Claire Castillon (écrivain)

CC, je ne sais pas comment elle est en vrai, mais je n’en ai rien à faire. Ce à quoi elle ressemble en vrai dans sa salle de bain, ce qu’elle dit en privé lorsqu’elle se retrouve chez elle, le soir, et qu’elle marche entre sa salle à manger et sa cuisine, je ne veux pas le savoir.

Tout ce que je sais, c’est qu’elle est écrivain. C’est suffisant. Elle donne des interviews parfois. Les journalistes disent qu’elle est timide. Ils semblent confus, confondus.

CC est un verre d’eau. Vous avez déjà vu l’eau dans un verre d’eau ? Pour moi CC est l’eau dans un verre d’eau. Vous savez ce qu’il y a dans l’eau ? Des tas de choses qui ne sont pas transparentes. Des molécules qui virevoltent. Et pourtant l’eau est transparente et vous ne voyez pas les molécules. Ce que vous percevez, c’est le verre. L’eau, on n’en voit que le fil gris-blanc collé aux flancs du verre. CC elle est ainsi : transparente tellement elle est d’image pure. Mais il ne s’agit que d’apparences. Bien sûr, les apparences, ce sont elles qui nous rassurent. Les jaloux sont de grands chercheurs d’apparences. Les jaloux, quand ils ne les trouvent pas, inventent les apparences.

Mais au fond d’elle, et c’est bien là le mystère, CC est tout le contraire de la transparence. Son fond à elle tire plutôt sur les tons noirs. C’est assez intriguant de voir les filles transparentes remuer le sang de leurs admirateurs. A chaque fois que quelqu’un parle de CC, une onde me parcourt les lombaires. CC bien sûr cultive sereinement ce décalage. C’est l’acide chlorhydrique, je crois, qui est transparent. Les livres de CC doivent être écrits à l’acide chlorhydrique. Même si c’est facile à exprimer, j’ai bien du mal à le concevoir. Une fille qui fait en interview des gestes simples pour relever ses cheveux ou attraper avec lenteur un verre de jus d’orange, peut se permettre des choses innommables sans qu’on la soupçonne d’être une fille déséquilibrée. La force de son apparence témoigne pour elle : la silhouette d’une fille équilibrée, lorsque de surcroît la fille est belle, balaye tout soupçon.

C’est la force de la transparence que de faire croire aux apparences. Il n’y a rien à dire contre l’eau qui se colle au verre plein. CC met dans ses gestes, j’en suis sûr, autant d’assurance que dans ses phrases. Cependant cette assurance-là est naturelle et va se fondre dans la vie immédiate sans révéler rien d’autre qu’un geste. Alors bien sûr l’inconnu qui croise CC pour la première fois ne remarque rien. Pas plus que l’initié qui finit par s’habituer aux gestes transparents de CC. Il faudrait vivre vingt quatre heures sur vingt quatre aux côtés de CC pour apercevoir sous ses gestes l’ombre d’une subjectivité ou l’épaisseur d’une névrose.

Autant conclure que c’est impossible de discerner la faille névrotique dans la silhouette de CC. C’est pourquoi le lien est difficile à établir entre l’image de CC et les livres de CC.