Quand les naturismes, naturellement, s’exposent au Mucem de Marseille !

 Quand les naturismes, naturellement, s'exposent au Mucem de Marseille !

Durant 6 mois, le Mucem de Marseille accueille la première exposition consacrée aux différentes formes de naturismes au pluriel, depuis plus de 120 ans, en France et à l’étranger. La richesse des documents sur différents supports s’accorde harmonieusement avec les trois parties très renseignées de l’exposition : historique et sociale, la vie au sein de différentes communautés à partir des années 1920, jusqu’à l’aspect politique et actuel. Avec comme moteur à explosion, l’écologie politique, en vue d’un changement important de société pour vivre et s’épanouir en liberté et à égalité. Quel que soit son sexe et son orientation sexuelle, en accord avec la nature à nu sans la dénaturer. C’est une réussite parfaite ! Je recommande chaleureusement sa visite en famille ou entre ami.e.s, sans être nécessairement naturistes

J’aurai pu intituler cet article, naturismes : mode d’emploi, en référence littéraire à « La vie mode d’emploi » de Georges Pérec (1978). Comme si les différentes strates de l’histoire des naturismes évoquées lors de cette fabuleuse exposition s’élevaient entre les différents étages et interagissaient avec ses habitants tous différents. Elles et ils vivraient au sein d’un immeuble à ciel ouvert. Les plafonds de verre auraient explosé. Agrémentée d’œuvres picturales, ainsi que dans un roman, on tournerait les pages entre les rebondissements des corps nus en liberté et on larguerait les amarres. Bon voyage civilisationnel, je dirais même plus sensationnel !

Sur une valse à trois temps à la Jacques Brel, plane en franchissant les portes de l’exposition l’ombre d’Elisée Reclus, le géographe anarchiste. Celui-là même qui considérait les vêtements comme des linceuls nuisibles à la santé mentale et physique. Avec pour commencer un mur qui nous murmure des couvertures de revues.

Puis nous entrons dans le vif du sujet, la partie historique qui retrace les premières communautés en Germanie avec l’émergence du mouvement du Lebensform en nudité affirmée et en Suisse. Notamment l’expérience du début du siècle à Monte Verita initiée par des anarchistes puis suivie par des intellectuels, artistes, danseurs, plasticiens, déserteurs de la boucherie de 14 /18 et militants de tout poil. Dans un contexte médicalisé avec l’apparition des sanatoriums, cures de soleil, les menus sans produits carnés…

Sur l’air de « fidèle, je suis resté fidèle » du fou chantant, « La prière à la lumière » de Fidus te souhaite la bienvenue. A ne surtout pas confondre avec une ancienne marque de surgelé !

Dans le même temps de l’autre côté du Rhin, moult colonies anarchistes pointaient le bout du nez au sein des mouvements libertaires et naturistes où le végétarisme voire le végétalisme ne végétaient pas dans les têtes. Entre autres chez les naturiens. En résonnance directe avec leurs actes d’émancipation, ils fustigeaient déjà les dangers de l’expansion de l’ère capitaliste et l’industrialisation sur l’environnement. Ils étaient en quelque sorte les précurseurs de l’écologie politique de nos zads.

Forcément, en déambulant entre les travées, on tombe bien vite sur un panneau qui donne une définition du naturisme. En sachant que selon les époques, elle évolue. Celle de 1974 émise par la FFN (fédération française de naturisme) commence à dater et ne plus correspondre aux enjeux de sauvegarde de la planète pourtant très présents chez les mouvements de jeunes engagés.

Je lui préfère celle de 1949 de la toute naissante revue la Vie au Soleil, que je livre à votre esprit critique. A vous de choisir celle qui correspondrait le plus à notre époque de désastre naturel et politique.
« Pour nous le naturisme est l’ensemble des préceptes qui orientent l’homme vers une vie naturelle. Comme corolaire, nous ajouterons que c’est une réaction contre les excès de mode d’existence devenus trop artificiels, et, comme principe fondamental ; chaque fois que l’homme enfreint les lois de la nature, celle-ci se retourne contre lui tôt ou tard. C’est là, la cause de la plupart des maux dont nous souffrons, dans tous les domaines, individuel et social et sur tous les plans : physique, mental, moral ».
Petit rappel qui laisse pantois concernant la FFN de nos jours, totalement absente du débat démocratique et écologique. Elle ronfle sur ses acquis et ignore son histoire.
Petit rappel bis à la mémoire, lors de la campagne présidentielle de 1974, la Vie au Soleil, organe de la FFN créée par Albert Lecocq, homme éclairé humaniste et franc-maçon, apportait sa pierre à l’édifice et à la candidature de René Dumont. C’est aussi lui, qui, avec sa compagne ouvrit les arcanes du naturisme plus social, dans le jus du Front Populaire de 1936, jusqu’alors réservé à une élite friquée.

Avec actuellement, les fonds de pension qui rachètent les grands centres naturistes pour les transformer en lieux de villégiature des bobos des villes. Quitte à raser des quartiers entiers comme au CHM de Monta par exemple et remplacer les caravanes vétustes par des mobil-homes avec jacuzzi et leurs palissades policées. Dans la plus complète indifférence de la FFN, complice par son silence qui cultive son mutisme. Tout comme d’ailleurs son apolitisme crasse à sa vautrer dans l’hédonisme familial. Aucune voix en son nom s’est élevée pour voter Front Populaire en 2024, dans le but de la sauvegarde de la République laïque et nos libertés.

C’est le plus naturellement du monde que l’exposition nous entraine ensuite chez les communautés naturistes qui se développent entre les années 1920 et 1950.
Avec comme figures incontournables le Sparta Club, le CHM de Monta et le grand écart, jusqu’au Cap d’Agde que je surnomme le Cap Drague. Pour ses dérives échangistes sur l’air de « fais-moi mal Johnny  » de Boris Vian qui n’ont plus rien à voir avec le naturisme. Mais aussi Physiopolis et Héliopolis. Cette dernière créée par les frères Durville sur l’Île du Levant. Avec encore les clubs du soleil dans la verve populaire de leur père créateur : Albert Lecocq.

Retour au présent de l’action militante, pour cette dernière partie de l’exposition qui se consacre au naturisme politique actuel. Avec les Femen et les luttes acharnées pour la dépénalisation de la nudité dans l’espace public, orchestrées par les manifs tout nu et à vélo, joyeuses et festives. «  Il s’agit de nous mobiliser contre le réchauffement climatique, la sixième extinction de masse du vivant et pour la paix dans le monde. (…) Elle s’inscrit dans le volet écologique et social de notre mouvement, mais elle n’est pas réservée qu’aux naturistes. Tout le monde peut y participer » (selon Jeff, président de la confédération Le Mouvement naturiste (LMN) in Paradis naturiste, le catalogue, p. 209)
Ces manifs ont lieux quand les souliers à clous ne les interdisent pas !

L’information a circulé. Le service de presse du Mucem n’a pas chômé, de telle sorte que différents médias ont répondu à ses appels. Les premiers papiers sont élogieux et mérités.


Bernard Andrieu en grande conversation

Avec plus de deux millions de pratiquant.e.s naturistes internationaux, Marseille capitale du soleil méritait d’exposer l’histoire plurielle des naturismes.
L’exposition a ouvert ses portes le mardi 2 juillet à 16 h. J’y étais ainsi qu’une bonne cinquantaine de personnes. J’y ai croisé ravie Jeff, le président de la valeureuse courageuse et militante association du Mouvement naturiste. Il était accompagné de son fidèle ami Hubert présent lui aussi à toutes les manifestations à nu et en vélo dans l’hexagones ainsi que lors des festivals naturistes.
A partir de 17 heures et toutes les heures jusqu’à la fermeture, les commissaires de l’exposition se sont relayé.e.s pour narrer cette belle aventure.
Amélie Lavin conservatrice en chef du Mucem a remercié les préteurs de 486 objets, l’agence Trafik pour la scénographie, les équipes de montage de l’exposition, les associations naturistes qui ont bien voulu livrer leurs archives. Soit en tout trois années de travail acharné pour ouvrir les arcanes des naturismes au regard des profanes et des convaincus. David Lorenté a adressé à son tour les remerciements envers les archivistes, les collectionneurs qui ont permis de revivre plus de 120 ans d’histoire des naturismes. Ensuite, Bernard Andrieu a enchainé les remerciements et évoqué les débuts de la nudité intégrale ou nu en plein air, avec l’émergence des mouvements végétariens et la conscience écologique qui en découle, posant des questions de choix de société. Avec cependant forcément quelques disputes à la clé. Dès les années 30, toujours par le végétarisme et le souhait d’une vie plus saine, la libération de la terre est passée par la libération des corps, en particulier celui des femmes au sein de communautés. Nous sommes à Marseille, ne l’oublions pas, et c’est tout naturellement que le nom du Corbusier a été évoqué, dont une cité domine toute proche le Mucem dans le partage d’un patrimoine collectif. Désormais il était possible de vivre en commun sa nudité, en respectant l’intégrité de chacun. Ce qui ouvrait socialement des perspectives. Où la dimension philosophique et esthétique, dans les choix de vie qu’il faut œuvrer pour la planète, entrait désormais en ligne de compte. Cette tempérance artistique est d’ailleurs très présente dans l’exposition et voulue, à travers entre autres les revues, tableaux, images, livres, vidéos, extraits de films et l’éclairage.

Il m’a confié que ça avait été un travail éreintant et passionnant pour rendre l’espace ouvert et aéré, sans que le public ne se marche sur les pieds. Puisque, contrairement à d’autres musées, qui se composent de plusieurs pièces. Ce n’est pas le cas. Ici c’est une pièce fermée de 500 m2 qui doit accueille cette rétrospective.
J’avoue qu’au départ j’ai été étonnée, voire même perplexe, peu habituée à cette formulation d’installation. Même si finalement en déambulant, j’ai accepté le pari un peu fou du Mucem, dans sa présentation qui s’accorde parfaitement à son sujet. Cette exposition représente une réussite absolue à mes yeux exercés.
Bon, assez causé. C’est à vous de vous y rendre dès à présent.
Le Bartos a eu la gentillesse de m’y emmener et parcourir 750 km depuis le Médoc. Tu parles d’une sinécure, je n’en ai cure, Charles.


La belle équipe de l’expostion

Toujours est-il, j’en suis ressortie ragaillardie et enthousiaste. Je remercie toute l’équipe autour de Bernard Andrieu pour ses trois ans de travail, qui ont abouti à cette exposition unique et à aucune autre pareille. Je la recommande à tout le monde sans exception.

« Paradis naturistes » au Mucem de Marseille jusqu’au 9 décembre

A suivre le catalogue de l’exposition « Paradis naturistes »

La librairie du Mucem dispose du catalogue de l’exposition, ainsi que de tous les ouvrages qui traitent du naturisme.
Et bientôt je l’espère, les "Nouvelles naturistes" au nombre de 14 du Bartos qui complèteront la liste, en vente également directement dans toutes les librairies.