C’est Elle

C'est Elle

Le scrutin interne au Parti socialiste a offert une victoire incontestable à Ségolène Royal, mais en révélant un élan populaire attendu avec gourmandise par les commentateurs et par beaucoup de gens qu’onze années de chiraquisme ont lassés, le plébiscite du 16 novembre masque un peu les vrais enjeux de l’opération menée de main de maître par la rue de Solferino. La bataille suprême est désormais engagée, alors qu’elle apparaît déjà gagnée à certains. L’ennemi d’ailleurs, ne s’est pas découvert, or on sait combien de divisions sont prêtes à fondre sur un pays marqué par le chômage, la mondialisation, les inégalités, la précarité, les pratiques délétères et les passe-droits divers. Le Monde, subjugué par un événement qu’il convient de resituer dans son contexte, se demande à quel moment et comment Nicolas Sarkozy va se déclarer, tandis que le président en exercice jusqu’en mai 2007 fait savoir par personne interposée qu’il lui semble urgent d’attendre. À gauche, le résultat du vote a dû faire le bonheur du plus grand nombre, le changement qu’une femme incarne forcément, le parler vrai, volontiers iconoclaste, un renouveau démocratique ont beaucoup d’attraits dans un paysage politique dont certains aspects font penser à la fin de l’ère gaullienne. Mais même au Parti socialiste, près de 40% des suffrages exprimés font entendre des voix perplexes, troublées, voire désabusées. À toutes ces personnes, Ségolène Royal a lancé dès vendredi un appel pour se rassembler, se mobiliser, ainsi qu’à tous les Français. À la LCR, on ne se fait aucune illusion, et au Parti communiste, Marie-George Buffet est à peu près découragée... Sans compter que des appétits ne seront pas assouvis ! Le décor de la tribune de Ségolène Royal, à Melle dans les Deux-Sèvres, était évocateur. Et si ce n’était pas elle ?

Ce moment de bonheur sera trop bref pour elle
Tant son succès pourrait décourager plus d’un,
Frappé par les lois du commerce, et leur dédain
De la personne humaine : il va chercher querelle.

Tous ont cru voir un jour voler la tourterelle,
Or c’est la guerre en fait, qui va venir soudain
Mobiliser les gens sous son vertugadin
Pour se jeter sur la bastille intemporelle !

Si son discours fait du calcul électoral
Un reflux aussi sec qu’il sera général,
La France aura bougé pour revenir sur place.

Alors, voyons toujours, mais restons attentifs
Car le chef de l’État peu souvent se remplace
Et gardons nous d’avoir des jugements hâtifs.