Interview : Amanda Lear with love

Interview : Amanda Lear with love

Amanda Lear est une grande amoureuse et elle le revendique. Depuis le 30 octobre, son album « With love » est dans les bacs.

« With love » n’a rien à voir avec ce qu’elle a pu faire auparavant. Elle revisite les plus grandes chansons d’amour, ses préférées, qu’elle a choisies avec soin. C’est un hommage qu’elle rend à de merveilleuses interprètes, pour la plupart des « torch singer », comme Nina Simone, Peggy Lee ou Shirley Bassey.

Dès mon arrivée au Mathys bar, Amanda s’extasie sur ma robe. Rencontre pleine de sourires et de rires avec une femme éminemment intelligente et talentueuse :

1. On sait de vous que vous avez été l’égérie de Mick Jagger, la muse de Salvador Dali, la compagne de David Bowie. Peut-on dire que l’amour sous toutes ses formes régente votre vie ?

Parfaitement. C’est pour cela d’abord que j’appelle l’album, With love. C’est un disque d’amour. Je suis une grande amoureuse. La chanson « Je suis une grande amoureuse... » L’amour sous toutes ses formes est représenté dans cet album. J’ai beaucoup aimé dans ma vie et je continue à aimer passionnément. Je pense que le mot le plus important sur cette planète, c’est love. C’est le mot qui dirige tout. Si on s’aimait, il n’y aurait plus de guerre, il n’y aurait plus de misère. Love. Pour moi c’est la chose la plus importante au monde et vraiment je suis passionnée d’amour. Et j’aime qu’on m’aime aussi. Rires

2. A-t-il été difficile de persuader votre maison de disques de sortir cet album « With love » ?

Oh vous ne pouvez pas savoir ! Ils ne veulent pas changer. Ils me disent « Mais non ma chérie, toi, tu es disco ! » Je réponds « Quoi ? Et alors ? Et après ? » Attendez, je ne vais pas jusqu’à 70 ans me tortiller au Queen quand même ! Rires.

3. Tous les titres datent des années 50/60. Seules les chansons des ces années-là pouvaient refléter l’ironie, le bonheur ou la désillusion de l’amour ?

Complètement. Mais il y en a des plus vieilles encore. Je voulais reprendre Mistinguett « C’est mon homme... » ou Joséphine Baker « J’ai deux amours, mon pays... » Cela peut remonter à 50/60 ans et c’est vrai que peut-être, à l’époque, contrairement à l’année dernière, on se donnait un peu plus de mal pour écrire des chansons avec des textes qui veulent dire quelque chose. Aujourd’hui, malheureusement, j’ai l’impression qu’on privilégie le rythme, la mélodie. Ce sont des chansons où l’on prend une parole qu’on répète... Au moment du disco, par exemple, « Daddy cool », daddy cool, daddy cool, il répète 300 fois daddy cool et c’est une chanson. Une chanson, c’est un texte, c’est comme une poésie, ça rime et tout. C’est vrai qu’alors on se donnait plus de mal pour écrire de belles chansons vécues, des gens qui avaient souffert, qui connaissaient l’amour. Aujourd’hui, je trouve moins de paroles aussi émouvantes que les chansons d’Aznavour, de Gréco...

4. Peggy Lee, Nina Simone, Barbara, Marlène Dietrich, Juliette Gréco... Reprendre ces standards alors que beaucoup ont encore en mémoire l’interprétation propre à ces stars ne vous a pas fait peur ?

C’est évident. Tout le monde va comparer et dire « Oh ben non, je préférais la version de Nina Simone ». C’est sa chanson, elle a une voix jazz... Tout le monde va dire « Elle chante « Bambino », je préfère Dalida ». Cela n’a rien à voir. A ce moment-là, on ne chanterait plus rien. Plus personne ne chanterait « La mer ». On ne toucherait plus à rien. Il faut prendre aussi le risque de proposer des chansons que peut-être les gens ont oublié, à ma façon. C’est cela qui change. Il ne faut surtout pas essayer de copier la chanteuse originale, il faut le faire à sa manière. C’est cela qui est bien. « Déshabillez-moi », Gréco a sa voix qui n’est pas la mienne. Peggy Lee, vous imaginez, c’était la plus grande chanteuse de jazz. Après elle, j’ai du mal. J’ai fait « Fever » aussi mais pas comme Peggy Lee. Il faut bien tenir compte que chacun interprète à sa façon. Qui a repris “I will survive” ? Tout le monde l’a repris, même les footballeurs. Ils n’ont pas la prétention de chanter aussi bien que Gloria Gaynor mais ils ont tous chanter « I will survive ». Ce n’est même pas la peine de comparer.

5. D’aucuns continuent à jouer les étonnés quand on évoque votre travail d’artiste peintre. Or, vous qui avez étudié aux Beaux Arts et pour qui la peinture compte énormément, ne préféreriez-vous pas qu’on parle un peu plus de vos tableaux ?

C’est vrai, c’est une passion. J’ai commencé peintre. Voyez, là, c’est un catalogue d’une expo à Florence, d’une autre à Hambourg. Il y en a une en ce moment à Monte-Carlo. J’expose en ce moment un petit peu partout et c’est vrai que les gens l’avaient oublié ou ne le savaient pas. Ils ne savent pas que, en fait, j’ai commencé aux Beaux Arts, peintre, la rencontre avec Salvador Dali qui m’a dit « Les femmes ne savent pas peindre, ma chérie. Ne me montrez pas vos toiles ! » Bon... Rires. Et puis, ensuite, il y a eu la chanson, complètement par hasard puisque David Bowie m’a fait signer mon premier contrat et ce n’est qu’après que Marie-France Bruyère m’a proposé d’animer une émission télé que je suis venue à la télé et au cinéma. Maintenant les gens me connaissent télé et tout mais ils ne se rappellent pas qu’avant, il y a quand même eu la peinture. Ce qui est formidable, c’est qu’en ce moment, j’ai l’impression de revenir en arrière, à mes premières amours, puisque je refais des expos de peinture et je re-chante. Pour moi, c’est merveilleux parce que c’est ce que j’aimais vraiment. La télévision finalement, c’est un accident de parcours. Vous avez du bagou, vous êtes photogénique « Oh ben toi, tu vas faire de la télé, ma chérie. » Mais ce n’est pas un métier. Il n’existe pas d’école de télé. La télévision, ce n’est vraiment pas un métier, c’est un coup de bol. C’est un coup de chance. Rires. Un métier, c’est être comédien, c’est être chanteur, c’est être peintre, c’est... Ce sont des vrais métiers, mais pas la télévision. Et donc moi, j’ai eu cette chance de gagner beaucoup d’argent, de devenir très populaire en me servant de la télé, tant mieux. Si demain on me barre de la télé, je ne vais pas en mourir tandis que le reste, vous avez cela en vous, vous avez besoin de peindre. Vous avez besoin de chanter. Vous avez besoin de jouer la comédie. C’est viscéral. Comparé à la télé, à part Danielle Gibert qui n’en dort plus la nuit, on n’a pas ce besoin « Oh merde, je ne passe plus à la télé, je vais mourir ! »

6. « Les sanglantes osmoses du rêve et de l’amour occupent entièrement la vie de l’homme » « Je considère l’amour comme l’unique attitude digne de la vie d’un homme » Ces phrases de Dali peuvent aussi se comprendre quand on est une femme, non ? Qu’en pensez-vous ?

Bien sûr ! Je pense que les femmes sont encore plus amoureuses que les hommes. Elles n’aiment pas pareil. L’homme, il y a toujours le sexe un petit peu, en arrière fond, la volonté de posséder, de dominer. « Cette femme, il faut que je l’aie, qu’elle soit à moi. » Vous voyez ? La femme est plus généreuse, elle aime avec son corps. Elle pardonne certainement beaucoup plus facilement aussi que l’homme. Alors que l’homme « Oh la la, qu’est-ce qu’elle lui trouve ? Elle a osé coucher avec un autre mec ! » Ce n’est vraiment pas pareil. Je pense que les femmes aiment beaucoup plus et souffrent sans doute beaucoup plus que les hommes.

7. Vous parlez cinq langues, ce qui est beaucoup pour l’image de la blonde écervelée qu’on vous prête parfois ici en France. En quelle langue rêvez-vous, Amanda ?

C’est vrai ! Je suis sur que Paris Hilton n’en parle qu’une et encore ! Rires.

Je ne sais pas, je rêve en images et en couleurs en ce moment. Rires. Totalement bilingue pour moi, c’est le français et l’anglais. C’est vrai que je peux aussi bien rêver en anglais qu’en français. Je dois certainement faire un effort pour l’italien et l’espagnol. L’espagnol, je le parlais avec Dali. Avec mon fiancé, je parle italien du matin au soir. J’ai animé des émissions à la télé allemande mais là, c’était un effort. Il fallait vraiment que j’apprenne mon texte et tout. Mais ce qu’il me vient le plus spontanément, c’est le français et l’anglais. De toute façon, je trouve que le français est la plus belle langue. C’est beaucoup plus beau le français que l’anglais. L’anglais n’est pas une langue très jolie et l’allemand est une langue épouvantable.

Oh et l’italien quand on est amoureux...
Oui... Ou alors l’italien quand on est amoureux... Uniquement pour parler d’amour !

8. Les élections présidentielles occupent en ce moment le devant de la scène médiatique française. Quel regard, l’artiste que vous êtes, jette sur ces combats politiques ? A votre avis, une femme a-t-elle une chance de devenir présidente de la république ?

Aïe ! Non. J’aimerais bien mais je continue à penser que la France va avoir du mal à accepter une femme. Pourtant, il y a eu des grandes femmes politiques que ce soit Catherine de Russie ou Indira Gandhi ou Madame Thatcher ou n’importe, il y a eu des femmes politiques. En France... Il faudrait que ce soit une femme à poignes, une de ces femmes extraordinaires comme Golda Mayer, toutes ces femmes-là. Je ne la vois pas, elle est trop mignonne, gentille, souriante. Elle essaye de plaire à tout le monde, Ségolène. Moi, je ne vois pas encore une femme politique... Je vois cela d’un très mauvais œil les élections parce qu’il n’y a pas tellement de choix, ça ne va pas plaire et de nouveau il va y avoir la grogne. Ce n’est pas évident.

9. Existe-t-il un âge où une femme ne peut plus demander à un homme « Déshabillez-moi » ?

Grand éclat de rire. Oui, c’est vrai, c’est vrai que ce rapport que nous avons avec notre corps... C’est très dur pour une femme de voir son corps changer. L’homme moins parce qu’il compte beaucoup sur sa zigounette. « Ma zigounette fonctionne alors... » Il se moque un petit peu de ses poignées d’amour ou de perdre trois cheveux. Et moi tout particulièrement qui choisit des jeunes hommes musclés qui pourraient sortir avec des canons, des filles magnifiques, je me dis que quand ils vont me voir déshabillée, comment ça va se passer etc. C’est vrai que cela devient très difficile donc ça vous oblige à faire dix fois plus d’efforts, dix fois plus d’abdos, de gym, de régime, c’est stimulant. Il ne faut absolument pas le décevoir. Surtout qu’il ne vous passe rien un petit jeune. « Ouh tu n’as pas un peu grossi là ? » « Hein ? Quoi ? Où ça ? » Rires. Je vous assure, ils sont redoutables. Et pour moi, c’est très bien. Ça m’oblige à me surveiller. Il m’amène à la plage l’été. « T’es sûr, sur une plage publique, tout le monde va me regarder ! » « Ben oui quoi, qu’est-ce que tu as ? Tu n’as qu’à arrêter de manger un petit peu ! » Voilà ce qu’il me dit donc je me dis merde, on va me voir en maillot, on va me photographier. Il faut rentrer le ventre et tout. Rires. Ce n’est pas facile !

10. Le moment est venu de nous séparer, chère Amanda. Avant de vous laisser clore cet entretien, j’aimerais savoir, qu’est-ce qui peut vous faire dire actuellement « C’est magnifique » ?

Déjà ? Rhooooooo ! Vous ne parlez que d’amour, vous ! J’adore ! Rires

Ce qu’il se passe en ce moment, c’est magnifique ! J’ai perdu mon mari, il y a 6 ans et j’ai l’impression que ce qu’il m’envoie, c’est devenu mon impresario maintenant, c’est magnifique. Il m’envoie tout ce dont j’ai rêvé. C’est à dire cet album, le film que je viens de tourner avec Bruno Putzulu, une tournée théâtrale l’an prochain. Là, je vais en tournée en Russie en novembre. La belle maison, un nouveau fiancé. C’est magnifique ! Vraiment je dois dire que, il faut travailler bien sûr, mais quand vous arrivez à réaliser des vieux rêves, c’est magnifique. D’ailleurs, vous entendez cette chanson, elle est en anglais « When love come... » La seule chose qu’ils n’ont pas pu traduire, c’est « c’est magnifique ». Ils ont gardé la parole française, c’est magnifique. Les Anglais emploient cela, ils ne peuvent pas dire « It’s magnificent ! » « It’s wonderful ! ». Ils disent « c’est magnifique ! » parce que c’est une parole très fine.
Ecoutez, merci. C’est magnifique ! Rires

C’est bien le Mague. Des amis me l’ont déjà fait lire. J’aime beaucoup.



Photo : Cali Rise

With Love, Amanda Lear, Edina music/nocturne Dès le 30 octobre 2006

With Love, Amanda Lear, Edina music/nocturne Dès le 30 octobre 2006