La pilule est à Mer

Ce qui ne laisse pas d’être au plus haut point distrayant avec l’actuel gouvernement, c’est sa propension à prendre systématiquement le bon peuple, nous autres, lequel n’a certes pas inventé la poudre (aux yeux), pour plus imbécile qu’il ne l’est.

Ainsi, après des mesures « sans caractère d’urgence », comme la réévaluation du salaire des ministres ou la diminution drastique de l’Isf, en réalité diligentées au plus vite, après la martiale intransigeance du Premier ministre à l’occasion de la réforme du système des retraites contrastant avec ses rondeurs retrouvées pour « dialoguer » avec les Français pendant qu’ils sont en vacances et ne réclament rien d’autre qu’un peu d’eau dans le pastis, voici que l’un des principaux chantres du néolibéralisme, l’ineffable Francis Mer, Grand Argentier de la République, se propose, via l’Etat, de renflouer la société Alstom jusqu’à 31% de son capital, une paille !

Qu’est-ce qui choque là-dedans ? qu’un apôtre de la privatisation à tous crins trouve soudain des vertus à l’argent public ? non, les grandes entreprises ont depuis longtemps l’habitude de « taper » à l’apéro du soir l’Etat qu’elles vomissaient à midi.
Que le directeur financier d’Alstom soit le même Philippe Jaffré débarqué en 99 de la présidence d’Elf en empochant quelques centaines de millions de francs de stock-options sous la réprobation générale de ses pairs, dont probablement Francis Mer soi-même ? non, on a l’habitude que les pédégés des grands groupes s’offusquent médiatiquement de ce qu’ils encouragent en sous-main.

Que l’ancien président d’Alstom, Pierre Bilger, dont la gestion hasardeuse a plombé l’entreprise au point de l’acculer à la faillite, soit parti grenouiller ailleurs, au conseil d’administration de Thalès entre autre, en empochant 5 millions d’euros d’indemnités pour prix de ses mauvais services ? non, on sait depuis belle lurette que dans ce milieu de « têtes d’œufs » en costards gris, l’incompétence n’est pas un défaut rédhibitoire mais une qualité supplémentaire qu’il convient de récompenser.

Alors ? ce qui cloche, c’est que, d’aucuns lui rappelant que la socialisation des pertes et la privatisation des profits est une vieille combine de la droite libérale comme, hélas, de la gauche social-démocrate, Monsieur Mer le prend de haut, avec la suffisance autoritaire qui le caractérise, en assurant que nul mieux que lui-même, et surtout pas l’un quelconque de ses interlocuteurs, ne sait ce qui est bon pour une entreprise.

Lorsqu’on se remémore les mésaventures survenues récemment à certains des plus fameux de ses confrères, au hasard Messieurs Haberer, Tapie, Le Floch-Prigent, Bon, Messier, Tchuruk, Corbet, on aimerait de la part de cet immense gestionnaire, qui, comme le percepteur du coin, prend tout bêtement du fric où il y en a, dans la poche du contribuable, un peu plus de modestie pour sa propre gouverne et un peu plus de considération pour ceux, nous qui sommes les bailleurs de fonds de l’Etat, qui acceptent qu’on les tondent une fois de plus sans jamais les remplumer en retour (vous avez payé pour renflouer le Crédit Lyonnais où vous n’aviez aucun compte ? oui, bien sûr ; celui-ci, qui a renoué avec les bénéfices, vous fait-il profiter de l’aubaine ? non, bien entendu).

Evidemment, cette intervention massive des pouvoirs publics dans une entreprise du secteur privé est une excellente chose pour les employés de celle-ci, du moins ceux qui ne feront pas les frais d’un inévitable « dégraissage », et pour cela on ne la condamnera pas, mais enfin, pourquoi tant de largesses ici et tant de mesquinerie pour ce qui concerne, par exemple, les intermittents du spectacle ?
Serait-ce parce qu’il n’y a pas de vrais grands patrons dans le spectacle vivant, de la maffia issue de X-Mines-Ponts, donc aucun membre du sérail à protéger, aucune oligarchie à défendre ?