Les médecins béninois hors de France ! (2/3)

(...)L’autre exemple, et je m’en arrête là puisqu’on pourrait en prendre dans chaque domaine, c’est la chirurgie. Il y a un petit village à deux cent vingt kilomètres de Cotonou (Cakaloké) où depuis des générations des individus d’une même famille se consacrent à une activité qui aurait été bannie depuis des lustres en France, sous prétexte de médecine illégale. Lorsqu’un membre est touché par une luxation, une entorse et même une fracture, sans autre blessure, cette famille soigne le membre par de simples massages. J’ignore si cela est scientifique, mais le résultat est positif à cent pour cent à condition que le malade soit pris en main dès le jour de son accident. C’est notoire quand bien même marginal. C’est presque gratuit, mais c’est très peu pratiqué parce que cela n’intègre pas les schémas des programmes de santé. Tout comme le papayer qu’on n’a pas attendu le professeur Montagnier pour intégrer dans nos gestes de guérison. Je veux dire qu’au Bénin, le médecin n’est pas un dictateur et le patient potentiel un assisté incapable de prendre lui-même certaines décisions de survie.

Tout ceci pour dire que le Bénin ne souffre d’aucun problème de manque de médecins. Ce dont il a besoin en matière de santé, c’est d’abord plus de sous, même si déjà, souvent, le budget de l’Education nationale et celui de la Santé représentent à eux seuls environ la moitié du budget de l’État. Ce ne sont pas les médecins qui manquent. C’est la capacité administrative et financière à les répartir, à leur donner des moyens d’action à côté d’habitudes positives qui disparaissent (la consommation de l’infusion du kodo, tous les matins par les enfants, par exemple, qui cède de plus en plus au Nescafé au lait ou au Milo). Car, il faut le dire, nous avons du talent pour ne récupérer dans les apports de nos contemporains que les éléments de consommation les plus nocifs. Ce dont la santé béninoise a besoin, c’est d’équipements sanitaires modernes qui complète la compétence, la conscience et l’intégration sociale des médecins du Bénin. Ce dont la médecine béninoise a besoin le plus, c’est plus de capacité financière des citoyens pour payer les remèdes de plus en plus chers qui s’imposent et bouleversent leurs habitudes.

S’il y a des médecins d’origine béninoise en France qui exercent et qu’il n’y a pas d’autres médecins qui chôment, pour moi, et d’après ma logique en voie de développement, cela signifie qu’en France, il y a besoin de médecin aussi. Mais il y a plus que la logique. Il y a la vérité des faits.

Récemment malade, j’ai été confronté à cette médecine française. J’ai été invité à l’écrire. Ce n’est évidemment plus la peine puisque, quelques semaines plus tard, j’ai commencé à entendre la publicité d’un roman intitulé « Docteur, puis-je vous voir avant six mois ? » Un titre qui à lui tout seul résume la totalité de mon aventure tout en me rappelant les conditions dans lesquelles, à Cotonou, sans ambulance, ma compagne fut sauvée d’un semi-coma provoqué par une crise de palu, dans une clinique ordinaire où j’ai dû la transporter dans l’urgence. Les Français estiment que leur médecine est la meilleure au monde. Ce n’est pas faux ! c’est français.

Or, je constate que dans la meilleure médecine du monde, il vaut mieux avoir un rendez-vous avec la maladie, une année auparavant, choisir la bonne maladie pour ne pas se tromper de spécialiste, passer forcément par un généraliste (c’est la loi) dont le rôle n’est pas de soigner, mais d’écrire pour te prescrire des aspirines ou quelques bricoles que la pharmacie refusera de te vendre sans cette ordonnance, et un mot sans lequel le spécialiste ne te prendra pas, même six mois plus tard. Si tu es sous-développé en plus, tu dois refaire une énième fois le test du Sida, avant toute chose, et avec beaucoup de chance, quelqu’un te dira, dans la foule des personnes par où passer, le nom de ta maladie. En dix ans, depuis mon problème de dent, j’ai été confronté à la médecine française quatre fois. Quatre fois, j’ai subi ce genre de pratiques à Paris, au Sud et au Nord de la France. Et puisque pour un rhume ou des céphalées, les hommes d’État africains vont se faire soigner en France, je commençais à me demander si je n’étais pas malchanceux et à me dire qu’il n’était pas possible que les choses fonctionnent ainsi. La publication de ce roman auquel je faisais allusion me rassure à cet effet.

Ne soyons pas hypocrites, si la liste d’attente dans les cabinets médicaux est si longue, c’est soit que la machine est mal huilée, soit qu’il manque des médecins ou encore les deux. Or, s’il manque des médecins, pourquoi ceux qui sont d’origine béninoise ne pourraient pas servir ? Pour qu’on ne dise plus : « Va voir le Béninois du coin, les médecins béninois sont sérieux » ? Très exactement comme on m’a déjà dit des médecins juifs ? Vaut-il mieux entendre cette exhortation vers les médecins juifs uniquement ? Sans doute, ce serait plus propre ! En quoi la présence de médecins d’origine béninoise gêne-t-elle la sécurité de l’État français ? Je défie M. Sarkozy d’apporter une réponse non biaisée à cette question.

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