Zoom sur Lucio Urtubia

Zoom sur Lucio Urtubia

Un « moraliste » anarchiste de 74 ans, Lucio Urtubia, était au Havre le 2 décembre pour présenter un livre captivant, Ma Morale anarchiste. Le récit d’une vie de lutte contre l’oppression.
Le café libertaire organisé par le groupe Zéro de conduite de la Fédération anarchiste a fait le plein.

Rencontre avec Lucio l’irréductible

Une multitude de personnes, tassées debout comme dans les transports en commun aux heures de pointe, est venue écouter Lucio, Robin des Bois du 20e siècle. Déserteur de l’armée espagnole dans les années cinquante, il pratiqua de nombreuses expropriations (braquages) et « récupérations » au profit du combat antifranquiste, imprima d’innombrables faux papiers pour les militants et, chose extraordinaire, en 1979, mit la First national city bank en danger en imprimant pour plusieurs milliards d’anciens francs de faux travellers chèques. Uniquement pour financer les mouvements libertaires et révolutionnaires. Parce que, durant cette vie mouvementée, Lucio n’a jamais cessé d’exercer le métier de maçon carreleur pour vivre chichement.

Dans le tourbillon de son existence, Lucio a notamment rencontré Che Guevara à qui il proposait d’étouffer les USA sous de faux dollars... La causerie qui s’est déroulée à l’Apple Pie a été aussi l’occasion d’évoquer les conférences que donnait Albert Camus pour les libertaires, le combat contre les dictatures, les batailles féroces contre les « estaliniens », les rencontres avec Henri Cartier Bresson et bien d’autres. Une vie bien remplie quand on sait que Lucio n’a pris sa retraite du bâtiment qu’à 72 ans. Et voilà un anar « patron » d’une petite entreprise qui fait l’apologie du travail ! « Pour se loger, s’habiller, se nourrir, il faut travailler. Le moins possible et le mieux possible.

Et ça peut se faire dans la liberté, l’égalité, la solidarité et le plaisir. J’ai dû travailler dur pour gagner ma liberté. La liberté n’a aucun sens dès lors que l’on refuse tout effort. Après, je ne suis, bien évidemment, pas partisan du travail tel qu’il existe dans les sociétés capitalistes où le travail du plus grand nombre ne profite qu’à une minorité. » Dans la même logique, le vieil anar pourfend les allocations chômage. « Si le chômage produisait des révolutionnaires, il serait interdit depuis longtemps ! Donner un peu d’argent à ceux qui ne travaillent pas, quel mépris... Les allocations sont des suppositoires qui endorment les révoltés. Il ne faut rien attendre de l’Etat, rien des capitalistes. Il ne faut compter que sur nous. Alors, prenons nos responsabilités pour abattre ce monde insupportable ! »

Toute la rencontre a été filmée par une équipe basque espagnole venue spécialement de San Sebastian. Un documentaire de 80 minutes sur la vie du papy rouge et noir sortira en 2006.

On y verra Cascante (son village natal), les lieux de ses combats, ses prisons, l’Espace culturel Louise-Michel qu’il a ouvert à Paris... et des débats comme celui qui a eu lieu au Havre. Il est possible d’en apprendre plus sur ce pétaradant personnage en lisant son livre Ma Morale anarchiste (publié aux éditions Libertaires) qui a reçu le Grand Prix "Ni dieu ni maître" en 2005.

Pour conclure le café libertaire, Fenouil et les Fines herbes ont distillé leurs chansons aromatiques au public enthousiaste. Le répertoire se composait de titres originaux et d’une reprise des Ogres de Barback où il est question de joie... et d’anarchie.