J’accuse les mafieux généraux algériens

J'accuse les mafieux généraux algériens

La France n’est certainement pas un pays exemplaire en matière de corruption et de passe droits. Présidents de notre pseudo démocratie, ministres, fonctionnaires zélés, chefs d’entreprises millionnaires licenciant à tout va nous montrent tous les jours que la devise de la République est bien loin d’être respectée.
Mais à défaut de pénétrer dans nos souterrains nationaux comme le fait si bien le Canard, nous vous proposons cette semaine de vous immiscer dans une ancienne colonie française.

Le Mague pénètre dans les entrailles du pouvoir algérien et rencontre Hichem Aboud, un ancien officier de l’armée algérienne.

1- Hichem Aboud en 5 dates.

15 juin 1955, c’est le jour où je suis venu au monde. 28 juin 1975 je me suis engagé dans l’armée algérienne en tant qu’élève officier alors que j’étais encore étudiant à l’Institut des Sciences Politiques et de l’Information de l’Université d’Alger. 16 octobre 1992 j’ai réussi à obtenir ma radiation des effectifs de l’armée algérienne. 17 février 1997, c’est l’exil forcé en France. 12 juin 1998 décès de mon père qui m’a profondément marqué et à ce jour, je n’ai pas pu encore me recueillir sur sa tombe. J’ajouterai une sixième, celle du 4 février 2002, date de la parution de « La Mafia des Généraux ».

2- Quelles étaient vos fonctions au sein de la Sécurité Militaire algérienne ?

J’ai eu un passage très court dans les services de renseignements algériens. Deux ans et demi. Je n’ai jamais reçu de formation dans les renseignements puisque j’ai eu à exercer des fonctions qui n’ont rien à voir avec l’opérationnel. Au début, j’étais en charge du dossier du Moyen-Orient, pendant une année et demi. Ensuite j’ai été nommé sous-directeur dans la division Evaluation et Analyse avant de finir au cabinet du patron de la Délégation Générale à la Documentation et à la Sécurité (DGDS) l’ancienne appellation des services de renseignement algériens. Après quatre mois d’exercice au cabinet, en découvrant le fond de la marmite algérienne, je n’en pouvais plus. C’était trop nauséabond. J’ai fini par demander ma radiation de l’armée en octobre 1990. Une radiation que je n’ai réussi à obtenir qu’après deux ans et demi d’attente à la maison.

3- Comment avez-vous été amené à intégrer de tels services ? Afin
d’assouvir votre passion pour James Bond ?

C’est en demandant à quitter l’armée alors que j’étais rédacteur en chef du magazine mensuel « El -Djeïch » (organe officiel de l’institution militaire), que j’ai atterri à la Sécurité Militaire. Je n’avais pas à assouvir une passion pour James Bond, puisque je n’ai jamais porté d’arme sur moi ni travailler dans les services opérationnels.

4- Pourquoi avoir choisi de tout balancer ?

Je n’étais pas fait pour l’armée. Je suis un rebelle né. Je ne peux pas m’accommoder de la discipline militaire. Je me suis engagé « par accident » dans l’armée. Dans les années soixante-dix on ne faisait pas de distinguo entre le militaire et le civil en Algérie. En m’engageant dans l’armée je devais exercer mon métier de journaliste dans le magazine El-Djeïch, un mensuel d’informations générales dont j’étais devenu le rédacteur en chef en novembre 1979. Après le revirement politique entamé au milieu des années 80, il n’était plus possible de continuer à faire du journalisme dans l’institution militaire. J’ai alors demandé à partir. Ma demande de radiation a été refusée et je me suis retrouvé à la Sécurité Militaire pour deux années et demi avant d’obtenir ma libération. Je devais faire quelque chose qui me passionne. C’est le journalisme que j’ai commencé à exercice depuis l’âge de 19 ans.

5- Vous êtes responsable de la revue mensuelle "Racines". Pouvez-vous nous
en exposer le contenu ?

C’est un magazine d’informations générales, d’analyses et d’opinions. C’est un champ d’expression et d’informations pour tous ceux qui ont une attache avec la rive sud de la méditerranée. On trouve dans ce magazine des pages de nostalgie consacrées aux pieds noirs et aux français d’origine maghrébine. Il y a beaucoup d’informations sur l’Algérie qu’on ne trouve pas dans la presse algérienne qui demeure, quoique l’on dise, victime de la censure et de l’autocensure. D’ailleurs, à RACINES notre devise est de tordre le cou à la censure. Nous publions toutes les opinions quelle que soit la tendance politique ou idéologique. Seule l’incitation à la haine et à la violence est interdite de séjour dans notre magazine.

6- L’Algérie finira t-elle un jour par devenir un pays stable ?

Je l’espère bien.

7- Pouvez-vous livrer pour nos lecteurs quelques aspects croustillants
contenus dans votre ouvrage "La mafia des généraux" ?

Volontiers. Voir en annexe. (cliquez sur la vignette PDF)

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8- Quelles sont vos drogues de prédilection ?

Le journalisme. Vient ensuite, la musique chaabi (populaire algéroise) et la chanson de la protestation qu’elle soit d’expression arabe, française ou berbère. Et pour cause, je suis un éternel protestataire. L’autre drogue c’est la lecture.

9- Que peut-on vous souhaitez pour votre avenir ? Un retour au pays ?

Il n’y a pas meilleur souhait que de rentrer définitivement chez soi. Le jour où je pourrai m’exprimer librement en Algérie, je ne resterai pas une seule minute en exil. La seule cause de mon départ d’Algérie c’est la censure. Trois journaux que j’avais édités en Algérie ont été fermés par les autorités. J’ai récolté trois condamnations à des peines de prison pour délit de presse. J’ai enduré les arrestations, les interpellations les gardes à vue et des journées entières à sillonner les tribunaux algériens dans différentes villes du pays. Ce n’est que le jour où l’on m’a signifié que je risquais d’avoir une balle dans la nuque et qui sera attribué au GIA que j’ai fini par m’en aller. Aujourd’hui, RACINES est interdit de vente en Algérie pour la simple raison qu’il porte ma signature. Le jour où il sera diffusé en Algérie, plus rien ne justifierait mon exil.

10- Etes-vous fier de ce que vous avait fait ?

Je tire une énorme fierté de ce que j’ai fait. Ma famille, en Algérie, est aussi fière de moi. Je puise ma force de dire tout ce que je veux parce que je n’ai pas la moindre crainte d’un effet boomerang. Je suis trop propre pour affronter tous les maffieux et tous ceux qui font commerce du sang et des larmes des Algériens. A la parution de la Mafia des Généraux, tous les décideurs que j’avais dénoncés dans mon livre s’étaient réunis pour préparer une contre-attaque par le biais de leurs relais médiatiques. Il n’ont pas trouvé la moindre des choses qui puisse donner matière à écrire. Ils se sont emmurés dans le silence. Dans la presse algérienne, où je suis très connu, mon livre est le seul à avoir trouvé des échos favorables alors que d’habitude c’est la levée de boucliers contre quiconque s’attaque au généraux de l’armée algérienne. Je suis vraiment fier de ce tout ce que j’ai fait et de ce que je fais actuellement. C’est le fruit de l’éducation que m’a donné mon père dont je suis très fier.

11- Auriez-vous un message à faire passer à la communauté pied noire, harkie
rapatriée en métropole en 62 ?

L’Algérie appartient à tous ceux qui l’aiment. Les harkis n’ont pas à se faire de complexes de leur passé. Ce sont les plus grandes victimes de la politique coloniale française en Algérie. Ils n’ont pas fait plus de mal à l’Algérie que ceux qui ont servi comme sous-officiers dans l’armée coloniale avant de commettre le hold-up le hold-up du siècle en s’accaparant le pouvoir en Algérie au lendemain de l’indépendance. Ces gens qui ont gouverné l’Algérie, ils lui ont fait du mal beaucoup plus au lendemain de son indépendance que durant la guerre. Quant aux pieds noirs, personnellement, je réfute cette appellation pour la simple raison que ce sont des Algériens de naissance et de père en fils. Pourquoi accepte-t-on en Algérie l’algérien d’origine arabe ou turque et on rejette celui qui est d’origine européenne ? Pourquoi on admet qu’un algérien né en France puisse devenir français alors que le français dont les parents et arrières grands parents sont nés en Algérie ne puisse pas obtenir des droits en Algérie. L’Algérie sera plus belle avec ses Berbères, ses Arabes, ses Européens et ses Turcs qu’ils soient musulmans, juifs ou chrétiens. Comme il peut côtoyer l’européen chrétien et le juif d’Afrique du Nord en France, pourquoi l’algérien d’aujourd’hui ne les côtoient-ils pas en Algérie où ils ont vu le jour et enterré leurs parents et arrières grands parents ?

12- Quelle est la personne que vous ne souhaiteriez surtout pas rencontrer
en Algérie ?

Il y a, plutôt, des personnes qui ne souhaitent pas me rencontrer en Algérie. Elles n’oseront pas me regarder dans le blanc des yeux tellement elles ont honte de ce qu’elles font. Je parle de ces généraux que j’ai dénoncés dans mon livre, de ces ministres, de ces journalistes et de ces fonctionnaires qui se sont mis au pied de la mafia qui gouverne l’Algérie. Par contre, moi, je ne crains personne et je ne baisserai les yeux devant personne. Donc, il n’y a pas quelqu’un que je ne souhaiterais pas rencontrer en Algérie.

13- Que pensez-vous de De Gaulle ?

S’il avait compris à temps que l’Algérie ne pouvait pas être française il aurait épargné aux deux peuples quatre années supplémentaires de guerre qui ont été les plus atroces. Les Algériens n’auraient pas perdu leur élite pour laisser la place à des lâches qui se sont emparés du fruit de l’indépendance. L’avenir des algériens de souche européenne aurait été tout autre et il n’y aurait pas eu de drame de harkis. Malheureusement, on ne peut pas refaire l’histoire.

14- Bouteflika ou Ben Bella ?

Je suis contre le culte de la personnalité.

15- Quels sont vos sentiments à propos du FLN ?

Sa mission s’est arrêtée en 1962. Aujourd’hui, il est entre les mains d’opportunistes qui lui font plus de mal que n’importe lequel de ses adversaires.

16- Quelles sont vos peurs ?

De mourir en laissant derrière moi des enfants qui n’ont pas encore fait leur situation. Ils sont encore jeunes. J’ai peur de les laisser orphelins en exil sans la moindre ressource car j’ai tout sacrifié et je ne leur ai rien laissé. Le jour où ils seront adultes, cette peur disparaîtra et plus rien ne me fera peur.

17- Quel est le cd de musique qui tourne actuellement sur votre platine ?

« Café de l’indépendance » de Baziz. Un chanteur censuré en Algérie parce qu’il ne mâche pas ses mots. C’est le chanteur qui a eu le courage de chanter en direct à la télévision et en présence des dignitaire du régime, une chanson dans laquelle il disait ce qu’il pense des généraux qui ont fait de « l’Algérie une jungle où règne la loi des bandits » pour reprendre les termes d’une de ses chansons.

18- Quel est votre peintre préféré ?

Le peintre algérien Issiakhem, paix à son âme.

19- Quel est le mot ou la citation qui vous hante constamment ?

La révolution est conçue par des hommes intelligents, elle est menée par les plus courageux et elle est exploitée par les lâches.

20- Par quoi souhaiteriez-vous terminer cet E-terview ?

Je salue l’inventeur de l’Internet qui a fait de la planète terre un tout petit hameau où tout se sait et rien ne se cache. Grâce à l’Internet, j’arrive à toucher des millions d’Algériens par mes écrits malgré la censure. En juin 2001 l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur a été interdit de vente en Algérie pour m’avoir publié un entretien dans lequel j’apportais des vérités sur le pouvoir occulte des généraux en Algérie. Malgré la censure, l’interview publiée sur le site Internet du Nouvel Obs a fait le tour d’Algérie. Les gens l’imprimaient et la distribuaient. Mon site Internet www.agirpourlalgerie.com est l’un des sites algériens les plus visités. Grâce à la magie de l’Internet même si je ne vis pas en Algérie, l’Algérie vit en moi.

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