Mitterrand, une Affaire d’amitié

Mitterrand, une Affaire d'amitié

Il est, dans le parcours politique de François Mitterrand, une constante qui ne s’est jamais démentie : sa fidélité en amitié. Au point que, parfois, ses convictions politiques ont pu paraître passer au second plan. Complices d’une jeunesse à l’étroit dans son temps, compagnons de captivité, confidents, passionnés, aventuriers : tels étaient les amis de François Mitterrand...

Certains dans l’ombre, tels Georges Dayan ou Jean Védrine. D’autres, exposés publiquement, tissaient avec lui la toile du pouvoir, tel Roland Dumas. Certains furent débusqués de leurs alcôves par des scandales, ainsi Roger-Patrice Pelat ou François de Grossouvre. D’autres, êtres aux vies multiples, partageaient avec lui le culte de l’amitié, à l’image de Marguerite Duras à Pierre Bergé.

C’est toutes ces histoires que raconte Stéphane Trano dans son dernier ouvrage : Mitterrand, une Affaire d’amitié. À contre-courant des idées reçues, l’auteur démonte, témoignages à l’appui, les mécanismes qui ont fait de François Mitterrand le deus ex machina d’une conquête machiavélique du pouvoir. Pour découvrir qu’il en était, aussi, l’instrument pour des assoiffés de puissance. Il rend sa place au hasard, renvoie les amis à leurs responsabilités.

Polémique, briseur de tabous, ce livre fait la lumière sur les amitiés mitterrandiennes, et explore ce sens de la fidélité poussée à son paroxysme. Avec une question lancinante à la clé : jusqu’où peut-on aller par amitié ?

Extrait : La fortune des rescapés

Il ne fait aucun doute qu’en refusant de condamner ceux qu’il a connus dans sa jeunesse, et qui se sont engagés, par ambition, par idéalisme ou par activisme, dans des causes somme toute éloignées de ses préoccupations, François Mitter­rand a reconnu qu’il y avait, pour lui, d’autres destins possibles, et qu’il avait eu, d’une certaine manière, de la « chance » ou de l’« intelligence ». Les pensait-il victimes de l’Histoire ? C’est une possibilité. Nous aurions là l’explication du regard commun qu’il portait sur ces hommes avec Pierre de Bénouville, se faisant un devoir de ne pas les renier. Reste qu’il faut distinguer la fidélité aux amis de ce que ces amis en ont fait et de ce qu’ils sont deve­nus. La seule question qui se posera alors, après tout, est de savoir si l’amitié parvient, finalement, à survivre malgré l’irruption du pire.

Mais alors, il faut renvoyer aujourd’hui la flèche à ceux qui ont si bien visé Mitterrand. À ceux, aussi, qui se sont tus et se tai­sent encore. À ceux qui corrigent leur biographie dans le Who’s Who pour en effacer certains aspects gênants. Ils n’ont plus grand-chose à craindre, cela dit : le débat dont Mitterrand a été la victime expiatoire a tant saturé les esprits que nous ne sommes pas vraiment près d’y revenir.

— -> Le blog de Stéphane Trano