Le KLIMT de Raoul RUIZ

Le KLIMT de Raoul RUIZ

Autant le dire de suite, "Klimt " de Raoul Ruiz est un grand film à part entière. Mais attention, pas de confusion de genre, n’allez surtout pas chercher dans ce film une oeuvre sur la Peinture ou sur un Peintre ;ce "Klimt" est bien autre chose de plus fascinant encore, de plus onirique, baroque et virvoltant que ce qui se fait d’ordinaire sur le sujet dans un classicisme effrayant. Un film d’auteur enthousiasmant et, en tout point, maîtrisé comme on aimerait en voir plus souvent sur grand écran.

Ni biographie stricto sensus, ni libre adaptation, le "Klimt " de Raoul Ruiz est un long métrage d’invention autant captivant que surréaliste, poétique et magnifique. Entre abstraction et réalité, Ruiz impressionne dans sa manière de mettre en scène la vie et l’oeuvre du peintre, du moins, celles que le réalisateur a fantasmé. D’un point de vue formel, au niveau dramaturgique, dans le jeu d’acteur, la qualité des lumières et le propos global, Ruiz excelle.

Cet obsessionnel de la Peinture - le thème est en effet assez récurrent dans sa filmographie - dresse là un portrait du début du siècle, dans sa quête de sens qui s’oppose à l’émergence des nouvelles technologies. Peinture, philosophie, photographie, cinématographie se posent et s’opposent dans une danse enthousiasmante d’une beauté inouïe, d’une cruauté douce amère et d’un cynisme latent aussi.

Entre Paris et Vienne, John Malkovitch est un Klimt élégant, paumé et syphilitique, qui tente d’allier ses rêves, ses envies, sa boulimie d’art, de femmes et ses rêves de marquer le siècle de son empreinte. L’acteur marque le rôle, met son charisme vieillissant et son talent phénoménal au service de cet être à la recherche de la perfection pour son travail pictural, cet essayiste qui ne fait pas l’unanimité à son époque, qui doit se battre avec les critiques, ses conquêtes et une mère qui ne le comprend pas. "Si on doit mesurer le succès d’une exposition au nombre de chapeaux otés des têtes des messieurs, nous venons d’assister à un désastre."

Le "Klimt" de Ruiz interroge là où il faut, il opère dans le corps artistique le plus intime, celui du peintre, dans les veines duquel coulent la frénésie et le désespoir, l’envie d’être différent, d’être à la fois unique et multiple, d’aller au bout de ses envies et rêves, de se sentir immortel et désirant par le plus de femmes possible. A côté de cela, il y a la figure de la muse représentée par l’allégorie du personnage double, triple, quadruple de Léa, celle qui inspire, celle qui est une mémoire récurrente, celle qu’on réinvente, qu’on redessine, celle qu’on cherche, qu’on perd, qu’on pleure.

Klimt croisera Méliès, Egon Schiele, dans des décors de salons et d’ateliers qui sont des portes ouvertes vers le rêve, vers l’introspection pyschanalétique. Qu’est-ce qui est vrai, qu’est-ce qui est faux ? On s’en moque. Ce qu’exprime la peinture ne peut être représenté en mots ou en images, c’est sans doute pour cela que Raoul Ruiz a eu l’intelligence de créer une partition nouvelle, au carrefour de tous les Arts, une oeuvre lumineuse, musicale, un ballet, un film à large focale, un opéra intérieur.

Assurément Raoul Ruiz est un maître. A voir absolument.



Autriche, Allemagne, Angleterre, France, 2005
De Raoul Ruiz
Scénario : Raoul Ruiz
Avec John Malkovich, Veronica Ferres, Saffron Burrows, Stephen Dillane, Sandra Ceccarellin, Nikolai Kinski
Photo : Nick Beek-Sanders
Musique : Jorge Arriagada
Durée : 2h07

Autriche, Allemagne, Angleterre, France, 2005
De Raoul Ruiz
Scénario : Raoul Ruiz
Avec John Malkovich, Veronica Ferres, Saffron Burrows, Stephen Dillane, Sandra Ceccarellin, Nikolai Kinski
Photo : Nick Beek-Sanders
Musique : Jorge Arriagada
Durée : 2h07