Interview : Syd Matters

Interview : Syd Matters

Certaines épreuves peuvent rendre plus fort. Des obstacles Syd Matters n’en a pas franchis des tonnes mais tout de même. Derrière la palissade d’un concours (CQFD Inrock) remporté haut la main en 2003 et 15000 albums vendus s’est dressé le pourquoi du comment de la suite à donner. Voici donc sa réponse. En 12 titres il passe allégrement la barre de la confirmation.

Est-ce que l’obstacle que représentait la scène à vos débuts s’est mué en vraie chance pour ce second opus ?

Syd Matters : « Ce n’était pas un obstacle à la base, juste une interrogation parce que ce n’était pas forcément une musique qui se prêtait à la scène. Mais très vite j’ai remarqué que je pouvais transporter sur scène cette différence. Au point que cela en est devenu indéniablement un atout. Gagnant une dimension différente de l’album, en essayant de garder l’essentiel tout en y mettant plus d’ampleur. C’est devenu indispensable primo : pour nous faire connaître et secundo pour prendre du plaisir. »

Par contre faire partager votre musique n’était pas forcément un but en soi à vos débuts ?

Syd Matters : « Disons que je ne voyais pas trop de qualité dans ce que je faisais. A part le fait de m’amuser. Ma carrière si je peux l’appeler ainsi n’est pas partie d’une ambition d’en faire une sorte de métier. »

Avez-vous eu pour ce deuxième album la peur du vide ou aviez-vous déjà des chansons en stock ?

Syd Matters : « J’avais des chansons mais je n’ai pas voulu les utiliser. J’ai du mal à gérer les délais entre le moment où tu enregistres et le moment où l’album sort. C’est beaucoup trop long. Cela met une distance entre ton envie de faire si tu utilises tes « fonds ». Je désirais juste prendre un cliché du moment avec ce nouveau disque. »

Dès « Whisper and a Sigh » vous faisiez preuve d’une grande maturité, à quoi devez vous cette qualité ?

Syd Matters : « (gêné) Je ne sais pas ! La seule chose que j’ai comprise c’est d’utiliser au mieux mes capacités, c’est à dire que je devais aller au plus naturel avec ce que je savais faire. Ne pas essayer de tricher et de faire comme... utiliser ma voix, avec la technique que je connaissais et mes propres compositions. »

Ce nouvel album est-il le vrai début de votre carrière ?

Syd Matters : « C’est peut être aussi la fin (rire). Je ne peux pas concevoir d’arrêter de faire de la musique mais je sais que j’ai des phases dans ma courte expérience où je me passionne pour des choses et puis j’arrête parce que j’ai envie de passer à autre chose. Ce sera peut être le cas. Je pense que je vais continuer à enregistrer des choses, à composer parce que je ne sais pas faire grand chose d’autre mais de là à le rendre public je ne suis pas sur que ce soit ce que j’ai l’intention de faire toute ma vie. »

C’était difficile de se laisser une place au hasard pour composer et ne plus contrôler la situation de bout en bout ?

Syd Matters : « Oui et non, Syd Matters est devenu un groupe. Même si ma décision est plus importante que celle de mes musiciens, on se retrouve souvent dans un système ambigu. Savoir qui aura le dernier mot. Eux ne savent pas vraiment ce qu’ils peuvent se permettre de proposer et d’apporter et moi je fais un effort pour aller dans ce sens afin de créer une identité composite. Mais il faut nous laisser du temps. Plus j’y pense plus je me dis que 5 créativités c’est mieux qu’une. »

Vos musiciens ne sont pas forcément issus du même univers que vous ?

Syd Matters : « Cela s’est fait naturellement. Pour exposer mon premier album il me fallait faire de la scène donc on m’a présenté une ou deux personnes dont Rémi mon guitariste qui vient du reggae, il faisait des choses assez éloignées de mon univers. Humainement ça a collé dès le début, ainsi que pour les autres musiciens qui sont venus se greffer au projet. Il faut d’abord que l’on puisse voler ensemble... Je crois que la différence se fait là. »

Faut-il aller doucement, comme vibre votre musique, pour sortir un album de Syd Matter ?

Syd Matters : « Doucement pour composer enfin disons plutôt à son rythme et après pour l’enregistrement, pour l’arrangement il faut aller le plus vite possible pour laisser une grande place à la spontanéité. J’aime bien ne pas trop comprendre comment j’ai fait les choses. Il faut qu’il y ait du mystère même pour moi. Je n’aimerais pas qu’on voit les bouts de ficelles qui traînent sur mon disque. »

Pour l’enregistrement et le mixage vous avez fait confiance à Yann Arnaud qui est un familier de l’éléctronica (Air, Sébastien Schuller, Cocosuma) ?

Syd Matters : « On a fait ça ensemble. Pour le mixage il était là pour m’aider. Il m’a vraiment bien aiguillé sans imposer, cernant et mettant en forme tout ce que j’aurais eu du mal seul à exprimer. C’est super agréable et rassurant de travailler avec lui. »

Rentrer dans un « vrai » studio fut aussi une nouvelle expérience ?

Syd Matters : « Ce fut assez déstabilisant au début. J’ai eu une semaine difficile. La première semaine j’arrivais à rien parce que j’étais tenté par trop de possibilités de production, de matériel, etc. Il faut prendre ses marques. Cela s’est fait plutôt dans la douleur. En même temps peut être qu’à partir du moment où tu as souffert pour le faire ça peut t’apporter un plus qui se ressent dans le disque. »

Vous faites un duo avec Euro Childs, pourquoi l’avoir choisi ?

Syd Matters : « Je suis un fan de son groupe qui s’appelle « Gorky’s Zygotic Mynci ». Ca fait 15 ans que c’est un groupe culte pour moi. Cet été mon label m’a demandé si je désirais envoyer des démos à des artistes qui par hasard seraient susceptibles de chanter avec moi j’ai tout de suite pensé à lui et aussi à Lisa Germano. Les deux ont répondu comme quoi ils étaient partant. Malheureusement Lisa habite à Los-Angeles ce qui a rendu trop compliqué la tache mais Euro Childs est venu une semaine à Paris pour enregistrer la chanson et faire un concert avec nous. Cette chanson est très importante pour moi. Je ne réalise pas encore. J’étais comblé. »

Quelle est la chanson sur ces 12 titres qui vous représente le plus ?

Syd Matters : « Contrairement au premier album qui me ressemblait mais que je n’avais pas bizarrement vu arriver, ce deuxième est très proche de moi. Ce disque est plus basé sur mes textes. « Motion » est très importante par exemple. »

On qualifie votre univers d’original ?

Syd Matters : « C’est un mélange de créativité et de personnalité. Pourquoi j’aime Radiohead par exemple c’est qu’à la fois ils vont de l’avant dans ce qu’ils font en repoussant toujours leurs limites mais en même temps ils personnalisent de leurs pattes leur production. Essayer de proposer un nouveau son, de nouvelles harmonies. Je sais que c’est hyper difficile mais je pense que c’est encore faisable. Faire en sorte que ce que tu joues et ce que tu chantes ne ressemble à rien d’autre. »

Je voulais aussi revenir sur la chanson cachée, est-ce un avenir moins folk qui s’annonce ?

Syd Matters : « J’ai une culture musicale très folk et c’est encore là que je suis le plus à l’aise mais en même temps j’ai écouté beaucoup Pink-Floyd, j’ai écouté beaucoup de musiques plus ambitieuses au niveau des arrangements. J’ai envie d’aller vers ça, de choses plus rock. J’ai envie de faire tout en fait (rire). »

Vous semblez aimer être entre deux eaux, ni totalement artiste, ni totalement détaché du monde musical ?

Syd Matters : « Ce n’est pas de la modestie, je ne suis pas quelqu’un de modeste... (rire) C’est la réalité des choses. Il n’y a pas d’artistes dans ma famille, aucun musicien, y a pas d’écrivain. Ce n’est pas ma culture. En ce sens là j’ai eu la chance de m’imposer tout seul mais simplement pour moi être artiste ce n’est pas un vrai métier. Ce n’est pas un message qui vient de mes parents, c’est juste un contexte de vie. Par la force des choses je suis encré dans le monde réel de façon imposante. Je ne me sens pas être totalement musicien, j’espère même ne pas l’être. »

Est-ce une provocation d’être une pièce importante de la chanson branchée et de dire qu’on aime Dalida plutôt que Devendra Banhart ?

Syd Matters : « J’aime beaucoup Devendra Banhart, son dernier album est super beau. Ce n’est pas une provocation de ma part : c’est la vérité, je suis plein de contradictions culturelles. Cela m’étonne toujours les gens qui sont d’un seul bloc, très cohérent dans leur choix. J’ai regardé le Bachelor chez moi et franchement j’aimerais bien être ce mec en costar toute la journée qui se fait reluquer par 20 nanas en chaleur. La vérité et le bonheur il est là (rire). Mes goûts sont faits de n’importe quoi. Je suis capable de lire trois livres de SF et passer après un bouquin sur un charpentier du XIIème siècle. »

Souffres-tu que ton univers très léché, très stylisé ne se marie pas bien avec les médias actuels ?

Syd Matters : « On nous a tellement rabâché que le monde musical était à l’agonie, qu’il n’y avait pas de place pour les gens qui voulaient créer en anglais surtout en étant français, on nous a tellement proposé et montré plein de barrières qu’à partir de là quand tu décides de composer puis de rendre public ta musique c’est un vrai parti pris. Si certains médias s’intéressent à moi je suis ultra-content mais si les autres ne s’y passionnent pas j’ai l’impression que c’est normal. »

Et si tout s’arrêtiez demain, vous feriez quoi ?

Syd Matters : « Je pense que je reprendrais mes études. Tout simplement. Ce qui me permettrait d’avoir beaucoup de temps libre pour faire de la musique chez moi. »

Le site officiel de Syd Matters

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