Immigration : des vertus stérilisantes de l’anathème

Immigration : des vertus stérilisantes de l'anathème

Le thème de l’immigration choisie, évoqué par le nouveau premier ministre lors de son discours devant l’Assemblée nationale, mercredi 8 juin, n’a pas manqué de susciter l’ habituel concert de langue de bois des défenseurs-réflexes des droits de l’Homme ... concert accompagné des inévitables excommunications inhérentes à l’exercice !

Plus que le fond de l’affaire, ce qui surprend, c’est l’impossibilité de se saisir de cette question sans déclencher invariablement la même mécanique incantatoire ou l’outrance des mots dissimule mal la sclérose de la pensée.

Que la défense des droits de l’Homme soit une cause sacrée n’est pas contestable ; et j’espère qu’on m’épargnera le moindre soupçon à cet égard. Qu’en revanche, il soit impossible de questionner cette cause comporte des effets pervers qu’il serait temps de mettre en lumière.

En premier lieu, cela génère un discours qui ignore le vécu et le malaise des populations les plus immédiatement confrontées au phénomène de l’immigration ; un « chiffon rouge » que l’on promène sous le nez de ceux qui - depuis longtemps - subissent la réalité d’une immigration mal intégrée ... et votent Le Pen !

Que la France ait une tradition de terre d’accueil, comme le rappelle Georges SARRE, est une tarte à la crème ; cela n’implique pas qu’il soit définitivement interdit d’adapter notre réglementation sur l’immigration en fonction de notre situation intérieure et de l’évolution de l’Histoire. Depuis l’après-guerre, les temps ont changé et la prospérité des « trente glorieuses » est un lointain souvenir !

Prôner sans nuance la régularisation des « sans-papiers », s’insurger contre les reconduites à la frontière, c’est beau, c’est généreux, c’est grand, c’est...esthétique ! mais c’est peut être un peu trop simple lorsque notre pays est confronté à un chômage endémique !

Que la France choisisse et régule son immigration, c’est aussi la certitude de mieux accueillir et mieux intégrer les nouveaux arrivants au lieu de les laisser s’entasser dans des taudis, à la merci des marchands de sommeil et des employeurs clandestins.

Est-il nécessaire de rappeler que les candidats à l’immigration - et notamment les clandestins - ne viennent pas en France pour nous faire plaisir mais pour au mieux travailler dans des conditions déplorables et tenter d’accéder aux systèmes sociaux en vigueur, au pire s’installer dans la précarité en nourrissant de facto divers trafics et donc la délinquance ?

N’en déplaise au MRAP, il ne s’agit pas de stigmatiser ou de culpabiliser les immigrés mais de signifier qu’on n’entre pas en France comme dans un moulin au moment où l’on vient de vérifier que la population a atteint un point d’insécurité sociale alarmant ; de signifier aussi que l’immigration doit se jouer gagnant-gagnant et que le pays d’accueil doit pouvoir trouver son intérêt aussi.

Qu’y a-t-il de fondamentalement choquant à ce qu’un pays gère les flux migratoires en fonction de ses intérêts ; en quoi est-ce révoltant de faire venir ceux dont on a besoin plutôt que d’autres ? Et pourquoi la France se devrait d’accueillir sans nuance toute la misère du monde, dès lors que des populations auraient jeté leur dévolu sur l’Hexagone ? Ne peut-on pas une fois au moins se poser la question calmement plutôt que la considérer a priori comme inconvenante ?

Qu’il s’agisse aussi pour Nicolas Sarkozy, de préparer son avenir politique, il n’y aura que des naïfs profonds pour s’en étonner ; c’est la base même de la politique dont il n’est qu’un des produits les plus symboliques aujourd’hui. Il est puéril de s’attacher à celui-là plus qu’à un autre et de s’étonner, encore et toujours, des effets de l’ambition humaine sur le comportement des politiques ...

Mais l’argument le plus scandaleux des défenseurs-réflexes, l’arme fatale, l’excommunication suprême, l’infamie qui vous réduit au silence et à la honte, c’est ... LE PEN, évidemment ! Que feraient-ils sans lui, pour faire taire les mal-pensants ???

Au cas où ce ne serait pas assez clair, c’est parce que les socialistes n’ont pas voulu poser sereinement les problèmes comme l’immigration et l’insécurité que Jospin a été éliminé dès le premier tour des présidentielles de 2002 ; pas le contraire ! Et ce qu’attend le PS, c’est que la droite fasse les réformes impopulaires qu’il n’a pas eu hier - et n’aura pas demain - le courage de faire.

Plutôt que de stériliser le débat sur l’immigration en lançant des anathèmes sur ceux qui osent constater les dégâts, énoncer leurs interrogations ou proposer des solutions, il serait urgent et beaucoup plus efficace de s’emparer de la question sans complexe et chercher - entre républicains, entre démocrates - des solutions humaines mais réalistes .

C’est le plus sûr moyen de retirer à Le Pen son seul véritable argument auprès des populations qui sont lasses et qui ont peur ; dire à ces gens - qui vivent le plus souvent en banlieue, dans des conditions difficiles - qu’on les a entendus et compris ... et que l’extrême droite n’a rien à leur proposer.

Laisser à Le Pen l’exclusivité du discours sur les problèmes migratoires, c’est lui conférer une force qu’il n’a plus ! En d’autres termes, c’est lui rendre service !