Interview : Sébastien Schuller

Interview : Sébastien Schuller

Sébastien Schuller c’est le petit enfant huître d’un cinéaste, c’est aussi la revanche du petit canard triste qui se retrouve couvé par un essaim de reines annonciatrices lui prédisant le plus grand avenir. Caché derrière sa petitesse, derrière un masque dessiné de lutin triste et gai tout à la fois, il sort pourtant un grand album. Avec un A majuscule. Comme il ne peut pas faire sien le dicton « pour vivre heureux vivons cachés » il sera à voir sans déguisement en prémice de Françoiz Breut le 12 mai au Grand Mix de Tourcoing (mais peut on parler de « première partie » quand on a son talent ?)

On ne te connaît pas bien encore alors permets moi de te demander « qui est Sébastien Schuller » ?

Sébastien Schuller : « Sébastien Schuller, la trentaine, un musicien comme tant d’autres. »

Ta formation musicale prend racine dans le classique ?

Sébastien Schuller : « Par la force des choses oui. Au départ je souhaitais faire de la batterie mais il n’y avait pas de cours de cet instrument dans ma ville, j’ai donc eu une formation d’école de musique puis de conservatoire pendant 8 ans. »

Sur ton disque, tu rends d’une certaine façon hommage à l’univers de Tim Burton notamment dans le titre « Edward’s Hands » ?

Sébastien Schuller : « Tout l’univers cinématographique en général m’attire. Là ‘Edward’s Hands’ c’était un peu une histoire de hasard : le morceau était déjà crée, j’ai du chercher un titre et j’ai pensé que ma musique pourrait agréablement illustrer ce film de Tim Burton. J’aime bien son monde mais ce n’est pas un hommage prononcé. »

Comme lui pourtant tu sembles attiré par la marginalité et le monde de l’enfance ?

Sébastien Schuller : « Totalement. C’est peut être pour ça que son cinéma me plait aussi (rire). De toute façon nous sommes tous liés à notre enfance d’une manière ou d’une autre. Je peux passer du temps à me remémorer mes périodes passées, mes souvenirs d’enfances que je peux avoir au fond de moi. Après une enfance heureuse mais aussi accidentée : parfois de ce regard là, on peut en dégager une certaine forme d’inspiration. »

C’est déjà une certaine forme de nostalgie trentenaire ?

Sébastien Schuller : « J’étais déjà nostalgique à 20 ans. (rire) »

Dans « Tears Coming Home » tu parles de quelqu’un de replié sur lui-même qui se laisse guider par les éléments, c’est un peu le message de ta propre personnalité ?

Sébastien Schuller : « Sur beaucoup de choses. Faire de la musique et rester passionné par cette forme d’art c’est déjà un peu se laisser guider d’une certaine manière... à l’origine ce n’est pas une sûreté économique en soit de choisir ce métier, il y a donc une certaine forme de naïveté ou de poésie qui fait qu’on s’attache à la musique. Faire de la musique c’est se couler dans des sensations et des évènements. »

Tu arrives à vivre de la musique ?

Sébastien Schuller : « Plus ou moins. Le fait de sortir un album va me donner l’opportunité de faire des concerts donc avec ces sets j’arriverais peut être à avoir des revenus plus réguliers mais à l’origine j’ai alterné des périodes de jobs et d’Assedic. Des démerdes pour réussir à payer son loyer en fin de mois... finalement comme beaucoup de monde. »

Tu as choisi de chanter en anglais, c’était la seule évidence en débutant ton acte créatif ?

Sébastien Schuller : « Oui car j’ai toujours écouté de la pop anglaise, si tu viens chez moi il y a très peu d’albums français. J’ai écouté cette pop pendant toute mon enfance, mon père parlait anglais : c’était une langue qui était présente dans ma famille et d’une autre part quand j’improvise, mes mélodies et les formes de mots que je peux prendre se rapprochent plus de l’anglais et j’ai naturellement un penchant pour écrire dans cette langue. Si ma musique tombait plus proche du français je passerais au français mais pour l’instant ce n’est pas le cas. »

Ton album se conclue par le seul titre français « Le Dernier Jour » qui porte bien son nom car l’on sent le triste retour à la réalité en refermant ton petit monde ?

Sébastien Schuller : « C’est pas réellement le but même si le titre à l’époque où j’ai pu le composer me laissait une certaine tristesse de retour à la réalité mais c’est un peu une histoire de hasard. Après l’avoir composé je me suis toujours dit qu’il conclurait mon premier album. Il m’a accompagné pendant 4-5 ans, je faisais beaucoup à l’époque d’instrumentaux comme celui-ci, l’absence de paroles leur permet d’être dénommés comme on le souhaite. »

Peut-on parler de pièces musicales concernant tes chansons ?

Sébastien Schuller : « C’est un terme qui me plait plutôt, à une époque j’essayais de concevoir les morceaux de cette manière là. Je me suis beaucoup détaché de la musique classique en écoutant de la pop depuis des années et des années mais j’arrive parfois à penser, en tout cas pour certains instrumentaux, dans la peau de quelqu’un qui pourrait créer des pièces plutôt que des titres. »

« Happiness » est un très beau titre d’album pour quelqu’un de mélancolique ?

Sébastien Schuller : « C’était un peu un pied de nez par rapport à une époque de ma vie, c’était aussi la sensation d’avoir vu un bonheur s’échapper tout en restant en quête de cette chimère mais en même temps je pense que c’était un moyen de relativiser par rapport à certains morceaux de l’album qui n’étaient pas plombés de A à Z, ces morceaux qui avaient un certain espoir dans le bonheur. De toute façon la mélancolie est souvent un sentiment au carrefour de différentes impressions. Ce n’est pas que de la tristesse, on peut parfois trouver une certaine forme de bonheur dans cet état d’esprit mélancolique. »

Est-ce que « Weeping Willow » ton premier maxi sorti en 2002 a beaucoup joué dans le fait d’arriver à « Happiness » ?

Sébastien Schuller : « C’était très encourageant. Après, l’idée de faire un album je l’avais en moi depuis mon enfance. Je tenais absolument un jour à pouvoir sortir un CD de mes compositions terminé, au moins en FNAC (rire), pour voir si cela plaisait aux gens. Tant qu’on a pas fait ça, tu as beaucoup d’amis qui aiment tes chansons mais en même temps tu as envie de déballer ça à l’extérieur et voir ce que ta musique peut donner sur des étrangers. Même si le chemin a été compliqué et long. Même si entre le maxi et l’album j’ai eu des moments difficiles je gardais cette passion au fond de moi de faire un album. »

Pourquoi avoir changé de maison de disque en cour de route ?

Sébastien Schuller : « Tout simplement car ils ne désiraient pas sortir un album. C’était une période où EMI et Virgin étaient en train de fusionner et de toute façon même si mon projet fonctionnait bien sur un 4 titres je représentais pas grand chose. Pour eux si tu n’es pas un artiste qui vend 50 000 disques tu n’existes pas. Moi j’étais un peu un artiste dit « en développement », je devais représenter peu de chose face aux projets venant d’Angleterre ou sortant à l’international. »

Cette expression « d’artiste en développement » je ne trouve pas ça très beau, c’est presque une insulte ?

Sébastien Schuller : « C’est très moche effectivement mais j’aime à le répéter car on me considère de cette manière (rire). De toute façon où que vous signez pour sortir votre album vous avez ce ressentiment là malgré tout. Plus particulièrement en Majors où l’on parle souvent de disques comme de produits d’ailleurs vous avez l’appellation de « chef de produits ». »

Alors maintenant que l’album est sorti et qu’il est bien accueilli, as-tu beaucoup plus d’amis autour de toi ?

Sébastien Schuller : « Non on a l’impression qu’il y a beaucoup de gens qui sont autour de toi, tout du moins pendant un temps. Il y a des gens qui me ramènent des sentiments partagés grâce à ma musique, des personnes qui se délivrent. Je prends pas mal de recul. J’imagine bien comment ça se passe en général, tu peux être choyé pendant une période et oublié le lendemain. En même temps il y a des personnes qui me témoignent des ressentis très agréables par rapport à ma musique. »

C’est un album de rêveur ?

Sébastien Schuller : « Je passe beaucoup de temps à rêver (rire). Je pense, je prends du plaisir avec ce que peux m’apporter l’art et la nature en général. Au quotidien je vis pas mal d’évasion et c’est peut être un peu comme ça que vit ma musique. »

Tu es multi-instrumentiste, sur ton album tu t’es chargé de presque tout ?

Sébastien Schuller : « Il y a quand même des participations d’autres musiciens. Je l’ai fait presque tout seul par obligation car c’est ma forme de travail depuis un certain temps ; au départ c’était par manque de rencontres et puis après tu te rends compte que tu prends du plaisir à créer tout seul et à arranger tout seul tout en t’apercevant que tu arrives à construire des choses qui se valent. Après, une fois que tu t’es habitué à composer d’une manière indépendante tu ne vois pas de raison à changer de mode de travail. »

Ta musique est synonyme de grands espaces et pourtant tu la composes dans tes combles ?

Sébastien Schuller : « Il m’est arrivé de composer d’autres titres ailleurs. Notamment en Suède. Le principal c’est de se sentir à l’aise. Mon appartement est une figure centrale au milieu de cet album car beaucoup d’enregistrement se sont faits ici. »

Sur l’album tu commences par chanter avec des philtres pour ne pas te découvrir aussitôt, pour ensuite offrir la réalité à l’auditeur, est ce une certaine forme de pudeur sur ta voix ?

Sébastien Schuller : « Ce ne sont pas des philtres, c’est très proche de ma voix naturelle. C’est juste une E.Q qui est un peu différente. Les gens pensent que tout est filtré car les voix changent pas mal mais ce n’est pas le cas. Il est vrai que je ne chante pas depuis des années, pour moi c’est nouveau mais c’est surtout que chaque morceau devait faire appel à une vocalise différente. D’ailleurs je me lace très vite quand j’écoute un album qui a le même mood ou la même thématique musicale du début à la fin. L’idée c’est de trouver à chaque fois la voix qui collera le mieux au morceau. Un titre comme « Where we had never gone » d’entrée cela vous appelle une voix avec beaucoup de réverbération pour faire une sorte de road-movie musical. Avec l’espace et la distance mis dedans. C’est vraiment un ressenti naturel. »

Les plages instrumentales sont aussi importantes que celles chantées ?

Sébastien Schuller : « Oui entièrement même si j’en ai beaucoup fait auparavant je ré-écoute certains instrumentaux avec autant de plaisir que mes titres chantés. Le principal c’est de trouver des thèmes mélodiques forts qu’ils soient chantés ou instrumentaux. »

On sent un besoin de cacher physiquement le musicien que tu es, c’est un manque de confiance en toi ?

Sébastien Schuller : « je ne souhaite pas m’exposer trop fortement. De toute manière je ne suis pas dans une recherche de vedettariat à tout prix. En même temps cela ne me dérange pas, il y a certaines photos qui me montrent réellement mais l’idée est venue de la pochette avec le dessin, on s’est donc dit que cela pourrait être sympa de faire des photos de la même manière en cachant mon visage. J’aime bien l’idée en photo de faire quelque chose où l’on dégage une atmosphère, pas celles où l’on voit tous les grains de la peau au millimètre près. C’est la musique qui doit parler avant tout. Et si elle marche après vous faites des concerts... »

Et tu ne montes pas sur scène avec un masque ?

Sébastien Schuller : « Non ! (rire) »

Peux-tu m’expliquer la pochette de ton disque ?

Sébastien Schuller : « La pochette est composée de deux choses : le dessin de Kristina Funkeson qui avait déjà participé à mon 4 titres car j’aime beaucoup son univers pictural. Elle a eu des idées par rapport au titre de l’album qu’on a travaillé... Tout l’intérieur est plus graphique, avec un univers plus personnel composé de photos. J’ai passé un mois dans un studio pour mettre tout ça en place. C’est encore une fois une histoire de ressentis et d’utilisation d’objets personnels. »

Tu voulais que ta mère puisse t’entendre à la radio, alors est-ce chose faite ?

Sébastien Schuller : « (rire) Elle arrête pas ! Elle est très fière ! les premières fois que je passais sur Nova elle m’appelait pour me le dire ! »

Certains liens sur ton site internet sont destinés à Greenpeace ?

Sébastien Schuller : « C’est important tout en essayant que ce ne soit pas trop politique. Je souhaite juste inviter les gens à visiter ce site et cet organisme qui pointe du doigt certains problèmes actuels. Je me sens assez touché par l’état de la terre, je trouve ça très con de vivre sur un truc que tu détruis tout à la fois. »

Tu es originaire des Yvelines comme Air ou Phénix, te sens tu proche de leur musique ?

Sébastien Schuller : « Je les trouve talentueux. Air sont de super arrangeurs et producteurs et chez Phénix j’adore le timbre de voix du chanteur. Mais on ne vient pas vraiment du même coin, eux sont plus de Versailles et du Chesnay alors que moi je viens plus de la banlieue proche des Mureaux. »

Le prolo contre les bourgeois ?

Sébastien Schuller : (rire) « Je ne pense pas que ce soit un combat mais des fois il est nécessaire de marquer sa différence. »

Est-ce que finalement la musique t’a sauvé d’une certaine façon de la folie ?

Sébastien Schuller : « Je ne sais pas si elle nous sauve mais elle nous préserve au quotidien. »