Les médecins béninois hors de France ! (3/3)

(...)L’autre réalité, revêche, preuve également de l’indignité des personnes concernées au regard de la dette de formation qu’elles ont parfois envers leur État, c’est que la plupart ne sont même pas employées à leur juste valeur. Un certain nombre servent d’aides-soignants avec leur grade de médecins. Et tout en s’humiliant ainsi au regard du prestige de leurs collègues européens, elles sont forcément efficaces pour les missions qui leur sont confiées. Ces médecins-aides-soignants-sous-développés ne prennent en revanche la place de personne. Au moment où l’État français fait la cour à des aides-soignants espagnols ou d’ailleurs, voici que des individus de niveau d’étude supérieur, qui en plus maîtrisent votre langue parfois même mieux que certains parmi vous, se livrent au même prix, et la plus grande récompense que vous leur apportez, c’est de suggérer qu’ils constituent un problème d’immigration. C’était trop curieux pour ne pas être évoqué !

Enfin, ce que je voudrais expliquer à M. Sarkozy, même s’il estime que les explications empêchent de progresser, c’est tout simple. C’est qu’en réalité, la majorité de ces médecins n’ont même pas bénéficié d’aide ni de l’État béninois, ni de la France, pour payer leurs études. Leurs familles ont souffert pour accumuler des CFA et les envoyer étudier en France. Dans le contexte mondial actuel où l’employé a remplacé l’individu, il est totalement archaïque d’empêcher les gens d’offrir leur service où on en a besoin et où ils estiment, à tort ou à raison, qu’ils se vendent le plus cher.

Aussi pernicieuses qu’elles soient, des affirmations de ce genre discréditent radicalement les progrès qu’on semble attribuer à l’intelligence et nous ramènent vers une question d’origine toute simple : que voulons-nous au juste ? Et : ce que nous voulons est-il vraiment différent, positivement, de ce qu’expriment les individus que nous caricaturons pour les besoins de la politique ? Sans détour, je soutiens que les Français auraient été surpris d’entendre un M. Le Pen faire la même suggestion. Mais quand c’est un M. Sarkozy qui tient de ces propos, ils ne sont même pas relevés. Que l’on se rassure, si tous les médecins béninois de France décident de rentrer au Bénin, ils ne traverseront pas deux frontières ! Ils sont demandés ailleurs aussi, grâce à une réputation dont ils héritent.

Et vous savez comment on accueillerait votre discours au Bénin ? « Caramba ! Sa première copine a dû épouser un médecin béninois et il a mal ! »

Ce texte a paru dans La lettre des diasporas, bulletin d’information de la Médiathèque des diasporas (Cotonou).

Ce texte a paru dans La lettre des diasporas, bulletin d’information de la Médiathèque des diasporas (Cotonou).