Léa et les ogres

Léa et les ogres

« En amour, tous les coups sont permis... ». Pour quoi ? Par qui ? Dans quel but ? Les douleurs d’amour, marquées ou pas sur sa peau, Léa connaît. Léa et les ogres est le résultat d’un contrat passé entre un mari, sa femme, couple quinquagénaire, et un écrivain, chargé de rédiger l’histoire de dix ans d’une vie amoureuse et sexuelle. En contre partie, le corps de l’épouse, Léa, sera l’esclave, le prix à payer pour l’œuvre accomplie. Elle devra se plier aux exigences les plus dures, les plus sordides, les plus humiliantes, et parfois étrangement plaisantes du funeste biographe.

Un mois... trente jours à se vendre, se soumettre, pour raconter, quand son maître, passager, lui en donne le droit, et subir, et dire encore. On découvre comment la chair diaphane de cette femme est utilisée comme objet à dégrader, pourquoi ce rituel destructeur au sein du couple, renforce ce dernier et le fait durer ? Quels moyens pour quelle fin ? Sous de bouleversants aveux paraît la plus intense des histoires d’amour. L’épouse avertie et fine consent aux rituels avilissants que lui propose son compagnon mais n’y trouve qu’un plaisir ambigu. Elle s’y soumet cependant, sachant que cet érotisme paroxystique concourt d’un combat à mort contre le déclin et la déchéance du désir.

Les démons, Léa les appelle les ogres ; ils sont partout, elle le sait. Jour après jour, c’est l’histoire de l’Homme en lutte contre sa nature, et que malgré vingt siècles d’avancée titubante vers un idéal civilisé, ce qui se joue dehors et dedans, partout, dans les couples, dans les familles comme dans les groupes humains, c’est cette lutte là, celle des anges contre les démons, et ce ne sont pas toujours les démons qui vont vers les anges. Nous ne sommes ni pires ni meilleurs.

Sous le pseudonyme d’Echaillon, l’auteur tire le voile sur son couple, si singulier, indivisible. « Un couple réussi, ce sont deux êtres qui se croisent, rien d’autre, et c’est déjà miraculeux. Combien cheminent sans jamais se rencontrer réellement, sans jamais savoir qui est l’autre, et où il est ? ». Léa et les ogres est sans concessions, sans fausse pudeur, en échappant à tout voyeurisme, malgré les portraits, les évasions, les heurts, décrits avec force et réalisme.

Parce que chacun est libre de ses maux, de ses désirs, de son envie du couple, on ne peut juger le chemin qu’a pris celui de Pierre et Léa. Tout au plus, on peut le trouver étrange, incompréhensible, beau, troublant, en souffrir, être indigné. Le Mal est une « extrusion » du Bien, il est là, en nous, et le contenir est l’affaire d’une vie. Pierre lui, lui fait « prendre l’air », et les deux époux sont sans illusions, sans mensonges, les yeux ouverts sur leurs abîmes, mais en paix.

« Ne te sens-tu pas plus forte d’avoir été moins que rien », demande Pierre à la dernière femme de sa vie, dont les hommes ont usé et abusé du corps, mais sans jamais gagner sa raison, sans atteindre un esprit qui leur était interdit.

Une lecture forte, passionnante, déroutante, dont on ne sort pas indemne.

Léa et les ogres, Echaillon, Editions de la Musardine

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