Le coma

L’indécence serait de ne pas parler de ces longs couloirs sinueux. J’ai froid. Y’a comme un soleil noir qui jappe en mon occiput. Putain, j’voudrais vous dire tous ces kilomètres entre nous et ce manque qui fait que l’on ne voit jamais les êtres chers, dans la réalité vraie. Mais y’a toujours cette fucking route avec sa ligne blanche que l’on ne contourne pas. Et j’ai mal au ventre. Ca ronge en profondeur.

Quand je prends l’avion, le bus, ou la bagnole, ce temps qui m’échappe et file entre mes veines, m’angoisse. Une bière s’il-vous plaît, les volatiles et les couleurs reprennent l’éclat amputé des yeux de Marie. Et puis deux, trois, quatre … des dizaines de lucioles factices imbibées et je vous jure que le rire reprend sa place. La chaleur humaine m’enveloppe de ses ailes suaves. Tout à coup, je suis vivant. Je n’ai plus peur.

Mes pieds traînent et rapent le sol. S’ils pouvaient s’enfoncer et m’anéantir, je vous jure que je ne tenterai rien pour échapper au rictus édenté de la faucheuse. Je suis lessivé. J’ai eu le droit au parterre de femelles offertes. C’est toujours le même rituel, lorsque je chante. L’excitation indomptée, sauvage… Leurs bouches molles et leurs sueurs sucrées font monter la fièvre. Ca me donne envie de gerber. Je n’ai qu’une envie me retrouver dans les bras de Marie. Toucher sa peau soyeuse, chuchoter de la tendresse à son oreille, lui dire que je l’aime.

Des pavots rouge sang s’infiltrent dans les parois du mur grisâtre éclairé au néon. J’ai froid. Une couverture angora serait la bienvenue… Putain, que j’ai froid !…

Toujours en vadrouille. Nous sommes comme les chiens. Nous errons loin de nos mausolées et chaque jour, nous éloigne l’un de l’autre. Des frontières, des pays, des langues inconnues. Qui peut traduire le chagrin insidieux de cette absence de l’autre ?

La dérive est ainsi faite. Elle cogne comme l’écume contre les rochers et nous trouvons magnifique la pierre érodée. Mais nous ne voyons jamais le travail de sape sous jacent qui enbaume nos os réfrigérés.

Alors les battements du coeur se mettent en panique et je vole pour te rejoindre. Mais c’est toujours le même tour de manège !… Il faut un temps pour que nos mains se touchent réellement, que nos bouches cousues se libèrent, que nos corps se réapprennent.

J’ai peur que tu m’oublies dans cette course infernale. Je ne veux pas te perdre. J’ai mélangé des psychotropes à l’élixir fertile et je veux que tu comprennes enfin à quel point, je suis au bout du rouleau.

Mais tu m’entends Marie ? … Arrête de jouer et réveille-toi, s’il te plaît… sans toi, je suis mort.

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