Le trou "Pean" dans Le Monde

Le trou "Pean" dans Le Monde
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Depuis quelques jours, on demande, par pléthore de messages par e-mail, coups de téléphones cellulaires ou courriers, à l’observateur indépendant et incorruptible que je suis, mon sentiment sur ce terrible livre « La Face cachée du Monde » qui agite le microcosme parisien et quelques journalistes français qui sont tout sauf en situation précaire. Ces hommes de pouvoir qui détiennent l’information et qu’il convient, il est vrai, de ne pas accabler, mais encore moins de plaindre ou de protéger. D’excuser dans leurs dérives mégalomanes et sectaires.

C’est un phénomène bien trop récent et assez sain finalement. D’aucuns voudraient « nettoyer » un peu la presse française de ses non-sens et de ses aberrations situées à mille lieux de la déontologie journalistique, et comment leur donner tort si tout cela est fait avec civilité et force d’argumentation sérieuse et documentée.

Il faut avoir de la sympathie pour Pierre Péan pour tout vous dire, trouver ses obsessions courageuses et mieux vaut 600 pages parfois discutables sur un sujet scandaleux que le même chiffre numéraire dans un pavé pas drôle sur un sosie de Claude François.
Je suis peut-être naïf mais je pense que les deux auteurs de ce livre qu’on a déjà diabolisé avant de l’avoir lu ont fait un véritable travail d’investigation et de recherche.
Les enquêtes précédentes de Péan ont largement démontré leur intérêt et leur pertinence. Dans un autre genre et domaine celles de Denis Robert participent à un effort de l’aller vers le mieux que l’on ne peut que féliciter et soutenir.

D’un point de vue personnel, je préfère combattre les houellebecquiens, les nasillons, les antisémites, les nouveaux réactionnaires que de perdre mon temps précieux à commenter les crises de nerfs d’une dizaine de grands noms qui ont pignon sur rue dans les médias et nos journaux quotidiens et que ce scandale ou un autre n’annihilera certainement pas les petits et grands privilèges.

Pourtant l’idéologie est présente dans « la dénonciation positive » de nos deux Zorro médiatiques. Le Monde et TF1 ont été les tribunes « officielles » de la campagne présidentielle de Balladur. On rêvait d’indépendance de la presse et on trouve le premier journal plus corrompu que jamais. Le nœud du problème me semble être l’hégémonie du monde des livres dont l’autorité fait trembler toute la production éditoriale d’un pays, où une poignée de critiques qui ne lisent plus et n’aiment plus les livres tiennent les rênes d’une industrie comme une autre, oubliant l’exception culturelle française et l’amour du verbe et de la reliure libre.

Alors que les intermittents crèvent à petits feux d’une situation inique qui voit leur statut remis en question, bafoué ou tout simplement ignoré, les salons médiatique s’agitent et jouent les vierges effarouchées. Deux camps se forment et on tente de faire monter le Buzz pour faire acheter au plus grand nombre un livre qui va être l’ouvrage à la mode, celui qu’il faudra avoir lu pour ne pas se sentir isolé du « Monde » aux dîners en ville.

Jusqu’ici, personne n’avait enquêté de façon aussi minutieuse sur un journal et ses dirigeants. Le livre de Pean et Cohen a donc une légitimité naturelle.
Le procès que l’on fait actuellement au journal « Le monde » on pourrait le faire tout aussi bien à l’ensemble de la presse française. Il faudrait que ce livre serve un grand débat public sur le sujet.

Un média comme l’Internet a changé les donne, à ringardisé certains mécanismes.. Il serait bon d’en tenir enfin compte. La face cachée de l’e-monde aurait quelques leçons à donner aux vieux rouages centenaires de toute une nation.

Il est grand temps, réinventons le journalisme moderne.

La Face cachée du Monde, de Pierre Péan et Philippe Cohen, Mille et une nuits, 2003, 634 p., 24 euros.

La Face cachée du Monde, de Pierre Péan et Philippe Cohen, Mille et une nuits, 2003, 634 p., 24 euros.