Moi, oui ! Je n’y ai aucun mérite : d’une, je suis
écologiste dans l’âme, et de deux je n’ai jamais suivi
les modes. Mon grand frère veut devenir cosmonaute et
moi j’ambitionne de vivre dans une cabane de trappeur,
du côté de Manosque... Je connais tous les noms des
poissons frayant dans nos rivières, le nom des oiseaux
dans le ciel et celui des champignons que je ramasse
pour toute la famille sans empoisonner personne. Je
sais de même qu’il ne faut pas jeter mes papiers gras
par terre et garde par devers moi les reliefs de nos
pique-nique à vélo. A la table dominicale, je peste
contre les automobiles en préconisant le retour des
voitures à chevaux ou l’usage du moteur à eau... Bref,
une conscience en marche !

Alors pourquoi, me direz-vous, depuis quelque temps
l’écologie me gonfle-t-elle, comme une montgolfière
pilotée par Nicolas Hulot et sponsorisée par Total et
Rhône-Poulenc ? La réponse est sans doute dans la
question...

Quand j’étais petit, je ramenais les bouteilles
vides de papa chez madame Oleson, l’épicière, qui me
rendait 1 fr pour la consigne. Puis, dans les années
80, je faisais volontiers le sacrifice de mes
bouteilles en remplissant les containers Récup’verre,
car si ma mémoire est bonne l’argent allait à la
recherche contre le cancer. Sauf votre respect, il me
faudrait aujourd’hui trimbaler mes bouteilles vides au
seul bénéfice des industriels du verre sous prétexte
d’être un citoyen responsable... Merde !

A dix huit ans, on m’a vendu très cher une bagnole
sans me laisser d’autre choix que de transporter mes
fesses au pétrole. J’ai payé l’assurance, la vignette
et des milliers de litres d’un carburant dégueulasse
et qui pue... au prix de l’or en barre (78% de taxes,
si je ne m’abuse) ! Aujourd’hui, pour le même prix je
devrais me sentir un salaud de pollueur chaque fois
que je prends ma voiture, la laisser au garage les
jours de pic d’ozone et accepter que l’on tire à la
courte-paille les plaques minéralogiques gagnantes -
celles qui auront le droit de rouler. Mon cul ! J’m’en
fous, je roulerai quand même si je veux...

Moi, j’suis contre les sacs en plastique depuis
toujours : il existe des tas de solutions, que l’on
semble découvrir aujourd’hui comme si elles ne
dataient pas d’hier ! Mais d’ici la révolution des
emballages, je n’ai aucune intention, après avoir
acheté comme un pauvre con ma pitance industrielle au
discount alimentaire, de passer mes soirées en heures
supplémentaires à trier encore ma merde avec les
doigts...

Le tri sélectif, ce sera sans moi ! D’abord
parce que ma cuisine est trop petite pour y caser
trois poubelles, ensuite parce qu’il y aurait plutôt
des emplois à créer et que ce serait surtout aux
industriels de réformer les conditionnements
alimentaires.

Ce n’est en tout cas pas à moi de faire
l’effort, le cochon de payant ! D’autant qu’à
Marseille, si j’en crois Le Ravi, ils remélangent tous
les déchets à peine arrivés à la décharge...

Et l’écotaxe de Villepin, non ? C’est encore bibi
qui va devoir payer la différence et ramener son vieux
frigo chez Darty sur son dos... Sous peine de me
sentir coupable. C’est bête, mais je m’en fous ! J’en
ai marre...

Tenez, ça fait quarante ans que je milite
pour le solaire ou la chaleur humaine (un mode de
chauffage très efficace, comme dans une étable), alors
désolé, mais je n’ai plus aucune intention
d’économiser l’électricité tant que je pourrai payer
ma facture ! Vraiment, les écolos de minuit moins le
quart, de gauche comme de droite à l’unisson, auront
fini de me démobiliser... Je suis en grève écologique
 !
Et le réchauffement de la planète, insisterez-vous ?
Egoïstement, je ne suis guère concerné au-delà de mes
vieux os, je n’ai pas voulu prendre la responsabilité
de mettre un enfant au monde dans ce bas monde-ci...
Puis, je crois en l’équilibre.

Que la planète
réchauffe encore un peu et c’est paradoxalement tout
notre hémisphère qui connaîtra un climat polaire,
aussitôt avérée la prochaine disparition du
Golfstream... De quoi fournir en glace les futures
générations de buveurs de pastis et compenser la fonte
actuelle de la banquise ! Un autre exemple ? Avec ces
étés indiens à rallonge, on économise l’électricité,
donc on lutte contre le réchauffement climatique par
le réchauffement climatique !CQFD

Je sais, je sais... Je plaisante ! Mon idée est que
dans cette histoire le citoyen lambda est d’abord une
victime, ensuite un otage, davantage que le saligaud
que l’on voudrait lui faire croire. Je vais les trier
quand même, mes poubelles... Mais ça me casse les
couilles !!!