Arts Martiaux et Philosophie

Arts Martiaux et Philosophie

Les "Arts martiaux", de nos jours, ne sont plus les arts de la guerre... quoique ! (conjonction de subordination souvent employée par Serge Gainsbourg), car les guerres se livrent entre écoles et professeurs lorsque certains nous disent que c’est toujours mieux chez eux qu’en face, qu’ils détiennent un savoir et des vérités que les autres n’ont pas, etc...

La preuve flagrante est l’article que j’ai écrit en décembre 2006 pour Le Mague sur Jacques Quéro. Quelle levée de boucliers, quels sarcasmes et moqueries en tous genres, quels interrogatoires virtuels n’ai-je pas subi via le "Net", dignes d’un tribunal de l’inquisition, d’une chasse aux sorcières d’un autre temps ou des Renseignements Généraux de la Police (puisque c’est la mode).

La critique est aisée, mais l’art est difficile... dit-on !

Cependant, comme j’apprécie le fait que mes articles soient critiqués, j’ai décidé de répondre d’une manière générale n’ayant ni le temps ni l’envie de le faire individuellement.

Il y a belle lurette que les insultes n’ont plus de prise sur moi et je préfère y répondre par l’ignorance ou le mépris, parce qu’il y a moyen de ne pas être d’accord, avec un auteur, en tenant des propos plus serins vides de lâchetés et d’insultes... surtout lorsque ceux qui m’écrivent restent anonymes. Je remercie cependant l’école Hakkoryu de Paris dont le Webmaster a eu le courage d’écrire son nom et de faire des commentaires avec lesquels je ne suis pas d’accord, mais j’irai en discuter, avec lui, puisque c’est avec plaisir que j’irai boire le verre de l’amitié auquel il m’a convié.

L’art martial devrait être un art de vivre, mais sa philosophie échappe à ses pratiquants.

Je vais donc vous raconter une histoire de sagesse orientale qui m’a été transmise par Maître Henry Plée, 9ème dan de Karaté, lorsque nous échangions des propos sur les arts martiaux et sur laquelle je médite encore lorsque je manque d’humilité :

"le passeur et l’intellectuel"

Les Maîtres de l’ombre ont en règle générale une activité indépendante, de type profession libérale ou artisanale, plus souvent artisanale qu’intellectuelle, mais qui les met en contact avec beaucoup de monde et leur permet d’aider, d’enseigner sans que l’on s’en rende compte, ou de s’absenter (pour méditer, pour rencontrer d’autres Maîtres). Rechercher la liberté intérieure en s’organisant pour avoir la liberté extérieure, c’est quand même l’idéal. Donc un de ces Maîtres de l’ombre gagnait sa vie en tant que passeur sur l’embouchure d’un fleuve très large, passage en barque qui faisait gagner plus d’une demi-journée de marche.

Un homme ordinaire juge toujours sur les apparences et en ce qui concerne les passeurs, on est tenté de penser que c’est une activité professionnelle désagréable, réservée aux hommes sans instruction et pauvres. Ce Maître de l’ombre s’était donc vêtu de guenilles et s’amusait à parler le plus mal possible.

Un jour, un intellectuel richement habillé, très satisfait de sa personne, avec un gros ouvrage sous le bras (cela vous pose un homme et met en relief votre biceps, je vous donne le tuyau pour la plage cet été), arriva pour passer. "Pouvez-vous, mon brave homme, me faire passer de cette rive verdoyante sur l’autre rive de ce fleuve sublime ?". "Ben oui, que j’peux si j’suis là c’est pour ça !", répond le maître-passeur avec un sourire. L’intellectuel monte dans la barque et le maître-passeur rame tranquillement vers l’autre rive, tandis que la conversation continue. Après avoir rectifié quelques fautes de langages, l’intellectuel demande au maître-passeur avec un brin de suffisance dans la voix : "Dites-moi, mon brave, n’auriez-vous donc jamais appris la syntaxe pour parler en faisant des fautes ?". "Non, j’cause comme on m’a appris" répond le maître-passeur. "Hé bien, mon brave, si vous ne connaissez pas la syntaxe de votre langue maternelle je suis au regret de vous dire que vous allez perdre la moitié de votre vie !". "Ben, dis donc, c’est pas gai ça !" dit le maître-passeur faussement navré. A ce moment-là, le vent se lève, la tempête commence à secouer dangereusement la petite embarcation au milieu du fleuve et, manifestement, la barque va chavirer. Le maître-passeur regarde alors, perplexe, l’intellectuel qui roule de gros yeux effrayés, et lui demande confidentiellement à l’oreille : "Dites-moi, monsieur l’intellectuel, n’auriez-vous pas appris à nager ?". "Non, jamais...", répond l’intellectuel de plus en plus angoissé. "Hé bien, mon brave, si vous ne connaissez pas la natation, ce que tout animal sait faire, je suis au regret de vous dire que vous allez perdre la totalité de votre vie".

Moralité : "L’ignorant, qui ne peut juger, juge sans cesse !"