Un diner-débat vu de ma planète

Un diner-débat vu de ma planète

C’est avec grand plaisir que j’ai pris place autour d’une table du dîner-débat de l’Institut Kervégan, ce jeudi 24 mai, sur le thème : "Le double enjeu scientifique et sociologique de l’exploration du système solaire en Europe"... Tout un programme !

Probablement le plus jeune membre de l’Institut du haut de mes 22 ans, j’ai pu constater avec joie que les minois des auditeurs se diversifiaient peu à peu en s’ouvrant lentement mais sûrement vers la jeunesse et vers les femmes.

L’invité du jour était le Professeur Christophe Sotin, qui a monté un laboratoire de géophysique des planètes à l’Université de Nantes depuis 1994. L’objectif de ses recherches est de mieux comprendre les processus physico-chimiques qui gouvernent l’évolution des planètes depuis leur formation de manière à identifier et comprendre les spécificités terrestres.

A partir de septembre 2007, Christophe Sotin partira pour plusieurs années au Jet Propulsion Laboratory (JPL) qui dépend de l’université de Caltech. Ce laboratoire est le plus gros laboratoire NASA (plus de 5000 personnes y travaillent !) et il a la responsabilité de la grande majorité des missions d’exploration du système solaire et d’une partie des missions d’observation de la Terre. Le Professeur a accepté de venir nous parler de ses recherches avant de boucler ses valises.

Mais revenons au diner-débat...

Une poussière dans l’espace

Après avoir été aimablement introduit par son ami Jacques Girardeau, Christophe Sotin a commencé par quelques rappels d’usage. Sans doute des choses qu’on a tous apprises à l’école, mais que je confesse avoir oublié. Par exemple : la masse de la Terre est 300 fois plus petite que celle de Jupiter, qui est elle-même 1000 fois plus petite que le soleil... Ça remet les petits humains que nous sommes à leur juste place dans l’Univers : une poussière microscopique.

Nous avons ensuite eu droit à un exposé des divers projets de recherche spatiale en cours (et de leurs avancées), dont trois auxquels est associé le laboratoire de Nantes :

. Mars Express : interprétation des données d’imagerie hyperspectrale pour comprendre l’évolution géologique de Mars ;

. Cassini-Huygens : observations de la surface de Titan pour comprendre l’évolution du seul satellite du système solaire à posséder une atmosphère dense et composée principalement de di-azote (comme la Terre) ;

. Venus Express : analyse des relations entre l’activité volcanique et la composition de l’atmosphère.

Pédagogie et transparence

La séance de questions fut l’occasion d’aborder de nombreux points, directement en lien avec l’exposé ou plus généralement sur les enjeux de la recherche en France. Pédagogue et détendu, le Professeur Sotin est ainsi revenu sur le débat au sujet de Pluton, certains scientifiques voulant remettre en cause le statut de la planète ; il est vite apparu que ce n’était en fait qu’un débat de spécialistes mené par quelques dogmatiques réfractaires aux découvertes des aventuriers de l’espace, mais nous avons eu droit à un cours synthétique et vivant sur les planètes et les astéroïdes. Si seulement j’avais eu des profs aussi cools au lycée, je n’aurais peut-être pas fait un bac littéraire !

Le débat sur la recherche fut également très intéressant. Pour avoir la tête dans les étoiles, Christophe Sotin n’en a pas moins les pieds sur Terre : il affirme que le système français doit être réformé pour que les financements de la recherche ne soient plus trustés par les écoles, car si on concentre les moyens sur 5% du potentiel, le rayonnement international des universités de l’hexagone restera une vue de l’esprit. Sans jamais prononcer ces mots, le Professeur plaide ainsi pour un développement cohérent des Pôles Régionaux d’Enseignement Supérieur (PRES) qui permettent de mutualiser les moyens des établissements d’une même Région. En filigrane, on ne peut s’empêcher d’imaginer la création d’une grande Université des Pays de la Loire, que certains appellent de leurs voeux pour les années à venir.

Enfin, la question du coût de la recherche spatiale fut inévitable, et Christophe Sotin joua la carte de la transparence : la France contribue à hauteur de 60 millions d’Euros par an au budget de l’Agence Spatiale Européenne (ESA), soit 1€ par an et par Français. Largement de quoi relativiser quand on voit le gaspillage de certaines administrations !