RIMBAUD OU LA GRANDE IMPOSTURE

- Parce que je ne suis pas un de ces moutons de la culture qui mâchent sottement le foin qu’on leur sert -

De nos jours Rimbaud passerait à juste titre pour un délinquant drogué, pour un asocial peu recommandable, pour un dangereux hors-la-loi et surtout pour un très odieux trafiquant d’armes, un charognard des guerres.

Imaginez le plus adulé de nos écrivains contemporains imiter ce bandit de Rimbaud... Sa carrière serait brisée. Alors pourquoi cette légende à propos de cet infâme dont nul ne comprend certains vers hermétiques mais feint de se pâmer en les lisant ? Justement, Rimbaud est surtout une légende.

Rien de plus.

Je propose une série de textes éclairants et argumentés sur la plus grande mystification littéraire du XXième siècle.

Raphaël Zacharie de Izarra

- Le mythe "rimbalesque" -

Je comprends parfaitement que l’on tente de m’initier aux subtilités élevées de la poésie rimbaldienne. Seulement je n’y adhère pas, trop méfiant que je suis envers les imposteurs de la lyre qui sous prétexte d’avant-gardisme nous pondent de gros cocos complètement vides.

Nul ne me fera croire que les âmes tombant en pâmoison devant les vers "illuminés" de Rimbaud ne sont pas victimes d’une auto-suggestion née d’un insidieux conditionnement scolaire, chose qui n’a rien à voir avec l’émoi littéraire véritable...

L’on décrète à l’école que Rimbaud est un génie et que les "rebelles" dignes de ce nom se doivent d’adopter inconditionnellement le poète maudit pour pouvoir prétendre à la "révolte" et être pris au sérieux sous le ciel des rimeurs. L’on suggère que pour passer pour un fin lettré, un idéaliste, une âme éprise de je ne sais quelles "foutaiseuses" hauteurs, il faut admirer Rimbaud, que la chose se fait depuis plus d’un siècle, que les plus beaux esprits se sont inclinés devant Rimbaud et que railler ses vers qu’un tapage séculaire a fini par consacrer au panthéon des demi-dieux versificateurs relèverait du crime de lèse-poète...

C’est que, voyez-vous, je n’ai pas pour habitude de bêler pas avec le troupeau des initiés. Le messie de cette espèce de secte littéraire fût-il Monsieur Rimbaud.

Je préfère encore passer pour un imbécile solitaire, héroïque dans mon hérésie, plutôt que paître tel un ruminant à la solde de Rimbaud dans les grasses contrées de la poésie dispensée en granulés. Me distinguer de la sorte plutôt que me fondre dans la foule d’admirateurs anonymes, trompeter seul au fond des bois plutôt que joindre mes bêlements à ceux de l’étable, voilà ce qui sied au bel esprit que je suis.

Raphaël Zacharie de Izarra

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- Rimbauderies -

Entrons dans le texte, à vif. Face à vous mes chers adversaires je veux bien admettre mes torts éventuels, ma prétendue insensibilité, mon hérésie supposée, mais alors chers détracteurs répondez-moi avec clarté, sans vous défiler derrière un langage abscons : je vous soumets les vers que j’estime les plus ridicules -à ma connaissance- de Rimbaud.

"Je fis un voeu : mes ailes d’Empyrée toutes trouées
Ma fiole couverte de l’or des horizons funestes
Et célestes me mirent de glace en échos nets
Je vis un feu où se regardait l’oiseau des rouées."
(Rimbaud)

Dites-moi ce qu’ils vous inspirent. Persuadez-moi de leur prix.

Si vous ne les jugez pas sots ces vers, c’est que pour vous tout ce qui est pondu par Rimbaud vaut parole d’Evangile. Ce qui serait une attitude parfaitement imbécile, n’est-ce pas ? Aussi j’attends des beaux esprits qu’ils dénoncent l’ineptie lorsque cela est justifié. Or il serait justifié que vous crachiez précisément sur ces vers de Rimbaud car moi je les trouve mauvais.

Et si vous les jugez ridicules ces vers, alors dites-le, mais dites-le avec verve, panache, véhémence et non à demi mots comme le font les lâches admirateurs de leurs "chers maîtres", ainsi que des petits toutous aliénés à la cause d’un seigneur qui les enchaîne.

A ceux qui après avoir pris contact avec moi (raphael.de-izarra@wanadoo.fr) seront prêts à relever le défi : toute dérobade de votre part signifiera que je serai sorti vainqueur de cette polémique. Passez l’épreuve de ces quatre vers (la seule flèche qui vaille au milieu des gesticulations et conceptions théoriques sans portées). C’est au pied du mur que l’on démasque les imposteurs. Fi ! des beaux discours, mettez-vous à l’oeuvre sans tarder ! Défendez avec rage et éclat la cause qui vous est chère, je vous attends !

Je serais curieux de voir les effets qu’ont sur mes contradicteurs ces rimes que j’ose qualifier de grotesques. Car il faut oser, plutôt que sottement subir. Oser contredire l’autorité, même l’autorité poétique. C’est que je ne m’aliène si aisément pas à des auteurs, aussi prestigieux soient-ils.

Sur ces rimes que je vous ai jointes, seuls vos éventuels avis trancheront. Toute pirouette émise pour contourner l’épreuve en dira long sur le vide que vous inspirent ces vers... Que trouvez-vous d’estimable dans ces vers grotesques et incompréhensibles de Rimbaud ? Courageux détracteurs, je vous laisse la parole (raphael.de-izarra@wanadoo.fr).

Raphaël Zacharie de Izarra

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- Rimbaud, ce rigolo -

Osons désacraliser le "Bateau Ivre", et "Une saison en Enfer" de ce plaisantin de Rimbaud. Tout d’abord Rimbaud a un nom aux sonorités triviales, grotesques, populacières, ce qui n’est déjà pas pour lui faire honneur. Mais surtout Rimbaud n’a pas de particule.

A partir de là, de quoi peut-il se targuer ce rimailleur plein de sempiternelles "hideurs", les poches pleines de trous ? Je lui trouve le haillon un peu trop facile à ce joli. Sa semelle est bien trop usée pour être honnête.

Dehors les imposteurs de la poésie avec leur charabia poétisant, avec leurs émois mesquins de morveux attardés ! Un bon poète est un poète qui sait se mettre à la portée des gens SIMPLES et SENSES comme moi.

Je n’entends rien au "Bateau Ivre". Ca n’est pas moi qui suis un mauvais lecteur, c’est Rimbaud qui est un imbécile.

Raphaël Zacharie de Izarra

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- L’imposture chez Rimbaud -

Il est arrivé à Rimbaud de composer des poèmes de choix, je ne le nie pas un instant.

Mais que dire, pour prendre un exemple célèbre, du « Bateau ivre » ? Qu’ont bien pu inventer les exégètes pour donner du prix à ce charabia ? Par quels chemins tortueux ces parfaits érudits sont-ils passés pour réussir le tour de force d’étaler et de vendre sans complexe, et au prix fort, leur science quant à la valeur de ce baratin versifié ? Comment peuvent-ils faire illusion aussi longtemps sans faire naître une saine, salutaire suspicion ? Pour moi cette oeuvre est tout simplement digne d’un canular de potache.

Il est vrai que l’ancienneté de l’oeuvre, le prestige de son auteur, son particulier retentissement dans les couloirs des lycées (contribuant ainsi à en faire une espèce de légende calibrée répondant parfaitement aux goûts du siècle, surtout chez les pubères émotifs un peu fragiles) lui confèrent un cachet poétique qui trompe tout le monde.

Les « connaisseurs » admirent le "Bateau ivre", qu’ils soient simples ignorants ou bien éminents docteurs en lettres. Dans les deux cas nous avons toujours affaire à des imbéciles victimes du tapage culturel ambiant.

Osons désacraliser ces mythes nés de la bêtise intellectuelle qui polluent notre jugement, notre sens critique, conditionnent notre pensée vers le bas et amoindrissent nos défenses mentales. Osons dire que le « Bateau ivre », c’est tout simplement un bel exemple d’âneries portées au rang de légende universelle.

J’ose affirmer que le « Bateau ivre » ne serait qu’une grossière mais efficace plaisanterie de Rimbaud. Au plus ces vers ne seraient que des banales élucubrations, des divagations égocentriques, des masturbations d’un auteur en mal de mal-être. Il était à la mode à l’époque de Rimbaud de jouer les poètes maudits et incompris, à la pensée éthérée, hermétique (en un autre temps pas si éloigné de Rimbaud, il était de bon ton pour les marquises et les dames du monde d’avoir des "vapeurs "). Le « Bateau ivre » n’est que le Veau d’Or de la poésie : une incommensurable hérésie.

Le triomphe de la vérité est parfois au prix de quelque apparent sacrilège. J’ose lever le voile sur le « mystère Rimbaud », quitte à vous déplaire un instant en vous montrant le visage de hideur qui se dissimule sous une imposture longue de plus d’un siècle.

Raphaël Zacharie de Izarra

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- La légende Rimbaud en question -

A propos du "Bateau Ivre", remplacez donc les termes "criards" et "Peaux-Rouges" par n’importe quels autres termes un tant soit peu pittoresques, et vous obtiendrez les mêmes réactions admiratives et béates chez les lecteurs dénués de sens critique. Et les mêmes explications savantes des grands docteurs en littérature. La tête couverte d’un beau chapeau, le coeur léger et la plume lourde, Rimbaud pouvait tout à sa guise semer de glorieuses sornettes au vent de la Littérature : pourvu que son nom soit apposé au bas de ses oeuvres, elles feront toujours l’objet d’études universitaires prétentieuses et stériles. En ce domaine Rimbaud est promis un bel avenir, n’en doutons pas.

Raphaël Zacharie de Izarra

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- L’imposture de l’autorité -

Ceux qui parmi vous se laissent impressionner par les morts, par les magiciens ou par les poètes ne sont que des sots. Certes, j’admire et apprécie à leur exacte valeur les oeuvres de Hugo, de Chopin, de Bach... Cependant je ne m’aliène pas à ces auteurs. Les imposteurs sont partout, qui cherchent à se faire passer pour des petits dieux.

Les étoiles n’ont aucun droit sur ma destinée individuelle, pas plus que les vermisseaux. Ni les Einstein ni les Mozart n’ont à faire la loi chez moi : ils n’ont aucun privilège de plus que le premier venu. Le génie des autres ne leur confère nullement d’autorité sur ma personne. Les talents inédits de mes semblables ne m’ôtent pas le moindre droit d’être ce que je suis. Par exemple, ici je destitue la beauté pour faire triompher la laideur. Ailleurs je restaure cette beauté déchue pour vouer la laideur, hier tant admirée, à la géhenne : là est mon inaliénable et glorieuse liberté. Faites de même et comme moi raillez sans vergogne vos plus chers maîtres, et vous deviendrez des oiseaux d’envergure.

Je crache irrespectueusement sur la barbe de Homère, je tourne en dérision le couronnement des têtes pleines de majesté et je place sur le trône le dernier des mohicans, et puis je ridiculise encore les chanteurs d’opéra... Les imposteurs sans cesse tentent leurs viles séductions sur les foules. Les poètes sont des imposteurs, les artistes sont des imposteurs, les grands hommes sont des imposteurs, les camionneurs sont des imposteurs. Les imposteurs sont partout. Osez penser par vous-mêmes. Bâtissez vous-mêmes vos propres cathédrales et cessez de vous agenouiller devant ces statues de sel qui vous rendent infiniment ridicules.

Inventez vos étoiles, devenez votre unique référence ou fabriquez vos dieux. Mais cessez d’être obligés de vous sentir écrasés par le poids des statues nées avant vous... Soyez libres, apprenez à penser seuls, affranchissez-vous de l’autorité qui à vos yeux est la plus sacrée, volez de vos propre ailes.

Trop de blouses blanches, de peaux rouges, de légions d’honneur, de simples troufions, de grands mathématiciens, de couronnes posées, de têtes coupées, de verts académiciens et de prix inestimables abusent de leur pouvoir pour impressionner le naïf, l’idiot, le borgne. Les vierges salaces et les débauchées effarouchées, les soldats kaki et les soleils de plomb, les empires et les républiques, les ecclésiastiques et la carotène, les avocats marrons et les rouges pompons, tous sont des imposteurs qui veulent votre soumission à leur cause.

Il faut simplement le savoir et surtout leur montrer que l’on sait. Mais je sais bien que nul ne me croit parmi vous... Alors dormez bien tous, jolis petits pourceaux, tendres petits agneaux, dociles petits veaux que vous êtes.

Demain l’on vous égorgera.

Raphaël Zacharie de Izarra

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- Le mal de l’écrivain, encore un mythe -

Contrairement à tous ces auteurs écrasés par le poids de leur production et entretenant avec celle-ci des rapports quasi mystiques, le maniement de la plume ne sacralise nullement ma liberté, ne tourmente pas ma pensée, ne perturbe point mon sommeil. Les gens en proie à ces espèces de délires "rimbalesques" leur conférant une importance de cloche d’église sont de bien présomptueux poètes.

Une oeuvre écrite ne vaut pas plus qu’une oeuvre culinaire. Pour moi l’écriture n’est que de la cuisine pour l’esprit, plus ou moins fine, plus ou moins digeste, plus ou moins savoureuse. Mais certainement pas une divine sécrétion à placer sur quelque "foutaiseux" autel dédié à la Sainte Littérature, à l’opposé de ce que croient tous les malades imaginaires de la plume. Il n’y a pas plus de gloire à étaler de l’encre sur du papier qu’il n’y a de malédiction à être un poète incompris. Un poète incompris est un poète qui ne sait pas composer correctement. Ou qui a une écriture illisible. Rien de plus.

Le mal de l’écrivain n’est qu’une imposture. Une mode mondaine qui certes dure depuis quelques siècles, mais qui finira bien par passer un jour quand les fumistes cesseront de polluer le paysage littéraire. Une fois le livre écrit, lu, il peut avantageusement servir de cale pour les tables bancales. Volumineux, il peut encore servir de tabouret de fortune afin que l’écrivain trop las y pose dignement son séant.

Les vrais bons écrivains ont un rapport heureux à l’écriture. Ils ne ressentent aucun malaise de prestige à se consacrer à leur art. Ils font tout simplement de la bonne cuisine. Et les vrais gastronomes savent les reconnaître : ils se délectent entre eux, laissant à leurs divagations les mauvais cuisiniers dans leur cantine en compagnie des écoliers qui boivent sans broncher et avec une masochiste admiration à la coupe amère de la médiocrité.

Raphaël Zacharie de Izarra

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- Le passage du plombier : une affaire de muses -
J’aime la poésie et ses charmants mystères. La poésie, la vraie : tout ce qui n’est pas livresque, sophistiqué, littéraire. La poésie, l’authentique : tout ce qui est grossier, banal, prosaïque.

La poésie digne de ce nom n’est pas logée dans les étoiles ni dans le coeur des amants, mais tout simplement dans la fange du caniveau ou dans l’estafette du plombier, entre clé de 12 et tuyauteries. Les imbéciles l’imaginent siégeant dans les nues.

Chanter l’amour, béer à la Lune, quoi de plus ennuyeux ? Que de coeurs vulgaires sensibles à ces niaiseries ! Mais rêver au bord d’une rigole fangeuse, méditer à propos du passage du plombier... Quelle affaire ! Les âmes esthètes sont seules capables d’accéder à cette émotion.

La poésie est un oiseau rare qui ne se laisse pas mettre en cage.

Je fais partie de cette belle espèce capable de verser une larme au passage du plombier ou devant les écoulements nauséeux du trottoir.

Raphaël Zacharie de Izarra

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- Le vent de l’hermétisme -

(Réponse faite à un écrivain qui encensait Mallarmé.)

Vous semblez faire l’apologie de l’hermétisme dans l’art, applaudissant sans l’ombre d’un salutaire scepticisme la plume absconse de Mallarmé, comme si l’hermétisme était un gage infaillible de talent. Vous dites : "plus que jamais l’hermétisme mallarméen s’impose à nous..."

Vous faites là le plaidoyer d’une cause fumeuse !

Du sable et de la poudre aux yeux que cet hermétisme de bon aloi, trop systématique pour être honnête. L’hermétisme dans l’art est une illusion prétentieuse, un tour de passe-passe malhonnête pour entrer dans la cour des grands avec rien d’autre qu’un vide pompeux et solennel.

Comme beaucoup, vous n’avez jamais fait la différence chez les auteurs entre le véritable souffle créateur de l’esprit, et le simple vent.

Ce souffle sacré est en moi. Et je laisse la brise inoffensive agiter les cheveux fous de ces poètes mal chaussés qui se prennent pour des héros, pour des chevaliers de l’esprit parce qu’ils ont hué les bourgeois un jour dans leurs vers.

Le jour où vous chanterez les petits bourgeois provinciaux, les épiciers, les fonctionnaires et les comptables, le jour où vous raillerez les temples les plus sacrés de la poésie, ce jour-là vous serez un authentique poète.

A bas Rimbaud, vive mon plombier !

Raphaël Zacharie de Izarra

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- Rimbaud à l’examen -

(Critique argumentée de la présentation par Jacques Rivière et Verlaine des "ILLUMINATIONS" de RIMBAUD ou procès des exégètes rimbaldiens.)

Voici ce qu’un spécialiste de RIMBAUD a pondu sur ce plaisantin de Charleville, discours applicable à n’importe quel texte "charabiatisant" :

"Ces poèmes sont complètement dépourvus d’égards, c’est à dire qu’en aucun point ils ne s’inclinent, ils ne se dérangent vers nous. Aucun effort pour faire passer dans notre esprit les spectacles qu’ils recèlent ; ils sont écrits au mépris de toute sociabilité ; ils sont le contraire même de la conversation. On y sent quelque chose de fidèle à on ne sait quoi. Ce sont des témoins. Ils sont disposés comme des bornes qui auraient servi à quelque repérage astronomique. Il faut prendre le petit livre des Illuminations comme un carnet échappé de la poche d’un savant et qu’on trouverait plein de notations mystérieuses sur un ordre de phénomènes inconnus. Nous n’étions pas là. Nous passons par hasard. Nous ramassons ces reliques inestimables qui ne nous étaient pas destinées."
(Jacques Rivière)

Il suffit qu’un recueil de baragouinages soit signé "RIMBAUD" pour que d’éminents spécialistes se persuadent de sa très haute valeur littéraire. L’auto-suggestion fonctionne à merveille. N’ayant rien à dire sur le fond, ils rédigent d’élogieuses pirouettes contribuant à donner encore plus de lustre aux "pages immortelles" qui décidément, ne les inspirent pas plus que ça... Au vide rimbaldien ils répondent par le vide de l’exégète. Remarquons que l’auteur Jacques Rivière s’en sort ici assez grossièrement. Il ne dit rien, n’éclaire pas, ne sait rien lui-même sur le texte de Rimbaud. Il se contente de justifier les vers rimbaldiens par des phrases oiseuses qui en disent long sur son habileté à retourner les situations les plus improbables. Ou l’art d’interpréter un texte absurde pour en faire un phénomène littéraire... Admirons ce déploiement de vent au sujet de Rimbaud.

Verlaine quant à lui n’est pas plus inspiré, cautionnant la sottise de son ami en ces mots immortels :

Le mot Illuminations est anglais et veut dire gravures coloriées, - colored plates : c’est même le sous-titre que M. Rimbaud avait donné à son manuscrit. Comme on va voir, celui-ci se compose de courtes pièces, prose exquise ou vers délicieusement faux exprès. D’idée principale il n’y en a ou du moins nous n’y en trouvons pas. De la joie évidente d’être un grand poète, tels paysages féeriques, d’adorables vagues amours esquissées et la plus haute ambition (arrivée) de style : tel est le résumé que nous croyons pouvoir oser donner de l’ouvrage ci-après. Au lecteur d’admirer en détail.
(Verlaine)

On n’en saura pas plus. Verlaine nous demande de lire, d’admirer... Certes. Suivre ce sage conseil suffira-t-il pour emporter l’adhésion des beaux esprits ? Je rétorquerai à Monsieur Verlaine qu’il ne suffit pas de nous proposer d’admirer, encore faut-il que nous les recevions en plein coeur ces fameux mots rimbaldiens, et non pas que nous les adoptions sottement les yeux fermés, ébranlés que nous serions par tant de subtilités poétiques, insaisissables pour les non initiés... Comment un auteur comme Verlaine peut-il se fourvoyer à ce point, se ridiculiser de la sorte, s’exposer avec une telle légèreté au jugement des générations futures de plus en plus aptes à la critique ? Votre statut de grand poète ne vous garantit pas de vos propres âneries, Monsieur Verlaine !

Notons le trouble de Verlaine quand, prudent dans la sottise, il précise : "tel est le résumé que nous croyons pouvoir oser donner de l’ouvrage ci-après". Il se ménage tout de même une commode issue. On ne sait jamais, des fois qu’on se serait trompé sur ce prétendu génie nommé Rimbaud... Sot mais avisé, Verlaine !

Ces deux exemples pris au hasard suffiront-ils pour commencer à semer le doute chez mes détracteurs quant à la vanité des textes sibyllins du sieur Rimbaud ? La mauvaise foi il est vrai aveugle plus durablement les faux envoûtés amoureux des arabesques verbales de Rimbaud que la vérité qui, se révélant dans un seul éclair, éblouit les vrais initiés une seule seconde, ce qui a le don de leur redonner la vue pour la vie entière...

C’est que l’illumination, la vraie, est fugitive. Et la bêtise profonde comme les puits d’ignorance.