Gabin contre Cauet

Gabin contre Cauet

J’en ai eu marre ! Ça ne pouvait plus continuer comme ça. Marre des « Juges Machins », des « Flics Bidules-Choses », des « Commissaires Truquemuches ». Marre de Thalassa, de ses gardiens de phare du Cap Horn et de son générique cafardeux. Marre des Trivial Poursuit de Julien Lepers et de ses soirées spéciales pour énarques boutonneux.

Marre des Louis la Brocante et autres vides greniers du PAF. Marre de ces foires-à-tout du n’importe quoi. J’étais saturé des « meilleures moments » d’Ardisson et de Fogiel en boucle pour Noël et le Nouvel An ; de Delarue et de sa ronde des Désespérés deux fois par semaine ; des best-of Courbet & Cauet où chaque minute compte triple ; des hit-parades du rire qui classent les dix meilleurs pets de l’année. Et de toutes ces séries cultes américaines pour « adulescents » incultes.

Un soir, j’ai eu envie d’un bon film en noir et blanc. Un oublié des années 30. Un vieux Gabin que plus personne ne connaît et qui n’existe pas en DVD. Avec des acteurs morts partout.

Et des noms d’extra-terrestres au générique. Je suis donc allé me cultiver en toute illégalité. Sur internet. Depuis que la télé pratique la dictature de la répétition, je pratique le téléchargement. Quand TF1 prononce le mot culture, je sors mon PC. Je ne zappe plus. Je clique. Je voulais de l’inédit. De la rareté. Du jamais vu. De la télé, quoi ! De celle d’il y a 20 ans. De celle qui osait encore nous intéresser. Et se faire belle pour nous séduire. Aujourd’hui, la télé est une vieille peau qui radote et qui emploie des jeunes pour cacher ses rides. La télé a peur. Peur d’évoluer. Peur de déplaire.

Peur d’inventer. Elle se rassure en gardant tous les jours le même rimel. Tant pis si ça coule. Gabin m’a redonné un coup de jeune. Je me suis souvenu que j’avais 30 ans et que la télé n’était plus de mon âge. Je ne suis plus « enfant de la télé ».

Je suis son orphelin.

Texte préalablement publié dans le Magazine DS

Texte préalablement publié dans le Magazine DS