Interview : Arrabal

Interview : Arrabal

ARRABAL est un écrivain, homme de théâtre et cinéaste d’origine espagnole, né en 1932 à Melilla, et qui vit à Paris depuis 1955.
Son parcours artistique est si riche qu’il fait désormais partie de l’Histoire littéraire et il est fêté et reconnu dans le monde entier.
Une interview qui donne une idée juste de l’artiste bien loin des pitreries et des baffes d’Edouard Baer ou de sa défense très médiatisée de son ami l’écrivain Michel Houellebecq lors d’un célèbre procès.
Le Mague lui rend hommage aujourd’hui avec ces questions essentielles.
Arrabal est une des grandes mémoires du siècle passé et il est toujours diablement d’actualité.

Une grande partie de la critique internationale vous présente comme un écrivain transgressif ?

Mon théâtre déborde.

Il fait de moi un écrivain tsunami.

Transgresser, c’est aller au-delà.

Le mot renvoie à désobéissance et violation.

Comme dramaturge

je dévore

transgresse

désobéis et

viole.

Mon théâtre avale

la morale et

le consensus.

Mes pièces se gavent de règles.

Sans celles-ci pas de transgression.

Je ne la confonds pas avec l’agression :

C’est un devoir

d’écrire

et de manger

comme les cannibales.

Les anthropophages nont pas de cercueils,

ni les pygmées de petites cuillères

Marilyn Manson, votre acteur, est une sorte de double ?

Marilyn Manson est très intéressé par le mouvement panique.

Je n’ai pas de double.

Je joue à être Dieu,

(pas le diable)

et, parfois, je réussis.

Quelle est votre vertu préférée ?

La sainteté païenne.

Devant le génie je me découvre,

mais devant la bonté , je m’agenouille.

Dans La Pierre de la folie avez-vous un rapport d’amour avec la philosophie ?

La philosophie pataphysique des exceptions me passionne.

La pierre de la folie c’est de la poésie.

D’ailleurs André Breton, lorsqu’il l’a publiée, a prétendu qu’elle était une sorte de Spleen de Paris(de Baudelaire) contemporain ?

La folie, parlons-en :

La folie,

on ne peut en parler

que follement.

Talleyrand et Darien disaient : Je fais un sale métier, mais j’ai une excuse, je le fais salement.

Ecrire et publier,

c’est une folie.

Socrate.

Quels sont les maîtres à penser d’aujourd’hui ?

Aujourd’hui

on nous invite surtout à dépenser,

dans tous les sens du terme .

Beckett, à propos de l’imagination, a dit :

Imagination morte, imaginez !

Pensée moribonde.

pensez,

sans maîtres, comme le marteau.

Comment réagir aux cataclysmes et aux guerres ?

Dans un cataclysme,

il n’y a pas d’espoir

mais la fatalité.

S’agissant de guerres et de tsunamis

il faut essayer de repousser l’idée de fatalité pour agir.

Dans votre votre roman Porté disparu on sent entre les lignes une grande tendresse ?

Shakespeare

parle du lait de la tendresse humaine.
Tout poète se nourrit de ce lait-là.

Transgressiez-vous avec Dali ou Gala ?

Dali était plus cultivé qu’original.

On se méprend sur son extravagance.

Il voulait faire avec moi une oeuvre cybernétique.

Il s’intéressait beaucoup à la science.

il se montrait original dans le milieu artistique.

Avec Gala mes rapports ont été difficiles :

je voulais lui faire la cour

et j’ai demandé à Dali son autorisation,

comme dans l’amour courtois .

Lui a beaucoup aimé.

Elle a été très irritée.

Ce fut une transgression galactique.

Le théatre panique.

Le théâtre panique obéit

à la mémoire et à l’imagination.

Mais vous pouvez écrire du théâtre panique puisque , comme nous l’avons affirmé, tout le monde peut se dire panique.

Est-ce vrai que vous avez dansé une conférence en présence du roi d’Espagne ?

Dans une conférence j’expose

en m’exposant

un sujet qui n’a rien à voir avec ce à quoi je m’attendais moi-même.

Je la prépare comme l’ouverture d’une partie d’échecs.

Puis, inexorablement, j’improvise.

La conférence est souvent nocturne comme un rêve.

La conférence est une création quand elle a lieu devant un auditoire attentif et critique qui réagit comme l’adversaire d’une partie d’échecs.

sans lui rien ne serait possible.

Oui.

J’ai dansé une conférence devant le roi, à Madrid.

J’en ai chanté une autre dans une université lors du "Centenaire de Vélasquez".

Toute la vie du conférencier est-elle incluse dans ses conférences, comme toute la vie de l’écrivain l’est dans ses écrits les plus spontanés.

Quelles sont vos relations avec votre propre corps ?

Je peux avoir l’occiput dans l’estomac et le coeur dans les dents.

Par exemple dans ma pièce L’Architecte et l’Empereur d’Assyrie où celui-là mange celui-ci.

J’associe à mon théâtre

entre autres,

le nez pour le flair,

les amygdales du cerveau,

et mes poumons fragiles, mais nécessaires pour donner du souffle.

Comme on dit en espagnol, je n’écris pas "con los pies".

Arrabal sur le Net

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