Interview : Bertrand Schneider

Bertrand Schneider auteur de "11 septembre 2001, le jour où le Monde a basculé" revient en exclusivité sur les attentats aux USA, un an après le drame.
Son avis d’expert, d’analyste, de sociologue offre un éclairage précieux et pertinent en ces temps où tout le monde dit tout et n’importe quoi sur ce sujet ô combien délicat !!!
Un entretien à lire, relire et un livre à découvrir en tout cas !

1. "Le 11 septembre, un an après", qu’est-ce qui a changé réellement selon vous ?

Pour la première fois, le territoire américain a été attaqué. Il s’en est
suivie une psychose, soigneusement entretenue par le président Bush et
son équipe et une déclaration de guerre au terrorisme dans le monde. Cela a créé un sursaut compréhensible de patriotisme mais a été exploité
sytématiquement par le pouvoir américiain : toute personne, groupe ou pays suspecté de terrorisme est considéré comme ennemi et doit être éliminé. C’est la politique du soupçon ! Ce qui est frappant, c’est de voir qu’a part une poignée d’intellectuels,personne ne s’est véritablement interrogé aux USA sur les causes du 11 septembre qu’il faut resituer dans le cadre plus général d’un antiaméricanisme croissant.
Ces causes sont complexes.
Parmi les plus immédiates, citons le conflit israélo-palestinien, le soutien inconditionnel de Bush à Ariel Sharon, sa décision de récuser l’Aurité palestinienne et son chef Arafat et l’alibi fourni par Bush d’un guerre tous azimuts contre le terrorisme, la guerre du golfe, etc..
La doctrine Bush est basée sur la défense des intérêts supérieurs
américains, ou de la perception qu’en a son gouvernement, au mépris des
lois, des accords co-signés par les Américains, des droits de l’homme...

2. Est-ce que la sur-médiatisation de cet "Evènement" n’a pas complètement
faussé les cartes de la géopolitique ?

L’excès de médiatisation a focalisé l’attention du monde entier, et des
politiques en particulier, sur le drame de "cespauvres Américains" au
détriment d’autres points chauds du globe, le problème du Cachemire, du
Soudan et de nombre de pays arabo-musulmans, africains, sud-américains et du problème plus général de la pauvreté coissante dans le monde, qui
n’est pas non plus sans rapport avec le 11 septembre.

3. La première victime du 11/09 fut le monde arabe ?

Il est difficile d’affirmer que le monde arabe a été la première victime
du 11/09. Certes, il a été mis en cause, mais cela a obligé la plupart
des leaders religieux et politiques du monde arabo-musulman à prendre une
position sans équivoque contre le terrorisme et à déplorer les victimes
innocentes du 11/09.
Dans une certaine mesure, on peut même dire que cela a obligé, pour la première fois, ces leaders et les intellectuels à poser le problème de l’Islam face à la modernisation.
On assiste à la naissance d’un courant qui ne concerne pas seulement les états laics comme la Turquie ou la Syrie, mails l’ensemble des pays
musulmans qui font face à la montée d’un extrémisme qui s’alimente aux
sources de l’extrême pauvreté, au chômage des jeunes.

4. Vous citez de Gaulle en parler du drame du WTC "Il faut admettre
l’inévitable, et l’exploiter lorsqu’il arrive". Qu’est-ce qui était donc si inévitable et pourquoi ?

Ce qui était inévitable c’est que les Etats Unis, qui prétendent de plus
en plus gérer le monde et lui imposer leur culture, aient été les
victimes désignées pour un attentats de style nihiliste, spectaculaire et
qui frappe l’opinion mondiale. C’est le combat de David contre Goliath,
ou, plutôt la démonstration d’une secte qui n’a pas grand chose à voir
avec la religion enseignée par le Coran. L’absence de Bush au sommet de Johannesburg, son refus de signer le
protocole de Kyoto montrent à quel point il se désintéresse de tout ce
qui n’est pas directement utile à l’Amérique, et à court terme.
La responsabiité du pouvoir américain dans l’ignorance ou l’indifférence
devant les avertissements de ses services de renseignements, n’a entrainé aucune sanction.

5. Quel est le bilan un an après de la guerre mondiale contre le terroriste et de sa démonstration dans le réelle : le bombardement de l’Afghanistan ?

L’action américiaine en Afghanistan est un succès en apparence, et à
beaucoup d’égards un échec. Si la stratégie avait été, depuis le début,
d’envoyer des troupes au sol, il aurait été sans doute facile d’arrêter
Ben Laden et le mollah Omar, entre autres. Or le pays n’est pas pacifié,
les principaux dirigeants d’Al Qaïda courent toujours, les bombardements
ont été intensifs, et on ne sait pas vraiment si les populations civiles
n’en ont pas été les principales victimes.

6. Pensez-vous que les livres de Thierry Meyssan soient si révisionnistes qu’on ne le dit ?

Ne les ayant pas lu je n’ai pas d’avis sur cette question. Il semble bien que cela ait été une opération de marketing. Mais il faut reconnaitre que la non information des Américains sur ces événements, la dissimulation des corps des victimes aient contribué à ce sentiment que la version officielle n’était pas forcément exacte.

7. Est-ce que le 11 septembre a réveillé une conscience collective des
intellectuels, des artsites, des écrivains, des politiques, a fait avancé le débat en quelque sorte ?

Celà dépend des pays, mais quel débat ? La terrible responsabiité de la
politique américaine, l’absence d’autorité et de moyens de l’Europe. Peu nombreux sont les intellectuels compétents qui ont analysé les causes du drame, qui est une comète dont la queue n’a pas fini de nous surpendre.
Les politiques sont pris par les élections, par la gestion du quotidien, par la remise en cause de la mondialisation, des Nouvelles Technologies. Le débat me parait clos avant même d’avoir commencé.

8. La France a t’elle bien géré l’après 11 septembre ?

Plutôt mieux que beaucoup d’autres mais la lutte contre le terrorisme
avait commencé bien avant et pour cause !

9. Finalement les leçons à tirer de l’explosion des tours jumelles et de ses suites ont-elles été tirées comme il le fallait ?

Certainement pas, mais il faudra du temps pour analyser toutes les
causes, très complexes et s’attaquer aux racines de ce mal. Et cela ne
peut être fait que collectivement.

10. En quoi ce fait divers tragique vous a touché personnellement plus que
d’autres, au point d’en avoir fait un livre ?

La nécessité de comprendre ce fait, qui n’était certainement pas un fait
divers, m’a conduit à faire une enquête sur Internet auprès de 20 000
personnes, leaders politiques, chefs d’entreprise, syndicalistes,
journalistes, leaders d’opinion, hauts responsables religieux dans 110
pays du m.onde. Les questions posées était les causes et les leçons à
tirer des événement du 11/09. Plus d’un millier de réponses m’ont permis
d’essayer d’en tirer une synthèse et de m’efforcer de percevoir comment
ses événements ont été vécus et compris par des peronnalités aussi
différentes par leur culture, leur religion, leur philosophie, leurs
activités dans la société.

Le résultat est passionnant quant à l’analyse, la réaction, mais
inévitablement pauvre en ce qui concene les leçons à tirer. Mon espoir
est que cette remise en cause individuelle et collective chemine lentment mais sûrement dans les consciences et les institutions.

11. Peut-il y avoir un second 11 septembre si les USA ne réagissent pas, ne réctifient pas le tire de leur poltique mondiale ?

On peut affirmer sans se tromper que d’autres événements tragiques se
préparent, malgré certaines mesures prises de lutte contre les
organisations terroristes internationales. Car les mesures concernant les causes profondes, elles, ne font pas l’objet d’un consensus : établissement d’un Etat palestien, lutte contre la pauvreté,
développement, lutte contre le chômage. Le seul état capable de réagir, comme vous le dites, c’est l’Europe. Mais elle met trop de temps à exister sur l’essentiel.

"11 septembre 2001, le jour où le Monde a basculé" (IDLIVRE).

"11 septembre 2001, le jour où le Monde a basculé" (IDLIVRE).