Glande en fa majeur

Glande en fa majeur

Je glande en fa majeur. J’ai toujours glandé en musique. Pas de Mozart, ni quoi que ce soit, mais une petite musique de l’intérieur, une musique sensible. On sent dans les heures comme des veines orchestrales. Fa majeur, tonalité des puissants glandeurs. Affirmatif.

La jambe gauche semi-ouverte sur un abîme de relâchement, au bord du transat. Posture délicieuse. Le silence m’arrive, il me passe dessus, le vent du silence. Je suis allongé, bien sûr, c’est doux, c’est bon. C’est pas original.

Oui mais l’originalité c’est déjà de l’effort et les glandeurs ne font pas d’effort. Qu’est-ce que tu veux, toi ? (il m’arrive un chien). Dégage, me dérange pas. T’asseoir ? Oui à la rigueur. Tiens, mets-toi là, à côté. A deux mètres, pas trop près, ça pourrait brouiller mes ondes silencieuses. Mais te raidis pas trop. Relaxe. Parce que rien que de voir le stress de ta colonne vertébrale, ça m’insupporte.

Donc je glande. A cent quatre vingt degrés. A l’occasion, un peu d’internet. Je me consume sur les accoudoirs de mon transat. Internet, c’est vrai, c’est cool. A portée de main, à deux longueurs de doigts, j’ai installé une petite table où je pioche au hasard des alcools fruités.

Internet, donc, ma théorie c’est qu’il va y avoir un développement de l’inconscient mondial. Je bois. Pas des drinks de nanas, que du corsé-suave. Des mélanges subtils qui m’aident à réfléchir.

Un vol gracieux, en face. Regarde, mon chien, ça doit être un héron. C’est de ce côté, oui. Tu l’as vu ? C’est fugitif, un héron. J’ai fumé en Asie d’étranges cigarettes qui ont la forme de cet oiseau.

Un goût très fort et très long. Internet, là-bas : une vraie révolution. Un surgissement. Rien à voir avec ici où on peut encore prendre le temps de détacher son regard de l’écran. Là-bas, c’est du condensé. Ils font tout en condensé. Il y a des mecs qui ont acheté une kalachnikov rien que pour défendre leur internet. L’écran c’est leur passage secret. Ils allument, ils s’évaporent, flaaaaou. Leurs doigts se confondent dans la lumière.

Le pc gazouille. Les octets bruissent, s’accrochent, se combinent. L’info est partie, à l’autre bout de la planète. Il n’y a plus de race, il n’y a plus de caste.

Egalité parfaite.

Comme quoi...