Les criminels aussi peuvent avoir la beauté du diable !

Les criminels aussi peuvent avoir la beauté du diable !

Tristan Mendès France l’a bien compris dans son livre, les dictateurs, les bourreaux, et les tyrans exercent sur la mémoire collective et individuelle une sorte de fascination qui est un savant mélange cruel entre du dégoût, de la haine et de la séduction perverse. Ce qui pourrait paraître là comme une considération physique stérile et secondaire, n’est autre qu’un fait empli de signifiés extrêmement pertinents qui méritait un débat après coups avec toute la rigueur du travail d’un journaliste d’investigation.

Adolphe Hitler, Saddam Hussein, Oussama Ben Laden, le colonel Khadafi et d’autres par les flamboyantes épopées militaires et médiatiques qui furent les leurs sont les dangereux mondiaux et historiques que l’on exhibe, montre du doigt, condamne pour les forfaits contre l’humanité qu’ils ont commis bien sûr mais en prenant bien garde de tout savoir d’eux, de les étudier plus avant, car leur folie dévastatrice nous intéresse autant qu’elle nous terrifie.

Curieusement, si on feuillette avec un peu de recul le catalogue « morphologique » de ses « Monstres » innommables, on s’aperçoit que la plupart d’entre eux ont véritablement un vrai talent charismatique, ils sont beaux, souvent élégants. Leur capacité à séduire et à fédérer n’est plus à démontrer. Les salauds planétaires sont rarement laids, c’est ainsi, ils en jouent, leurs effigies inondent leurs peuples opprimés.

Moins médiatisé que ses confrères, Alfredo Astiz n’en est pas moins, à travers son parcours personnel et ses tueries, un archétype, une énergie du mal et une folie qu’il convenait de ne pas oublier dans les méandres des cruelles exactions des hommes.

Ce capitaine de frégate aux airs de Kennedy, bel homme, fier et orgueilleux surnommé « Gueule d’ange » ou « L’ange exterminateur » dans son pays l’Argentine méritait toute notre attention.

A contre-courant dans l’actualité immédiate, mais en pleine synchronie dans la justesse du propos et dans le pertinence de l’analyse, Tristan Mendès France commet là un livre courageux, fort bien documenté, remettant la focale adecquate et l’insert en très gros plan sur ce dictateur qui de 1976 à 1983 a tué, torturé, et éliminé avec une violence rare ses opposants. Des crimes qui à ce jour restent totalement impunis.

Qu’on se le dise, dans l’ouvrage de ce jeune journaliste à l’ascendance politique célèbre, on apprend beaucoup de choses sur les méthodes astiziennes, sur ses protections européennes, sur ses thèmes d’imitations nazies et sur tous les enjeux politiques, humanitaires et sociaux de cette région du monde dont on a souvent une vision caricaturale ou baisée par les résumés Presse.

Il était bon de reprendre sous forme d’essai livresque ce temps "béni" pour le crime organisé, cette lâcheté de tuer et d’anéantir au nom de principes et d’intérêts pervers et égoïstes, des méfaits dans toute leur abjection si savamment oubliées des commentateurs, ces derniers leur préférant d’autres conflits géopolitiques plus savoureux ou jeunes ou pétrolifères.

Un livre fort, important, poignant traité sans affectif exacerbé, un devoir de mémoire pour que notre conscience morale si sélective le soit un peu moins.

Le sort pénal d’Alfredo Astiz n’a toujours pas été jugé en 2003, il coule, sans être nullement inquiété, des jours paisibles sur les bords de la Plata.

Gueule d’Ange, Tristan Mendès France, Editions Favre, 122 pages, 17 euros.

Tristan Mendès France est assistant parlementaire, journaliste-Ecrivain, et documentariste. Impliqué dans la défense des droits de l’homme, il a notamment enquêté sur "Dr la Mort" en Afrique du sud en 2001. Enquête qui s’est traduite par un documentaire du même nom sur France-Télévision et un ouvrage aux Editions Favre. Il est également administrateur de l’Institut Pierre Mendès France, consacré à son grand-père.

Tristan Mendès France est assistant parlementaire, journaliste-Ecrivain, et documentariste. Impliqué dans la défense des droits de l’homme, il a notamment enquêté sur "Dr la Mort" en Afrique du sud en 2001. Enquête qui s’est traduite par un documentaire du même nom sur France-Télévision et un ouvrage aux Editions Favre. Il est également administrateur de l’Institut Pierre Mendès France, consacré à son grand-père.