Le Festival déconne

Le Festival déconne

Qu’est-ce qu’un militant de gauche comme moi, bon père de famille au demeurant, amant imaginatif et attentif au plaisir de ma partenaire, activiste mondain dilettante et enthousiaste, ami fidèle des grands, des moyens et des petits de ce monde, et invité sempiternellement toute l’année dans les soirées privées les plus courues - de la capitale et de la province, irait bien faire cette année à Cannes ?
Ce mois de Mai, où en bon français je fais toujours ce qui me plaît, vous m’apercevrez donc à Paris, à Metz, à Bruxelles et dans l’Ouest de l’Europe mais point de descente dans le sud sur pellicule, je vous l’assure. Le cœur n’y est plus. Plus de batterie, plus d’énergie dans mon sex appeal contemplatif des salles obscures et de ce qui s’y passe de bien.

Non, décidément plus de rêve en 24 images/seconde possible pour moi dans le temple de la cinématographique, plus d’émotion, plus d’envie d’être underground et hype en me rendant aux remises des prix du cinéma officiel, parallèle et porno. La mort de Toscan du Plantier avec lequel je prenais de bonnes bitures n’y est pour rien. Mais c’est vrai, il y a quelque chose de moribond au festival de Cannes, et le départ de Canal +, le cinéma business, la suprématie du cinéma de Luc Besson y sont sans doute pour quelque chose.

Bon, c’est vrai aussi, j’ai un peu grossi et le smoking tombe un peu moins bien sur mon petit corps sensuel, mais je ne vais pas faire ma coquette, c’est pour des raisons plus profondes que Cannes et moi sommes en détestations profondes.

Tout d’abord aux alentours de Cannes, il y a toutes ces mémés argentées qui en veulent à ma vertu, persuadées de m’avoir repéré à C’est mon choix » ou à « Questions pour un champion », fascinées qu’elle sont ces vieilles peaux en léopard par mon côté latino. C’est vrai que apprêté pour une soirée de gala, c’est indéniable je fais "mec connu" et les sollicitations deviennent vite insupportables. Ah ! Combien de fois j’ai rêvé d’avoir ce physique banal qui me ferait passer des journées tranquilles sans harcèlement manifeste de la part de tous ces gens en recherche perpétuelle de charisme.
Oui mais n’a pas le physique de Yann Moix qui veut !

Mais évoquons le pire, c’est à dire le film d’ouverture de l’édition 2003. Un grand film français de cape et de pets lourdingues produit par Besson, réalisé par le tenancier de « Taxi » et joué par Vincent Perez qui recommence toujours le même rôle quand il met l’habit d’époque. Ah oui j’oubliais, il y a aussi la future ex de Tom Cruise pour qui on en fait des tonnes et qui a tout de même une drôle de tête et des sales dents.
« Special guest star » ringarde Didier Bourdon gras et mal joué qui empli l’espace de sa présence hasardeuse et pâteuse… mon dieu l’addition est salée pour ce film franchouillard aux accents racistes et à la mise en scène piteuse.

On frise l’infarctus avec toutes ces poulardes à l’écran, ce scénario qui a enflé d’un regard nouveau, certes, mais qui n’a rien compris à l’essence même du cinéma français, qui fait moins bien sans conviction, juste pour se rassurer, pour ne pas avoir l’air médiocre.

Finalement c’est assez logique que dans le marché actuel, « Fanfan la tulipe » qu’on pourrait rebaptiser pour l’occasion "Gnan gnan" ouvre Cannes…
Allez je retourne me taper un DVD, c’est mieux pour la santé d’un esthète.