OUSMANE SOW A LA COURNEUVE (Galerie les sens de l’art)
Du 3 février au 1er mars, la galerie Les sens de l’art de La Courneuve présente une œuvre monumentale du sculpteur Ousmane Sow. Un bronze qui culmine à 2,50 m et sort tout droit des fonderies de Coubertin. Interview du galeriste Frédéric Roulette.
Qui est Ousmane Sow ?
Ousmane a travaillé en Seine-Saint-Denis en tant que kinésithérapeute. Il avait un cabinet à Bagnolet et à Montreuil. Mais il avait depuis très longtemps envie de faire de la sculpture. Ce qu’il y a d’extraordinaire dans son parcours, c’est qu’en 2-3 ans de temps, il a fait la Documenta Kassel, la Biennale de Venise. Enfin, il a un parcours complètement fulgurant.
Quand l’avez-vous rencontré pour la première fois ?
Ousmane, c’est une rencontre. En 1999, on sort du Pont des Arts qui a accueilli plus de trois millions de visiteurs. Ousmane est très sollicité. On collabore sur plusieurs projets. On fait Tours en 1999 avec 500.000 visiteurs (Ndr 65 sculptures installées pendant six semaines sur le boulevard Heurteloup). Mais surtout, je l’amène à la fête de l’Huma en 2004 dans une exposition qui s’appelait
l’humanité, c’est original. Et puis, on accompagne la Fondation Luc Besson sur une série d’expositions en banlieue, Luc était, un des premiers collectionneurs d’Ousmane. Donc on montre les bronzes à Bobigny en 2006. C’était je me souviens un grand terre-plein où était monté un écran géant pour y passer un film de la sélection de Cannes, près de la préfecture.
C’est sur le trottoir, devant la galerie (et pas dans la galerie) que va être explosé ce bronze. Pour quelles raisons ?
Pour ses grandes pièces, il était hors de question qu’elles soient exposées en galerie. C’était Ousmane, c’était comme ça. Il voulait qu’elles prennent placent dans un espace de vie. Ousmane aurait adoré qu’elle soit là, juste en face des cités, entre l’hôtel de ville et la Poste, dans un lieu quand même assez important sur La Courneuve.
Pourquoi est-ce un événement assez exceptionnel ?
Parce que le bronze a été fondu en 2001 et n’est jamais sorti jusqu’à présent des fonderies de Coubertin. Il a été acquis par un collectionneur privé. Ce sera donc sa première exposition publique. Tony (Ndr Anthony Russel, le galeriste
Les sens de l’art) et moi, nous tenions que cela ait lieu en Seine-Saint-Denis. Plutôt que le sortir dans les beaux quartiers, on a décidé de le montrer, là, voilà. Vingt ans après avoir montré Le lanceur zoulou dans le parc de La Courneuve à la fête de l’Huma.
Vous qui êtes galeriste dans le 8ème arrondissement, pourquoi venir à La Courneuve ?
Je ne suis jamais resté dans les murs de ma galerie. Entre 1987 et 1996, j’avais une galerie dans le Marais où j’ai toujours mené un travail hors les murs. Montrer ici cette sculpture qui avait fait la Une du Herald Tribune est une volonté politique à la fois d’Anthony et de moi.
Il s’agit du bronze de Sitting Bull en prière issu de la série Little Big Horn.
En ce moment, toute la série Little Big Horn est montrée au Queyras C’est une expo sublime, la série est exposée là-bas en Provence. Elles ont d’ailleurs eu un succès fou. L’original de Sitting Bull est là-bas. Malgré les apparences de terre, ses originaux étaient essentiellement constitués d’agrégats divers dont certains issus de matériaux de récupération, assemblés en une alchimie
complexe.... Il y a à ce sujet un très bon documentaire de Béatrice Soulé qui a suivi la réalisation de Little Big Horn.
Ousmane Sow est mort à Dakar à l’âge de 81 ans, après avoir été kinésithérapeute à Bagnolet, et Montreuil, membre de l’Académie française des Beaux-Arts et fait la Une du Herald Tribune. Est-il reconnu à sa juste valeur, selon vous, aujourd’hui ?
Il était surnommé le Rodin Noir. Une de ses bronzes est aujourd’hui présent au siège du Comité olympique, en Suisse. Ses 2 Lutteurs, sont exposés à l’entrée des collections du musée d’Orsay mais c’est pour célébrer les Jeux Olympiques, pas pour lui.
Pinault a acquis Le grand tribunal zoulou. Vous l’avez vu à la bourse du commerce ? Bon, alors qu’il serait merveilleux dans le grand cœur. Pinault l’a acheté en investissement, mais il n’a jamais défendu le travail d’Ousmane.
Juste après le pont des Arts, il accepte de faire l’inauguration d’Art Paris, mais refuse d’être présent à la Fiac. Il refuse l’exclusivité avec la galerie Marlborough, avec JGM avec tous les gros marchands. Cela lui était égal de se faire blacklister.
Voilà, c’était Ousmane, c’était un homme libre. Il n’a d’ailleurs pas sur le marché aujourd’hui la place qu’il devrait avoir.
Interview réalisée par Isabelle Lopez Journaliste