Nicolas Rey : un début d’auteur prometteur et surtout bien commode

Nicolas Rey : un début d'auteur prometteur et surtout bien commode

Le petit milieu littéraire parisien a décidé d’offrir la rentrée de janvier 2003 à Nicolas Rey, c’est à son tour d’occuper le terrain, tout a été planifié depuis deux ans, au bas mot. Somme toute, un bon boulot d’attachés de presse, de copinages, de léchages de queues ou de vulves en carré VIP ou en salons qui pensent, un excellent investissement marketing organisé avec le soutien de Frédéric Beigbeder et d’autres influents...

Souvenez-vous, en Septembre 2002, on avait laissé la place au drolatique Yann Moix, prince du bon goût, expert es paillettes et scatologies de chanteur mort et ringard. Claude François en avait fait les frais, les gens de province aussi très humiliés et moqués, mais bien moins que les pauvres lecteurs qui ont suivi les recommandations à la lettre des télés et des journaux. Ils n’ont pour la plupart pas pu avaler le Podium et ne se feront plus avoir deux fois. Mais si, Yann Moix, le mec aux yeux terribles qui se sert d’un personnage pour casser du PD !! Ah oui, ça vous revient, c’est bon ?

Nicolas Rey est plus jeune, bien plus qu’Alain Rey et tellement plus beau que Yann Moix. C’est donc un excellent produit. Il passe bien à la télé avec sa mèche rebelle de bourgeois rebelle. Avec sa dégaine nonchalante de mec nonchalant. Avec sa verve de jeune homme en verve qui nous plaît à nous les homos et aussi aux hétéros. Il est surtout devenu un garçon qu’il vaut mieux avoir de son côté, qui a de plus en plus un poids dans le microcosme qui décide du sort des livres.

Le jeune écrivain à l’écharpe perpétuelle (Nico porte l’écharpe comme personne, parfois rouge, un truc phallique sans doute) est à la fois chroniqueur au Figaro et dans quelques journaux à la mode, il fait partie d’émissions littéraires qui ont pignon sur rue. Il vaut donc mieux être son ami, lui faire de jolies articles qui voient en lui un Dandy un rien énervant, mais tellement talentueux, spirituel et incontournable que l’on est obligé de parler de lui. Ca peut servir ! C’est toujours mieux que de mettre en avant un inconnu qui rapporte rien à personne !

Alors que ses livres soient bons ou pas, ce n’est vraiment pas le problème. Il y a pourtant de vrais thèmes pas inintéressants chez lui, une obsession touchante du temps, un côté looser de l’amour malgré un autre côté Dom Juan de façade... Voilà, c’est à peu près tout, car il n’y a pas vraiment de style, de pertinence et d’univers et que la moitié de ses livres sont recorrigés par des gens plus talentueux. Mais c’est déjà pas si mal, puisque Nicolas plaît et fait de plus en plus tourner les rotatives.

De l’Humanité au Figaro, en passant par la presse hype où il a encore de nombreux copains, Nicolas Rey fait sa promo sans grand enthousiasme, avec un peu de fatigue, quelques verres de trop, sans parler parfois même un chouia de produits dopants en poudre pour tenir le cap malgré cette pression insoutenable de son monde de requins lettrés. Il convient d’être raccord avec l’image que le public a de sa petite personne qui se tient mal (Nicolas est toujours légèrement bossu, la tête en avant, ce qui n’est pas très poli, je trouve, mais bon, je pinaille).
Trop propre sur lui, cela ne fonctionnerait pas. Il faut un côté décadent qui plaira aux jeunes filles, aux groupies qui préfèrent tout de même se taper Nico le néo-hussard plutôt que Michel Houellebecq-Thomas le vieux dégueulasse ou Nicolas d’Estiennes d’Orves, le bourgeois gentil mais dégénéré. Comme on les comprend !

Mais au fait, qu’à donc de plus que les 650 autres auteurs, qu’on ne verras jamais, de cette deuxième rentrée littéraire notre bel ami Nicolas ? Quel est donc son petit plus qui fait la différence ?

Rien de très littéraire, rassurez-vous, mais quelque chose de bien plus essentiel en définitive.

Il est journaliste auteur.


La réponse de Nicolas Rey :

Très cher Olivier,

Une bonne âme s’est cru obligée de me faire parvenir votre article. Excellent papier ! Un peu féroce, bien sûr. Pour information, je tenais juste à vous préciser deux points (évidemment négligeable) :

1) " La moitié de mes livres sont recorrigés par des gens plus talentueux "
Pas les deux premiers, hélas ! En revanche, le troisième a effectivement été "corrigé" par Eric Laurrent, un auteur qui publie aux éditions de Minuit, et dont - lorsque la question m’est posée - je cite le nom et la fonction sur "un début prometteur", avec d’autant plus de joie que j’ai aimé son dernier livre : " Ne pas toucher "
En soulignant les faiblesses de ma première version, Eric m’a permis de redécouvrir mon texte, d’être plus exigeant, d’y porter un regard neuf, et donc, de le rendre un peu moins mauvais que vous ne l’avez, me semble-t-il, déjà trouvé.

2) Hélas, je ne lèche pas des "queues ". N’y voyez pas une quelconque homophobie. Juste une indécrotable hétérosexualité. Ce qui ne m’empêche pas de vous féliciter d’avoir été un pionnier du PACS, et surtout, d’aimer la même personne depuis 10 ans. Moi, dont la vie sentimentale a été jusqu’ici assez cahotique, comme je vous envie !

Salutations.

Nicolas Rey

Un début prometteur, Nicolas Rey, Au Diable Vauvert, 2003

Un début prometteur, Nicolas Rey, Au Diable Vauvert, 2003