Et aujourd’hui, la guerre...(2/2)

Et aujourd'hui, la guerre...(2/2)

Dans un premier temps, nous avons même naivement cru que la Maison Blanche ré-équilibrerait sa politique au Proche Orient. Il faut dire que la comparaison de Sharon entre Arafat et Ben Laden était mal passée. Erreur.
Alors qu’Israël a intensifié ses actes de répression dans les territoires occupés (notamment avec l’opération "Rempart"), hormis de vagues avertissements plus ou moins menaçants, Bush a laissé faire, au nom du "Droit pour un Etat à se défendre", qualifiant de façon surréaliste Sharon "d’homme de paix". Drôle de manière de lutter contre le terrorisme en ne laissant que s’exprimer le langage de la force.
Quant à la création d’un Etat Palestinien, il est remis aux calendes grecques dans l’agenda de Washington.

Au niveau intérieur, avec le "Patriot Act", l’administration républicaine foule au pied l’esprit de la Constitution américaine et entre le statut flou des prisonniers de Guantanamo et les arrestations abusives sur le territoire américain, la situation se dégrade.
Mais au nom d’un patriotisme qui a enflammé la nation après les attentats du 11 septembre, les démocrates se taisent, peu de voix s’expriment contre l’équipe Bush, celles dans les médias qui se montrent trop virulentes contre la politique menée, se font gentiment renvoyer de leur poste.

En fait, les américains (et ce que les européens saisissent mal) ne digèrent pas l’affront qui leur a été fait et au sein du gouvernement, peu à peu, la voix des néo-conservateurs couvre celle des modérés, représentée par Powell...

Bush parle un langage compréhensible par tout le monde, simple, si simple, trop simple, baignant dans la religiosité. Entre le manichéen, "you’re with us or against us" au fameux "axis of evil", le monde découvre à son corps défendant la patte de la Droite Chrétienne dans ses discours.
Le président des Etats-Unis désigne prioritairement trois pays qui menaceraient la sécurité du monde : l’Irak, la Corée du Nord, l’Iran.

Dans cette liste, une nation retient particulièrement l’attention : l’Irak. On ne reviendra pas sur les raisons qui poussent Bush à vouloir en découdre avec Saddam Hussein (manne pétrolière, volonté d’écarter l’influence de l’Arabie Saoudite, démonstration de force, le rêve du remodelage de cette région, réglement de compte quasi-personnel, etc.)
Les néo-conservateurs estiment que l’administration Clinton a été trop molle avec les pays qui mettraient en danger la sécurité des USA et adoptent un ton beaucoup plus dur.
Engagée dans un forcing diplomatique pour convaincre ses partenaires du nécessaire désarmement de l’Irak, l’équipe Bush arrive sans problème à faire voter à l’unanimité la résolution 1441, une fois les tractations avec la diplomatie française, achevées.

Cependant, Washington montre des signes tangibles d’impatience et presse le Conseil de Sécurité d’adopter des velléités plus guerrières vis à vis du régime irakien."
Des nations font part de fortes réticences face à ces élans bellicistes.
Le problème, c’est que cette administration est incapable de justifier pleinement l’éventualité d’un conflit contre l’Irak, elle exhibe des soi-disantes preuves comme quoi Saddam Hussein ne ferait pas le nécessaire pour se débarrasser de ses armes de destruction massive et pire encore, il continuerait à s’en procurer. Sans compter sur les supposés liens entre Bagdad et les réseaux terroristes dont le Pentagone se sert comme une réaction supplémentaire aux attentats du 11 Septembre.

Mais rien n’y fait, la France rejoint la position "pacifiste" de l’Allemagne et les opinions publiques mondiales sont très majoritairement opposées aux plans de Washington, craignant les conséquences non seulement sur la région mais également sur leur propre univers (effets sur l’économie, peur de la résurgence des actes terroristes sur leur sol, etc.)
D’un point de vue diplomatique, les USA font une bien piètre démonstration jusqu’à l’embourbement où nous arrivons aujourd’hui (notre pays est un bouc-émissaire bien commode au blocage de l’Organisation des Nations-Unies) et qui va se conclure par le bruit assourdissant des bombes sur le territoire irakien.
Les Etats-Unis agressent directement un pays qui n’est pas un danger immédiat ni pour eux ni pour ses voisins, mettant en oeuvre sans l’aval de l’ONU (qui ressort très très affaiblie de toute cette affaire et qu’il faudra reconstruire d’une manière ou d’une autre) le concept de "guerre préventive".

C’est le triomphe de l’idéologie sur le pragmatisme qui jusqu’à maintenant régissait les rapports sur la scène internationale. Le triomphe d’une Amérique alliant la droite chrétienne (pourtant longtemps antisémite) à la partie radicale des juifs américains (à la droite de Sharon). Le triomphe de l’Amérique des néo-conservateurs se prévalant du titre de super-gendarme du monde. Le triomphe de l’Amérique mélangeant morale et politique, confondant la religion avec les prérogatives de l’Etat. Le triomphe de l’Amérique ultra-conservatrice, s’enfonçant dans ses relents réactionnaires. Le triomphe de l’Amérique voulant imposer par la force le rêve d’un modèle occidental et dominateur. Le triomphe de l’Amérique autiste au reste des nations, persistant dans la voie qu’elle s’est conçue, n’hésitant pas à remettre en cause le Droit International et à écorner ses alliés ( Tony Blair aura eu à subir l’affront de plusieurs démissions au sein de son gouvernement et la fronde de parlementaires appartenant à son propre parti).

Le triomphe de l’Amérique dont beaucoup ne veulent tout simplement pas et qui risque, surtout dans l’après-conflit, d’allumer involontairement les feux du clash des civilisations tellement souhaité par le commanditaire des attentats du 11 Septembre 2001, Oussama Ben Laden.

Personne ne regrettera l’éviction de Saddam Hussein dont nous connaissons les sinistres antécédents mais il est fort à parier que personne ne déplorerait le départ en 2004 de l’équipe actuellement aux manettes de la première puissance mondiale.

A l’Union Européenne aussi de sortir de sa relative léthargie et de ses querelles incessantes pour définir une politique étrangère commune, indépendante et forte. Ainsi, être capable de parler d’une seule voix pour peser de toute sa vigueur sur les grands dossiers internationaux.