LA CENSURE

LA CENSURE

Ca se passait au printemps 2001, il y a six ans
d’une vie d’homme ; ce qui, multiplié par 7, représente
tout de même une sacrée tranche de vie de chien ! Je
m’en souviens pourtant comme si c’était hier...
J’étais encore un jeune teckel, frais émoulu de la
SPA, et par un concours de circonstances indépendant
de ma volonté, je m’étais retrouvé candidat aux
élections municipales ! Pour faire plaisir à mon
maître, qui me le rend bien...

Autant dire que j’avais tout de ce fameux chien dans
un jeu de quilles ! Les casiques de la politique
locale, on le conçoit, n’acceuillirent pas tous avec
le même humour l’intrusion de ce petit Coluche à
quatre pattes, déboulant sans prévenir dans leur
partie. Mais je n’eus à me plaindre de personne qui ne
soit de bonne guerre... Les médias même, que d’aucuns
diraient aux ordres, furent d’abord complaisants à
l’annonce de ma candidature, semblant goûter la
plaisanterie. Il me fallut donc sourire dans le
journal - comme lorsque je halète parce qu’il fait
trop chaud - , aboyer à la radio et faire le beau à
la télévision. Jusqu’au jour où il ne s’agit plus tout
à fait d’une plaisanterie...

Car porté par l’engouement de la rue et la
complicité amicale de quelques trublions de son
acabit, mon maître parvint à faire valider cette
fameuse "liste du chien Saucisse", qui à mon corps
défendant me valut de rentrer dans l’histoire de
France ! Sur mon affiche bleu blanc rouge, on pouvait
lire : Saucisse, le candidat au poil ! "Pour une
sauciété plus humaine, contre une vie de chien" était
le slogan qu’on m’avait trouvé, et qui dans ma niche
réunit 4% des suffrages marseillais...

Pas mal, si l’on retient qu’à partir du soir où ma
candidature fut effective, dûment validée et tamponnée
par les services de la préfecture sous l’oeil des
caméras, il n’y eut alors plus un média pour parler de
moi !Paradoxalement, à l’instant même où l’on quittait
la galéjade pour rentrer dans la réalité de l’actu...
Et ce jusqu’à ce que le premier tour de scrutin soit
largement passé ! " Désolé, on aimerait en parler..."
appelaient des journalistes de tous bords à la maison,
"mais on ne peut plus !"

A peu de chose près, moi je m’en foutais, et à vrai
dire mon maître également, qui n’avait jamais pris
notre aventure électorale très au sérieux. Il ne
s’était à ce jour d’ailleurs jamais plaint, car la
censure, mon maître, eh bien ça le ferait plutôt
rigoler ! Prenant un malin plaisir à la contourner
depuis toujours, quitte à se cacher parfois derrière
son petit chien...

Si je vous en touche cette fois
deux mots, c’est parce que sort en librairie un livre
auquel on l’avait invité à participer. Mon maître
avait décliné l’offre, tout ce qu’il aurait pû
raconter tenant dans cette tribune.

Cet essai
collectif n’en est pas moins édifiant : "Les censurés
de la télé"
(Editions Le Bord de L’eau), ça s’appelle ; témoignages et analyses collectés par Frédéric Vignale, qui fait ici oeuvre de
salubrité publique. Lisez-le.

Ce texte a été précédemment publié par les 6 éditions
régionales du réseau PLUS, le jeudi 22 février 2007,
dans le cadre des tribunes hebdomadaires du chien
Saucisse.

Ce texte a été précédemment publié par les 6 éditions
régionales du réseau PLUS, le jeudi 22 février 2007,
dans le cadre des tribunes hebdomadaires du chien
Saucisse.