Junk food et menu gourmet sur la french tv

Junk food et menu gourmet sur la french tv

Si nous gardons un oeil attentif sur la courbe, ô combien précieuse, de l’audimat, ces statistiques où se formate l’audience, on se rend compte que TF1 est plébiscité par le public.
Souvent, France 2 et France 3 (qui se gavent autant de la redevance télévisuelle que de la manne publicitaire) sont tout simplement à la traine.

Serait-ce à dire que le téléspectateur n’est pas assez exigeant ? Certainement. A ce titre, le bouquin de Bourdieu paru sur le sujet ("Sur la télévision"), il y a quelques années, est encore loin de la réalité quand il décrit le cynisme des programmateurs qui ne s’embarrassent guère de la qualité mais de ce qui doit marcher. Or, en France, le lobby des téléspectateurs n’est pas très puissant et ils sont peu nombreux ceux qui s’offusquent de ce manque de considération pour leur personne.

Pour cause, la trash tv triomphe, la vulgarité fait vendre ! Dans ces conditions, pourquoi s’attarder à tenter d’élever le niveau ?

Oh, on les entend d’ici les beaux discours moralisateurs, paravent d’une mauvaise conscience culpabilisatrice ou d’un mépris un peu creux : la télé devrait être un outil d’apprentissage dévolu à la culture, une source pédagogique et éducative. Bien sûr, bien sûr mais alors, comment se fait-il que ces nobles projets soient reculés, la plupart du temps, aux heures les plus tardives d’une nuit où le PAF est réservé à un public plus ou moins élitiste ? L’explication en a été donnée précedemment, selon la loi de la concurrence et de l’offre et de la demande, on s’adapte au goût du téléspectateur plus intéressé par "C’est mon Choix" (consulter à ce propos, l’article "Mater Evelyne Thomas, c’est mon choix !" de Pierre Derensy) que par exemple, "Metropolis" (émission culturelle du samedi soir sur Arte).

Sur le service public, pour que le mot culture fonctionne, il doit également être en rapport avec un ton de polémiste, s’adapter à l’actualité la plus large pour exciter notre appétit.

Pour changer d’angle de vue, si le journal de Jean-Pierre Pernault marche si bien, c’est qu’au-delà de ses relents poujadistes, on a l’impression d’être pris en compte.
Cette nostalgie d’une France profonde pittoresque, c’est un chromo qui agit comme un effet miroir.
Ce malaise face à l’insécurité, c’est celui que l’on vit. Nous flatter dans le sens du poil, c’est nous conquérir. La télévision quand elle ne se charge pas de nous en mettre plein les yeux, a bien compris la leçon.

Moi-même, téléphage fidèle, mon exigence a des faiblesses que la raison connait sur le bout des ongles (celle d’une fin de journée où les paupières sont lourdes et l’attention bien molle). Ma chance, c’est de bénéficier du câble mais cela ne m’interdit guère de me lover dans quelques programmes qui ne demanderont à mon cerveau qu’un effort minimal.

Cependant, le privilège d’être câblé, c’est la diversité du choix : "Oz" en VO sur série club, un documentaire sur le conflit israélo-palestinien sur Planète, un débat animé par l’excellent Laurent Bazin sur LCI, un film sur Ciné FX, j’en passe et des meilleures. Certaines journées, je passe bien 4 à 5 heures devant ma télé (je rassure les inquiets, ça ne m’empêche aucunement de vivre pleinement par ailleurs), en me réjouissant de la qualité de ce qu’il m’est possible de voir hors des frontières hertziennes.

En ceci, le numérique offrira peut-être sa petite révolution, démocratisant progressivement le champ de l’espace télévisuel. Est-ce que cela changera les habitudes d’une large part du public l’estimant comme support, à la fois jetable et vital, de consommation rapide ? Seul l’avenir nous le dira...