La fureur de lire

La fureur de lire

"Chaussez vos rollers pour suivre la fanfare "roller brass" dans sa tournée des librairies" disait le programme que j’ai reçu un jour dans ma boite aux lettres. Rendez-vous était donné le vendredi 14 octobre à la mairie du 14ème arrondissement de Paris pour ouvrir par "la nuit des libraires" la fête des livres qui commence.

La totale donc pour cette nuit d’ouverture de la fête du livre : du sport, de la musique, de la littérature, des stars et surtout des hommes (et des femmes)... Tout ce que j’aime donc. Rollers aux pieds et appareil photo en bandoulière, j’y étais.

La fanfare "Roller Brass" (Brass veut dire "cuivre" en anglais) c’est une caisse claire, des symbales, et des cuivres pour nous jouer du jazz. C’est aussi une chorégraphie plutôt au point de danse sur roller. Je reste perplexe sur le rôle de la chute de la caisse claire ; était-ce vraiment fait exprès pour le spectacle ? Ou avait-ce pour but de décomplexer la trentaine de rollers débutants qui accompagnaient la manifestation ?

Xavier, Raphaël et les autres étaient tout à fait rodés ; mais le saxophoniste, lui, n’avait pas l’habitude des rollers et, un peu à l’image de petits skieurs débutants qui "skient sans bâtons au moins pour le tire-fesses", il donnait son instrument pour rouler, surtout dans les descentes. Après quelques frayeurs donc, et malgré une attente à chaque arrivée, il finissait par pouvoir jouer le morceau de jazz devant chaque librairie.

Il m’a confié avoir subi de la part de Xavier des pressions fortes et des massages appuyés avant de se laisser convaincre. Pas moyen pour moi en revanche d’obtenir des massages appuyés par pression. D’ailleurs, globalement, les membres du groupe ont renoncé aux filles après avoir constaté que " les filles c’est bien mais ça ne fait jamais rien" et ils ont alors décidé de n’avoir des relations qu’entre eux. Ils sont cinq, alors forcément pour la parité, c’est pas gagné !

Pour être honnête, et je vous dois bien cela, je soupçonne que cela n’ait été qu’une basse stratégie pour éviter que je ne fasse un viol collectif des cinq à la fois. D’autant que le saxophoniste étant à la traîne, j’arrivais à la poursuivre de mes assiduités.

"Allez" scandait la foule en délire en l’attendant. Ensuite c’était "Encore" pour avoir un autre morceau et puis encore après c’était "Bravo Laurence" pour les danses incroyables que la dîte Laurence créait sur ses rollers et enfin "Mais placez-vous pour la photo bordel de merde et plus vite que ça" parce qu’il fallait écrire "la nuit des libraires" et prendre une photo devant toutes les librairies participant à l’événement de l’arrondissement et cela n’était pas une mince affaire.

Au bout de quelques librairies, la chorégraphie était rodée et les teneurs de lettres faisaient en chantant "en haut, en bas, à gauche, à droite", ce qui compliquait furieusement la tâche du photographe officiel (mais ça on s’en fiche) et de moi-même, ce qui est très ennuyeux, vous en conviendrez.

Bon, je parle un peu beaucoup des hommes qui jouaient et des femmes qui dansaient ? Normal, ils avaient une énergie incroyable... Mais les livres alors ?

Vous connaissez PEF ? C’est de lui que je tire mon goût pour les mots tordus, de lui et de sa belle lisse poire du prince des mots tordus, de ses os qui court, arlette aboie... Il a bercé toute mon enfance et il était à la librairie "l’herbe verte". Quand je me suis jetée à ses pieds en fan éplorée, il m’a sourit et m’a dédicacé le bras.

Depuis je ne me lave plus et je suis célibataire...

La vie est dure parfois.

Bon, revenons en aux librairies. Je n’ai pas eu d’autres grands émois dans les diverses librairies traversées sauf au collectif des éditeurs indépendants, 3 rue de Plaisance.

Ce tout petit truc, c’est une merveille, une île aux trésors pour qui aime les livres loin du foin médiatique. Il y avait Paul désalmand, auteur notamment de "Ecrire est un miracle", petit manuel à l’usage des écrivains, plein d’autodérision.
Michaël Paraire, charmant jeune philosophe qui séduit les femmes en leur expliquant que les "femmes philosophes [sont des] femmes d’action", son avant dernier livre. Le dernier étant un "manifeste pour l’égalité".
Enfin, l’impressionnante "Cause commune" de Francis Combes qui raconte en vers l’histoire du communisme !

Là, entourée de trois hommes, et découvrant une dizaine d’éditeurs d’un coup, j’ai voulu fanfaronner toute seule et j’ai perdu ma fanfare. Je suis restée au milieu de tous ces livres et ces maisons d’éditions qui n’ont que trois points communs :
- elles roulent à gauche (comme les anglais, ciel !)
- elles aiment la littérature et les plaisirs de la vie
- elles aiment l’éclectisme
Elles ont des noms aussi divers que Bérénice ou Le temps des cerises.

Allez faire un tour du côté de ce petit magasin discret, entre club de lecture, librairie et maison d’édition...

Marie-Aude, qui s’occupait du service presse de la mairie et accompagnait la fanfare dans sa tournée est restée avec moi quelques temps ; séduite aussi je suppose par ce lieu intimiste, puis est repartie et, perdue, je suis rentrée comme j’ai pu... comme sur des roulettes.

Une nuit fabuleuse quoiqu’il en soit pleine de roller, de musique, de poésie, de livres et d’hommes... Tout ce qu’il faut pour rendre une Justine heureuse et que je fasse ma MISO.

J’M.