Sitting Bull d’Ousmane Sow à La Courneuve

Sitting Bull d'Ousmane Sow à La Courneuve

Il est toujours bon de se souvenir de d’ où l’ on vient, de savoir qui l on est, de réaliser ce qui nous a animé pour en arriver là et d’aller au bout de nos rêves et de nos convictions.
Ousmane Sow a quitté à l’âge de 16 ans son Senegal natal encore teinté du colonialisme français pour tenter sa chance à Paris, tout comme mon père au même moment avait quitté les bidonvilles de Mayenne avec le même espoir ; l’un comme l’autre installèrent d’ailleurs leur cabinet respectif en Seine Saint Denis, terre d accueil de tous les migrants.

Ousmane Sow malgré sa sensibilité artistique obtint son diplôme de Kinésithérapeute et exerça ce métier dans ce département durant une grande partie de sa vie. Ce contact quotidien avec la chair, le besoin d’accéder enfin à ses aspirations profondes, le décida à près de cinquante ans de se consacrer exclusivement à la sculpture inventant par la même une nouvelle alchimie de matière. Il va ainsi revisiter sans relâche, grandeur nature, les ethnies composants l’ossature de son Afrique natale. Le résultat fut édifiant en quelques années et quelques expositions confidentielles il accéda au plus hautes manifestations institutionnelles de l’art contemporain, la Dokumenta de Kassel puis la prestigieuse Biennale de Venise. Des lors fort de son ambition de dépasser le simple statut d’artiste africain et de développer une œuvre universelle destinée au plus grand nombre, il imposa la présentation en accès libre de ses œuvres dans le domaine public. Vinrent les premières exposition à Toulouse, à Lyon couronnées d’un grand succès populaire jusqu à ce projet fou d exposer sur le pont des arts à Paris , passerelle emblématique entre deux rives. On sait avec quel succès il atteint cet objectif, plus de 5 millions de visiteurs l équivalent d une exposition Van Gogh ou da Vinci . Pour cette occasion il décida de montrer l intégralité de sa série africaine mais de la confronter à une série manifeste, l évocation de la bataille de Little Big Horn dernière victoire de la communauté indienne sur ses colonisateurs, charnier épouvantable, ultime action d’éclat d’un peuple outragé .
Ousmane choisi sans doute ce thème, dont il réserva la primeur à Dakar puis à l’ île de Gore, au triste passé, sans doute en référence aux petits films de cow-boys et d’indiens vus durant son enfance grâce au cinéma ambulant et dont il demandera une projection lors de son entrée sous la coupole. Mais je crois surtout que cela symbolisait pour lui la résistance d’un peuple à son envahisseur et l’horreur de la guerre sous toute ses formes. Son Sitting Bull en prière qui questionne, lucide, investi, en un dernier espoir les astres, faisait d ailleurs la jonction sur le pont des arts entre les deux séries présentées .
Si j’ai choisi en accord avec son propriétaire et sa fille Marina Sow qui œuvre magnifiquement pour réaliser le projet de son père d ouvrir un grand musée dédié à la fois à son œuvre mais également à l’art contemporain sur la petite côte sénégalaise, c est qu’Ousmane aurait souhaité que ce bronze soit prioritairement montre dans un cadre populaire, ouvert à tous, dans ce département ou à deux reprises par le passé il avait accepté de montrer ses bronzes dans des conditions similaires .

Je veux aussi aujourd’hui appeler solennellement ce département à suivre les villes de Toulouse, d’Angers, de Washington, de Besançon , de La Rochelle , de Genève, de Paris …et d accueillir enfin sur ce territoire qui lui était cher, dont la première richesse est la diversité et la mixité de sa population et des cultures qui la composent, une œuvre de celui qui est l’un des plus grands sculpteurs de sa génération et un modèle de réussite.

Ousmane Sow n aimait pas beaucoup les honneurs et les hommages, je me souviens de son grand sourire emprunt de gène et de fierté dans ses habits d académicien ; il refusait catégoriquement de participer à des expositions exclusivement consacrées à l’art africain, voilà pourquoi nous avons décidé d’inviter aujourd’hui avec la galerie les sens de l’art des artistes du département et de ma galerie à réfléchir sur le thème du Sitting Bull ; au devoir de mémoire, d’introspection, et de résistance dont il est porteur et de l accompagner de manière symbolique lors cette exposition ; qu’ils en soient toutes et tous remerciés.

Je souhaite également remercier Mr Fode Sylla parrain de l exposition, ambassadeur itinérant du Sénégal qui par le passé a tant fait lui aussi pour les quartiers et qui oeuvre aujourd’hui pour le rayonnement de la culture sénégalaise dans le monde, Mr Anthony Russel initiateur et directeur de cette rare galerie associative qui dans la grande tradition des maisons de la culture de Malraux propose depuis près de vingt ans une programmation de qualité destinée à tous les publics de cette ville de La Courneuve, ainsi que Mr Stéphane Troussel président du conseil départemental de Seine Saint Denis qui de par sa présence aujourd’hui donne un écho considérable à cette manifestation.

Enfin j’ai une pensée particulière pour l’ami et compagnon d’arme, Guillaume Sarrazin avec qui j’ai vécu mes plus belles aventures autour du travail d’Ousmane Sow, Art Paris, Fête de l’Humanité, Bobigny… et qui a toujours été d’un soutien total quand la promotion du travail de cet artiste hors norme l’exigeait, et pour les regrettés Alain Strub, admirateur de la première heure avec son épouse Eliane du travail d’Ousmane et avec qui nous rendrons possible l exposition de Tours qui prendra la suite du pont des arts, et Patrice Roger qui sut accompagner avec conviction, bienveillance et une indéfectible fidélité une grande partie de la logistique engagée auprès de cet artiste.

Frédéric Roulette