Interview : Le liseur

Interview : Le liseur

Arrivé huitième des podcasts d’or de la langue française, plein de projets originaux, une belle voix mââle et sexy... ouais même pas mal... Allez l’écouter et découvrir son oeuvre, c’est Le Liseur.

Bonjour Monsieur Le Liseur,

1) Je suis très curieuse de savoir qui vous êtes. En lisant le liseur, on
(en fait « on », c’est moi) pense que vous préférez manifestement parler de
ce que vous faîtes plutôt que de qui vous êtes. Mais Etes-vous ce que vous
faîtes ?

Oui, je suis ce que je fais au moment où je le fais mais dès l’instant où je
cesse de le faire, je ne cesse pas d’être. Je ressens un tel bonheur à faire
ce que je fais, à lire ce que je suis, qu’à peine enfui, je pense à la
suite.

Bref, vous aurez compris et entendu que je ne suis pas un comédien
professionnel, ce n’est pas mon métier que de lire des textes. Mon métier
c’est de les prêter à qui veut. Maintenant, suis-je vraiment moi lorsque je
lis des textes à voix haute et plus particulièrement les textes présents sur
incipitblog ?

Oui, Liseur est un pseudo, je ne me compose pas un personnage
foncièrement différent de ce que je suis et le choix des textes sur
incipitblog ne relevant que de mon goût, il laisse entrevoir un large pan de
ma subjectivité. Écoute-ce que je te lis, je te dirai qui je suis. Cela dit,
ce n’est qu’un « effet secondaire » et le but d’incipitblog n’est pas de
faire découvrir aux visiteurs la personnalité du liseur. Je m’efface au
contraire et souhaite laisser plus de place aux textes eux-mêmes.

2) J’ai perdu mon dictionnaire et j’aimerai déjà savoir ce que peut bien
vouloir dire « incipit blog », de quelle langue ça vient et comment vous
avez eu l’idée d’un tel nom ? (en fait en vrai, j’ai des idées sur la
question mais je trouve que le latinanglicisme c’est classe par rapport au
franglais)

incipit n. m.

. 1840 ; mot lat., 3e pers. sing. indic. prés. de incipere « commencer »

. Didact. Premiers mots d’un manuscrit, d’un livre. Catalogue citant les
incipit (ou les incipits) des ouvrages répertoriés.

Voilà une réponse belle comme un scalpel, non ?

Mais je pense que vous les préférez plus touffues. Tentons d’y remédier.
J’ai trouvé l’idée du nom du site presque conjointement à l’idée même du
site. J’ai découvert le podcast et les blogs audio en janvier 2005. J’ai
toujours aimé la radio pour les voix qu’on y écoute tard le soir en s’
endormant et les histoires qui par les livres traversent le temps. France
Culture fût mon délice nocturne des années durant. Or donc en Janvier 2006 j
’ai recherché un podcast qui diffuserait des livres audio. N’en trouvant
aucun, j’ai pris les choses par les cornes, le taureau en main et m’y suis
attelé (vous-figurez-vous la scène ?). Se posa alors la question de savoir
quoi lire sur ce site. Si je me limitais au domaine public, on passerait à
côté de textes intéressants. Alors j’ai opté pour le début des livres encore
sous droit d’auteur. D’où le site, d’où son nom. Mais me vient à l’instant
une idée lumineuse : et si je faisais un site où je dévoile cette fois les
toutes dernières pages des romans à suspense ?

3) Votre blog présente chaque semaine des extraits audio de textes (autour d
’une dizaine de minutes souvent) et parfois des lectures intégrales. Je suis
très jalouse parce que c’est une idée que j’avais. Avouez que vous m’avez
copiée (je veux des confessions solides que diable sans quoi je vous promets
torture et géhennes !)

Détendez-vous. :-) Qu’importe d’avoir une idée et de constater qu’elle est
déjà réalisée, cela arrive souvent, je crois. Ne vous arrive-t-il jamais d’
avoir une inspiration lumineuse, une image qui vous transporte et vous
constatez quelque temps après que quelqu’un l’a déjà écrite, et mieux que
vous n’en serez jamais capable ? Eh bien plutôt que de désespérer, prenons ça
comme une occasion de se réjouir de cette connivence, cette sympathie, cette
... intelligence. Je crois d’ailleurs me souvenir que cette idée même que j’
évoque ici a été décrite par un auteur dont je ne me souviens plus le nom à
l’instant, mais... qu’importe, n’est-ce-pas ?

4) Comment choisissez-vous les textes que vous lisez ? Ceux que vous
récupérez dans les toilettes ? ceux le plus facile à écouter en cuisinant ?
En faisant l’amour ?

C’est mon envie du moment, mon bon plaisir... Les yeux parcourent les
étagères, les oreilles s’ouvrent aux conseils avisés, les doigts
feuillettent, écartent, reposent les livres et si l’un d’entre eux me reste
sur les bras, je me le mets en bouche.

5) Vous montez aussi des projets étranges de lectures intégrales. On
pourrait presque croire que vous faîtes cela pour la beauté de la chose, le
plaisir de partager. Très suspect, n’est-ce pas, cette générosité ? Quelles
sont vos motivations secrètes ?

6) Dans une générosité sans borne, vous acceptez qu’on vous vole la vedette
et qu’on participe à certains de vos projets (j’avoue en avoir éhontément
profité). Il semble que d’autres pourraient nous rejoindre et trouver leur
place dans notre partouze virtuelle (oui, j’avoue très virtuelle) mais
néanmoins sonore et pleine de bons sentiments ?

Permettez-moi de considérer ces deux questions comme une seule.

[NDA : Mais je ne vous permets pas ; en même temps vu que vous l’avez fait ! les
gens n’écoutent rien je vous dis, à quoi sert-il d’enregistrer ?]

Quelles sont les motivations secrètes de mes projets de lectures intégrales
ouvertes à tous ?
La domination du monde, bien évidemment. Une fois reccueillies toutes les
voix des vivants, je pourrai continuer de les faire parler bien après leur
mort. Et ce jour venu, Liseur dévoilera son vrai visage.
En attendant, faisons comme si j’avais simplement envie de créer un lien, de
réunir plusieurs personnes autour d’un texte, tous unis dans le don vocal
pour l’amour du Verbe.
Pour l’instant le projet en cours est la lecture du Bon usage de la
piraterie, de Florent Latrive. C’est justement un livre sur le partage, la
libre circulation des idées, des ouvres et il se prête très bien à un tel
projet d’adaptation audio à plusieurs. Ensuite, j’envisage de poursuivre l’
expérience avec un texte qui serait plus littéraire, une grande oeuvre de
portée universelle (ah que cet adjectif ressemble à une baudruche)...

7) Vous êtes nominé aux podcast d’or de la langue française. c’est quoi ce
truc ? c’est comme les hots d’or mais pour la peau de caste ?

C’est une petite galéjade entre barons du blog, une mystification destinée à
s’autocongratuler et boire du champagne au petit lait, le titre est en tout
cas beau comme un camion et les résultats sont pour demain je crois.

8) Je vous prête un certain amour des mots et j’ai décidé de poursuivre mon
petit jeu littéraire de l’été. Plutôt que le début (avec incipit vous avez l
’habitude), pouvez-vous terminer les phrases suivantes :

a. Il était maquillé. comme son père.
b. La sonnerie retentit et rapidement je. jetai mon amoureuse par la
fenêtre.
c. Le journal le matin, ma foi c’est. trop de mort et de nuit dès l’aube.
d. Amour rime avec. amor ? à mort ?
e. Jamais deux fois. la première fois.

9) Tiens, sans tout dévoiler, j’aimerai quand même savoir. En dehors de
lire. Vous n’écririez pas un peu ?

Je ne sais pas écrire.

10) Enfin, cher, très cher Liseur, la question que je pique à mon rédac chef
bien aimé, par quoi désirez-vous terminer cette interview ?

Par une phrase brillante, une idée originale qui vous aurait démontré
combien je suis charmant, inspiré et propre sur moi. Car je n’ai qu’une
envie c’est d’être admiré par tous. La preuve, j’ai un blog.

Merci beaucoup

J’M.


Journal audio de lectures à voix haute