Freaks Brothers, Freak show et porno Fric !

Freaks Brothers, Freak show et porno Fric !

Le porno des freaks, des fat mammas, des old et des matures, le porno des nains et des pregnants, le porno zoo, le porno des big big dicks (TTTBM : plus de 30 cm), le porno des amateurs (ces monstres du quotidien) est un terrain de jeu sauvage qui a ses rites et ses mythes (Ron Jeremy, John Holmes, Annie Sprinkle…).

Sur le terrain autophage du porno classique, qui se nourrit essentiellement de « beautés parfaites et stéréotypées », la présence du freak est comme un animal rampant, subversion du regard et mise à mal des normes corporelles, mélange de théâtre érotique des zones interlopes des capitales modernes et revival des heures les plus sombres du zoo humain, de la foire du trône et du Barnum. La figure du monstre comme signe pornographique signifie le refoulé et l’indigeste, en résumé tout ce qui n’a pas sa place dans le gigantesque estomac du transit socioculturel, médiatique, politique et économique. Le monstre fermente et est rejeté dans une déjection estampillée bizarre, et rejoint le rôle de l’underground et des contre-cultures en tant que rectum social, espace d’évacuation du trop-plein et du refoulé. C’est pour cette raison que le porno bizarre, le porno des freaks, tout comme la contre-culture, a un rôle hygiénique à jouer au sein de la société.

Surenchère, extension du domaine du rut, acteurs et actrices transformés en sportifs de haut niveau et performers… Le porno traditionnel est devenu un porno-monstre qui affiche une rhétorique nouvelle, hypertrophiée à coup de gang bang, bukkake, fist and foot fucking, double anal, double vaginal, six pack. De façon clinique, exponentielle, maladive, l’homme veut tout voir, tout savoir. Le porno bizarre touche à l’immontrable, à la partie douloureuse du regard, au pli discret rendu public sur le web où la partie monstrueuse de l’homme s’est développée, pullule et a trouvé une place de choix, une terre d’accueil hors lois, hors normes. Ainsi, toutes les perversions, toutes les pratiques sexuelles et toutes les formes de pornographie possèdent leur site (du site sur les ballons de baudruche à celui des fétichistes des ongles de pied !). Big lips, big tits, big dicks, for nice trip. Welcome in a brand new world !

Le porno freak ou porno bizarre est hors-champ de la caméra !

Et oui, les vrais freaks du quotidien ne se trouvent pas dans le circuit des films pornos mais plutôt sur Internet, à travers des drunk movies, des hidden cameras (caméras de surveillance dans des parkings, des cinémas, webcams planquées), avec parfois de vraies bizarreries, parfois des moments de grâce aussi, ces moments que l’amateur de films pornos recherche désespérément, où l’œil se plisse, le visage se tord, le corps se livre, fragilité de brume, et où l’on sent se dévoiler ce qu’il y a de plus humain et d’universel dans l’homme, comme dans Shadows de Cassavetes, Deep End de Skolimowski ou encore Monika de Bergman. Le porno freak, c’est l’œil du réel ; le porno freak montre et démontre l’immontrable et ce qui est réservé habituellement à l’intimité la plus secrète, cela même que le cinéma traditionnel est inapte à capter pour le moment : soit un réel insoutenable, soit des moments de grâce réservés à la plus pure intimité (moments parfois très ludiques : jeux sexuels ou enfantillages).

Les tentatives désespérées de Breillat, et celles mieux pensées de Dumont et d’une certaine manière de Noé effleurent le sujet. Viendra le temps d’une libération où le sexe fleurira au creux des cuisses d’un cinéma traditionnel qui se pâme déjà, ne demande que ça et où l’on verra des perfusions d’amour faites avec des queues.

Loin des Hot d’or et de la rhétorique d’un porno de luxe, le porno freak navigue en steady-cam entre les cuisses offertes d’une étudiante filmée à son insu et le sexe difforme d’un réel freak branlé par une sœur freak de cent trente kilos ; il plonge son œil de vérité sale sur une femme enceinte en pleine extase souillée par une dizaine de queues de mâles ; il frôle l’aine experte du porno gonzo ; ciné amateur en mini DV, ciné rock’n roll, ciné drunk, ciné punk, porno déviant, scato, partie de jambes en l’air avec jambes-moignons ou jambes-saucisses flétries de soixante-dix ans, le porno freak oscille entre fun et hérésie, entre jouissance extatique du monstre et regard pervers de celui qui filme, en somme entre le droit d’exister, de vivre au grand jour sa folie, et l’abjection visible provoquée dans l’œil de la normalité, qui se rétracte comme sous l’effet d’une drogue, mais étend son règne économique à cette partie souffrante de l’humanité.

Extrait de The Hot weird thing, in Revue Hermaphrodite n° 8

Extrait de The Hot weird thing, in Revue Hermaphrodite n° 8