux héros compensent leur immortalité par une gestion à courte vue de leurs problèmes successifs. Morea, délicieusement gaffeuse, très superficielle parfois, est un personnage tout aussi attachant que son compagnon, jouisseur invétéré et bretteur matamore.

Entre humour, action, rebondissements parfaitement dosés et lecture au second degré, émaillée comme toujours de références cinématographiques, télévisuelles et même journalistiques puisque l’on voit comparaître devant un tribunal religieux un journaliste du magazine " Bo Doï ", Moréa constitue un indispensable délassement, dont l’univers structuré, le graphisme réaliste, mâtiné d’une bonne dose de légèreté, ne pourra que convaincre, justement parce qu’il n’a pas la prétention de prouver quoi que ce soit.
Toucher à l’universel par l’originalité. C’est peut-être là le talent principal d’un scénariste populaire par excellence, dont on aimerait, à l’heure où la bande dessinée semble susciter l’intérêt des médias, qu’il donne sa vision d’un neuvième art sur la pente glissante de la productivité à tout prix. Histoire que le public discerne un peu mieux ce que peut être - et doit être - un divertissement léger et travaillé.

Arleston et labrosse, Moréa tome 2, "L’échine du Dragon", Soleil, 2002, 48 pages

Arleston et labrosse, Moréa tome 2, "L’échine du Dragon", Soleil, 2002, 48 pages