L’Infâme patiente d’Alain Gagnol

L'Infâme patiente d'Alain Gagnol

C’est une histoire bien singulière mais éminemment plurielle que nous conte et raconte - avec une efficacité redoutable et une économie de mots diablement maîtrisée - Alain Gagnol dans son quatrième roman au Cherche Midi.

C’est la rencontre réelle et irréelle, forte et métaphorique, sordide et poétique avec une femme très très patiente, presque transparente. Une sale fille au sens propre du terme. Une fille pas claire qui n’est pas une inconnue pour Camille car il lui a fait l’amour, une fois, dans l’herbe après un bal et il l’a retrouve, un jour, par hasard postée devant chez lui. Une fille qui paraît dégueulasse au prime abord mais qui est la pureté et l’amour personnifiés.

C’est un petit livre qui commence tout doucettement et qui fait son chemin petit à petit, qui pénètre notre conscience, mange notre inconscience, tisse des toiles étranges avec des mains de maître. Une fable en rouge et noir qui prend un malin plaisir à nous plonger dans un ovni littéraire aussi délectable que délicieusement pervers.

Elle s’appelle Claire et c’est personne. Claire est une fille qui soulève sa robe à fleurs sans que l’on lui demande, une fille qui ne parle pas beaucoup, qui fuit on ne sait quoi. Claire dort sur le carrelage, comme une bête blessée. Claire ne sourit jamais.

Avec ses petits seins et ses jambes blanches, elle prend de plus en plus d’espace dans la vie de Camille, toutes ses pensées et un coin non confortable, toujours le même, dans sa cuisine. Claire fait le ménage dans la vie de Camille, à tous les niveaux, du sol au plafond. Elle change ses habitudes, énerve Béatrice, une des filles de passage, fait rire les autres plus cruelles.

Elle aime Camille. Au nom de cet amour impossible, elle est prête à tout accepter de lui, les pires humiliations, les plus terribles perversions mentales sauf d’exhiber sa nudité trop longtemps.

Camille collectionne les femmes, se joue d’elles mais c’est Claire qui le prendra la première à son propre jeu. D’un élément sordide du décor, elle va devenir La femme la plus importante de sa vie et plus encore.

Un roman noir dévastateur, implacable. Un roman sur les apparences, les silences, les jeux de dupe mis en scène avec un sens de la psychologie rarement observé. Le triomphe du mot juste sans faux semblant. Un livre qui se dévore avec impatience. Un ouvrage qui par le prétexte de la femme nous dévoile nous parle les faces cachées de l’homme avec tact et pudeur. Un roman humain, vivant qui a du respect pour son lecteur.

La femme patiente, Alain Gagnol, Le Cherche midi , 212 pages, 15 euros.

La femme patiente, Alain Gagnol, Le Cherche midi , 212 pages, 15 euros.