Interview : LEFRED-THOURON

Interview : LEFRED-THOURON

Il y a quelques semaines, vous avez pu découvrir sur Le Mague l’album de Lefred-Thouron : "Ich Biin Vraiment a Gland", complétant la collection Azote Liquide de Fluide Glacial. Ce dessinateur au parcours implacable dans l’humour et le dessin de presse
nous dévoile sa méthodologie du Glandisme en exclusivité (rien que) pour nous.

Confession d’un Gland homme !

1. Les dessinateurs de presse se lancent beaucoup dans l’aventure d’un l’album BD comment est-ce venu pour vous ?

Je n’ai pas le sentiment qu’ »ich bin vraiiiiiiiment gland » soit à proprement parler un album de BD. Mais certaines données éditoriales ou commerciales contaignent ceux qui sont comme moi plus spécialistes du cartoon, du gag en un dessin, de regrouper leur travail dans des livres qui répondent au standard de rangement dans les étagères.
Ceci dit, il y a dans ce livres pas mal de strips et quelques planches de pure bande dessinée c’est vrai. Parce que ma collaboration aux numéros hors série de Fluide Glacial puis au mensuel m’a autorisé quelques tentatives dans ce genre.
Je débute.

2. Votre album est truffé d’illustrations pour diverses presses, donnent tout de même bien à l’évidence une histoire d’humour, quelle a été votre méthode de travail sur la préparation de cet album ?

Une fois retenue l’idée de faire un livre dans telle collection à tel format se pose le problème de ce qu’on met dedans. Et là encore on se plie, gentiment, à un cahier des charges : regrouper des dessins en chapitres thématiques, pour ne pas partir de manière échevelée dans tous les sens. C’est un point de vue. Il a en tout cas prévalu pour cet album-là.

On part donc d’un matériel de base pouvant remplir allègrement deux ou trois fois l’espace. Des sujets traités émergent naturellement des thèmes, le premier écrémage ce fait comme cela. Ensuite on passe au tamis ce qui reste, avec
l’éditeur Vincent Solé et le graphiste Plipo, deux crèmes de mec, de manière à ne garder que ce qui nous paraît mériter le passage en album.

C’est important de confronter nos regards. Parce que tout seul à force de passer et repasser des dessins on perd de l’objectivité, l’œil fatigue. Et puis dans ce long travail de préparation, se profile parallèlement l’organisation générale des chapitres, des pages.

3. Comment vous êtes vous tourné vers "Fluide Glacial" pour proposer ce projet ?

Très naturellement, parce qu’un premier jet des aventures de ce gland était paru il y a trois ans, chez Fluide déjà. J’avais envie d’une deuxième salve, et l’occasion s’est présentée avec la nouvelle collection « Azote Liquide » dont la vocation est de publier du matériel qui ne provient pas exclusivement de Fluide Glacial, et surtout qui laisse la place au cartoon. Les deux premiers, de Thiriet et Ferri étant épatants, j’ai dit à Vincent mon envie d’être le suivant.

4. Depuis quelques mois, vous travaillez avec YAnn Lindingre sur le portable "Allo t’es où ?", Allo ?! vous en êtes où avec cette série ?

Elle s’installe doucement dans le mensuel, au rythme de deux ou trois pages mensuelles. On devrait pouvoir penser à un album l’an prochain, parce qu’on a pas mal de matériel d’avance.

5. Vous avez dédié votre album au Professeur Choron, comment l’avez rencontré et quelques mots sur le personnage ?

Parler de Choron en quelques mots, c’est difficile. Je l’ai rencontré en 1983, alors qu’à l’invitation de Gébé je suis passé au journal Hara-Kiri. Je l’ai fréquenté timidement dans les deux ou trois années qui ont suivi, ensuite de manière plus amicale et décontractée. On a travaillé ensemble et avec d’autres (Vuillemin, Schlingo, Martin, Placid etc) sur un paquet de projets : Choron Magazine, Grodada, HaraKiriHebdo, La Mouise, puis sur quelques concerts que j’ai modestement contribué à mettre sur pied avec des potes du groupe nancéen « Tes Baisers ont le Goût de la Mort » (le CD est toujours disponible !)

La maladie l’a ensuite peu à peu éloigné du circuit mais on s’appelait souvent, et je suis allé quelquefois passer une journée dans la Meuse où il séjournait fréquemment dans son village natal. C’est pas très loin de chez moi.
Son apport à la presse, à la liberté d’expression et à l’humour est colossal. D’un point de vue personnel, je mesure quasi quotidiennement combien il m’a influencé, pas tant sur le plan du travail que sur la méthode, l‘énergie, l’ouverture. C’est un gars avec qui on pouvait parler de tout car il comprenait tout. Et les séances de boulot avec lui étaient de vraies parties de plaisir, très éprouvantes parce qu’il allait plus vite que tout le monde, il menait, on suivait en courant. Et contrairement à la légende, quand on bossait on carburait à l’eau claire.
Putain, quelle perte !

6. Reiser, Wolinski, et pourquoi pas vous pour un Grand Prix d’Angoulême ?!

Huhuhu.

7. Sommes-nous envahis par les Glands ?

C’est pas un scoop.

8. Comment échapper au fait d’être Gland ? En lisant vos albums ?!

Je ne devrais pas le dire mais j’en connais à qui ça ne réussit pas.

9. Fluide vient de fêter ses 30 ans, vous avez croisé le fameux lecteur Ludovic Vernoy, quel est votre avis sur ce jeune "gland" ?

Dans le temps, il y avait le service militaire pour déniaiser ce genre d’arsouille.

10. Lindingre est votre premier scénariste ? Que donne votre méthode de travail pour le dessin face à un écrit ou story-board ?

Oui, c’est la première fois que je travaille en collaboration aussi directe avec quelqu’un. Dans le passé j’ai beaucoup usiné sur des séquences radiophoniques avec Kafka, le Kuntz de Groland, mais chacun grattait ses propres textes et c’est seulement à l’enregistrement et au mixage qu’on mettait l’assaisonnement.

Avec Yann Lindingre, y a pas vraiment de méthodologie. Chaque fois qu’on se voit pour travailler on fait autre chose. Alors on communique par les voies modernes de la technique, SMS ou mail. Parfois il me donne une page entière découpée et dialoguée que je recopie intégralement, parfois je change le texte voire même la chute. Ça peut venir d’un mot clé, d’une courte blague que je développe à ma façon. Ou bien je lui dis tiens sur tel sujet faudrait trouver une connerie et dans la foulée il en envoie douze. Il est fou.

11. Qui vous a inspiré à faire du dessin de presse ? quel est votre principale référence ?

Pour ce qui est du dessin de presse, l’influence majeure est indiscutablement HaraKiri, et le Charlie Hebdo des années 70, en bloc. Autant Reiser que Berroyer, autant Wolinski que Delfeil de Ton.

12. Vous collaborez avec Lindingre, et parmis les fabuleux auteurs de Fluide Glacial, avec qui aimeriez préparer un projet ?

Il y a quantité de génies là-dedans, mais on peut vénérer quelqu’un sans imaginer une seconde de collaborer. Des gars comme Goossens, Blutch, Hugot ont une écriture si particulière qu’il serait vain d’imaginer leur apporter quoi que ce soit. Gaudelette, Ferri ou Larcenet ont plus l’habitude de pratiquer avec d’autres. Mais pour faire du tandem il faut vraiment regarder dans la même direction et pédaler en synchronisation. C’est à dire faire la bonne rencontre sur le bon projet. C’est le cas avec Lindingre sur notre bouquin « Les carottes sont crues » ou sur "Allô T’es Où".

Le fantasme absolu pour un piètre dessinateur comme moi, serait de faire dessiner des trucs fabuleusement compliqués par des géants du genre Solé.

Je n’exclue pas d’autres expériences, mais la BD est un boulot archi exigeant, qui demande du temps et de l’investissement, et que je pratique pour ma part quasi en dilettante, comme d’autres feraient de l’aquarelle, pour me reposer du dessin de presse. Le Canard et L’Équipe Magazine chaque semaine, ça revient vite.

13. Que peut-on vous souhaiter pour ces prochains mois ?

Bonne année, bonne santé

14. Comment aimeriez vous boucler cette interview ?

Par un bon mot, mais ça ne vient pas.

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LEFRED-THOURON - ICH BIN VRAIIIIMENT A GLAND - Audie/FLuide Glacial - collection Azote Liquide.
Toujours chez Fluide Glacial : Soyons Sport dans l’Effort
Le Sport Bourse Pleine
Je suis Gland

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