Les médecins béninois hors de France ! (1/3)

Les médecins béninois hors de France ! (1/3)

Je profite de l’actualité pour donner une petite explication à un monsieur des fidèles lecteurs de nos chroniques. Il a un nom et une origine aussi peu français que les vôtres et le mien (Sarkozy ?), mais sous son air de poupée choyée, c’est un monsieur très important pour les Français. Il est, je
crois, le chef de la police ou de la douane ou quelque chose dans le genre.

En tout cas, concrètement, il est chargé par le gouvernement français de reconduire les individus sous-développés à la frontière, de réduire la quantité de visas accordés à ce type d’individus, d’empêcher la prostitution et la mendicité, de fusionner toutes les associations musulmanes (mosquées) en une seule et gigantesque association financée par la France et dont les présidents (imams) ne seront plus désignés en vertu de la loi du premier juillet 1901, mais nommés (« formés ») par l’État français. Il est aussi chargé, je crois, de disperser les jeunes qui se regroupent dans les quartiers et de créer des spectacles antiterroristes dissuasifs pour les futurs candidats à la mort. Bref, c’est un monsieur qui a du cran pour que la France elle-même choisisse de lui confier, lui dont les parents n’avaient pas été reconduits à la frontière, ce qu’elle considère comme la priorité de ses priorités aujourd’hui.

La semaine dernière, j’écrivais qu’il n’y avait pas beaucoup de dentistes au Bénin. Dimanche, ce monsieur a redit à la télévision qu’il y avait moins de médecins béninois au Bénin qu’en France, en prenant soin d’ignorer mes deux autres révélations, à savoir que les habitudes hygiéniques de la masse ne nécessitent peut-être pas davantage de dentistes et que d’ailleurs s’il y en avait plus, ils chômeraient parce qu’il n’est pas certain que la population ait les moyens de les payer. De là à suggérer que les médecins français d’origine béninoise retournent au Bénin, il y a quarante-trois ans d’hésitations, de réflexions, et six mille kilomètres que M. Sarkozy n’a pas hésité à franchir en un clin d’œil, du bas de son plateau de télévision.

Je suis certainement le plus épouvanté, le plus choqué, de voir que des praticiens pour la formation desquels l’État sous-développé a sacrifié des deniers importants de ses maigres ressources aient si peu de morale pour ne pas retourner servir, en retour, le même État, si peu de dignité pour laisser croupir leur propre peuple dans la maladie en s’investissant au luxe d’autres populations (puisque tel est le raisonnement). Mais, n’en déplaise à M. Sarkozy, parfois, souvent même, j’allais dire presque toujours, l’explication des phénomènes peut permettre de mieux les comprendre, d’éviter des contre-vérités et de leur apporter une réponse adéquate.

Au Bénin, en effet, pays sous-développé en voie de développement, il y a beaucoup de médecins. Il y a même beaucoup de médecins de qualité. En tout cas, il y a des médecins qu’on va voir quand on tombe malade et qui vous auscultent, vous soignent. Ils ne sont que moyennement débordés, sauf au Centre hospitalier et universitaire de Cotonou où il se pose, depuis de nombreuses années, hélas ! de sérieux problèmes d’organisation administrative et qui ont pour conséquence d’accumuler des cas graves et finalement de rendre cet endroit peu fréquentable. La compensation à cet absentéisme est la prolifération des cliniques ou cabinets médicaux (où exerce d’ailleurs quelques rares Français, mais surtout les mêmes médecins du CNHU).

Mais ils demeurent assez chers pour la capacité de la majorité des citoyens qui, pour les petites maladies s’adressent au centre de santé le plus proche car il y en a généralement un. Feu le docteur Alfred Comlan Quenum, les équipes professorales de la faculté des sciences de la santé et l’ancien régime du PRPB ont fait, chacun à son niveau, de gros efforts en la matière, pour un État qui existait depuis seulement une vingtaine d’années, et cela mérite d’être signalé.

Je ne vais pas revenir sur le vieux débat concernant les mesures du développement : combien de médecins pour combien d’habitants, etc. Il me semble aberrant. L’exemple du cure-dents que je donnais la semaine dernière parmi tant d’autres convient clairement pour dire que la quantité de dentistes ne détermine pas, à elle seule, la bonne santé dentaire d’une population. De même, le fait qu’il n’existe qu’un hôpital psychiatrique pour tous les sept millions de cerveaux béninois ne rend pas les béninois plus débiles que n’importe quel autre peuple. Ils ont d’autres types de comportements sociaux qui compensent la capacité biologique des individus à assumer « l’anormal », d’autres types de thérapies même et d’autres possibilités de guérison en cas de maladie. En revanche, pour y voir déjà servi, je sais que ce seul centre psychiatrique a besoin de plus de moyens financiers pour mettre en œuvre plus judicieusement encore les programmes et plans de suivie, d’insertion et peut-être même de soins.

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(copyright : Vares)
Ce texte a paru dans La lettre des diasporas, bulletin d’information de la Médiathèque des diasporas (Cotonou).

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Ce texte a paru dans La lettre des diasporas, bulletin d’information de la Médiathèque des diasporas (Cotonou).