Lettre ouverte et tendre à Jean d’Ormesson

Lettre ouverte et tendre à Jean d'Ormesson

Tandis que je poussais mon premier cri, arrachée du ventre de ma mère par un forceps douloureux, vous débutiez une fabuleuse carrière d’académicien, dans le fauteuil de Jules Romain. C’était en 1973. Voilà notre unique et non moins noble point commun.

Peut-être pourrais-je aussi déceler un signe Divin dans le chiffre 12, qui marqua d’un même sceau le numéro de votre place et le mois de ma naissance, mais là, je ne suis sûre de rien. J’avoue n’avoir pu, malgré mes investigations enthousiastes, établir d’autres rapprochements biographiques entre nous. Bien que je le déplore, cela n’atténue en rien le fait que vous fassiez, par le plus grand des mystères humains, partie de ma vie. Je vous ai choisi.

Vous êtes ce grand-père que j’aurais voulu écouter jusqu’au bout de mes nuits. Je me serais assise à vos côtés, je n’aurais pas parlé. Il y aurait sans doute eu un ciel étoilé. Un ciel que votre voix chaleureuse serait venue bercer. Dans le vent du soir, vous m’auriez imprégné des illusions de la mer, des folies de la terre. Sans doute m’auriez-vous montré comme on danse, indiqué quelques pas pour aimer. Je vous aurais vu en pantoufles, Jean qui grogne et Jean qui rit, loin des plateaux de télé. Oui, vous êtes ce grand-père qui ne m’a pas été donné. Et pourtant, finalement, que m’importe l’absence de parenté ?

Non, je ne vous ai pas choisi, car vous êtes une évidence. Une de ces rares rencontres qui fait grandir, qui donne envie d’être meilleur. Pour les mots, et pour le cœur. Une lueur. Vous entrez dans mon intimité, dans mon Humanité. Vous me rassurez. Vous me faites sourire. Vous m’enchantez. Vous êtes, Jean d’Ormesson, un auteur de la Vie, avec un grand V. Un de ces précieux livres d’images auquel on pense, s’en y penser. Une complexe simplicité. Vous êtes la gravité ou la gaieté, la sagesse ou l’impétuosité. Tout comme l’amour ou l’amitié.

Vous êtes un miracle. Les médias ne vous ont pas possédé. Vous jouez brillamment le jeu en sachant que les dés sont pipés. Je regarde vos yeux. Il y a un ciel étoilé. Je suis la petite fille comblée, assise à vos côtés… Mais il est vrai que le Temps passe. C’est le moment où tout est dit ou presque rien. C’est l’instant que l’on voudrait faire durer par-dessus presque tout ; où l’histoire s’achève dans un « C’était bien ». C’est la fin. C’est la vie. Mais puisqu’il en est ainsi, je voudrais vous dire respectueusement ceci : « Au revoir et merci ».