Demetra Felina Katz, interview d’une femme trans épanouie

Demetra Felina Katz, interview d'une femme trans épanouie

Je suis ami sur Facebook depuis de nombreuses années avec une personne qui au départ avait un prénom masculin et se genrait au masculin, et puis un jour elle a fait son coming out trans. Après un premier entretien très fort et sincère, j’ai voulu prendre des nouvelles de mon amie qui désormais se fait appeler "Demetra Felina Katz". Dans une époque où l’homophobie fait malheureusement encore rage, il est bon de faire ce type d’interviews qui sont au coeur d’une problématique sociétale importante. Cela participe à l’ouverture d’esprit et à la tolérance. La parole à est Demetra. Merci à elle pour sa confiance et sa sincérité.

Bonjour Demetra Felina Katz, il y a quelques années nous avons eu ici un entretien où tu nous parlais de ton coming out. Peux-tu nous rappeler ton parcours ?

Je suis née en 1991, dans un corps masculin. C’est après des années de mal-être que j’ai décidé de faire ma transition pour être enfin une femme et d’entamer ce fameux parcours. Pour la précision, je ne suis pas du tout un homme qui ait décidé de devenir une femme, mais bien une femme, qui est malencontreusement née dans un corps d’homme, c’est ce qui fait toute la différence. Car même si je suis venue au monde avec, ce que j’appelle, une erreur de la nature située à mon entre jambes, mon état, mon esprit, mon être, ma personnalité, mon âme, mes ressentis... je les ai toujours considérés comme ceux d’une femme. Car chez moi la féminité a toujours été plus apparente que le sexe auquel ont pensait m’avoir attribué. Sur les photos, j’ai toujours vu une fille, à l’école, on disait que je ressemblais à une fille, en cours élémentaire, mes amis m’appelaient souvent par "copine", je m’habillais en fille, par pour rigoler, mais parce que je voulais me trouver moi... On n’est jamais mieux servi que par soi-même pour savoir qui on est vraiment, car ce n’est pas aux autres de nous juger, encore moins de nous genrer, comme cela arrive encore de nos jours. Comme le disait Simone de Beauvoir : "On ne nait pas homme/femme, on le devient. »

2. Beaucoup de choses se sont passées dans ta vie de femme transgenre….

Oui, il est assez rare que la vie d’une femme trans ne subisse aucune embûche, nous sommes souvent confrontées aux aléas de la vie, de ce que pensent les gens, et la société en elle-même, société qui nous force à rentrer en rang, à être comme tout le monde, de ne pas trop sortir du lot, faire semblant quand il le faut... Alors que non, c’est faux ! Il faut être vrai avec soi même, ne pas mentir, ne pas se cacher, même si au début on a des craintes. L’important c’est d’apprendre à se connaître, prendre soin de soi, prendre soin de ce qu’on veut réaliser, ce qu’on veut vivre, même si ça sort totalement de la marge. S’écouter. Et surtout, surtout, ignorer tout ceux qui ne sont pas d’accord si l’on souhaite avancer, en ne leur donnant aucun crédit. Oui, j’ai été confrontée à de l’homophobie et de la transphobie dans tous les sens du terme, ça ne m’a pas empêchée d’aller de l’avant, bien au contraire, il faut se battre, il faut rester forte pour montrer ce que l’on vaut.

3. À te voir sur les réseaux tu sembles si heureuse et épanouie pourtant le parcours a été compliqué comme dans toutes les transitions mais ça valait le coup dirait-on ?

Le parcours fut surtout compliqué sur le plan psychologique. Par exemple, pour me libérer de tout le poids que j’avais pris dans mes dernières années avant coming-out, (tout un poids de douleurs, de souffrances, de mal-être) j’ai réussi à perdre pas loin de 20kg en quelques mois, et ce, juste par le biais du mental Je suis passée de 73kg à 55kg. Tout un travail donc, sans avoir eu recours aux activités physiques. J’ai ainsi subi ma diminution de la masse musculaire et de la testostérone grâce aux effets du traitement, j’ai eu mes premières douleurs apparentes à la poitrine, beaucoup de changements qui m’ont amené vers l’harmonie et le bien-être. Je dirais que le traitement hormonal, c’est un peu comme le reflet d’une seconde adolescence, on se sent de plus en plus rajeunir, on revit, on sort de sa chrysalide telle la chenille devenue papillon ! Après, concernant ma transition, il faut savoir prendre son mal en patience, se dire que l’on obtient pas l’apparence de ses rêves du jour au lendemain, et que le combat va être rude, aussi bien médicalement parlant avec tous les docteurs, psychologues, et endocrinologues que j’ai été voir, il faut savoir passer par tout, même en tombant sur des spécialites peut conventionnels. C’est pour cela que même dans des moments difficiles, je m’affiche cependant heureuse et épanouie, car le sourire a toujours été ce que je définis comme étant le plus beau maquillage qu’une femme puisse porter. C’est aussi la marque d’être une fière combattante !

4. Quels sont ses conseils pour les gens qui ont un souci avec le genre de naissance et se sentent dans le mauvais corps ?

En tout premier lieu, il faut déjà réussir à savoir s’accepter. En second lieu, il est préférable d’en parler au minimum avec la personne concernée. Il faut ainsi réussir à accompagner la personne sans l’influencer afin de la laisser s’affirmer, sans que celle-ci ne soit seule ; il n’est en revanche pas recommandé de voir un spécialiste de la santé mentale pour le besoin, d’autant que dans le cadre de la transidentité, c’est aujourd’hui devenu inutile puisque l’attestation de dysphorie de genre ou d’incongruence n’est plus autorisée depuis Janvier 2022. En troisième lieu, en tout cas dans le cadre de ceux qui se sentent femmes, et ma connaissance de cause, faire appel potentiellement à une professionelle du make-up pour faire une belle transformation féminine, ne fut-ce qu’une journée, et là cela peut s’avérer très révélateur de ce qu’il souhaite être vraiment, soit rester travesti ou entamer une transition. Et enfin, ne surtout pas hésiter à leur dire : "Soyez fiers de l’homme ou de la femme que vous êtes car personne ne pourra le faire pour vous. »

5. Comment se passe ta vie amicale et affective ?

Ma vie amicale est surtout très présente sur le plan virtuel via les réseaux sociaux. Il faut dire aussi que là où je réside, il m’est malheureusement plus difficile de me faire des amis, heureusement, il y a mes parents. Et même si l’on perd souvent plusieurs liens avec les années, les vrais restent et me soutiennent jusqu’au bout. Il va sans dire qu’au-delà de mon genre, je reste la même personne avec les mêmes traits de personnalité, manies, intérêts, amitiés, passions et positions. Si certaines personnes ne voient pas les choses sous cet angle, et vont s’imaginer pleins de choses, je sais qu’elles ne méritent pas de faire partie de mon cercle d’ami.e.s., et qu’il s’agit avant tout d’être bien entouré par des gens de confiance ayant de réels sentiments.

6. Comment vois-tu ton avenir ?

C’est pour moi assez difficile d’y répondre. En tant que personne très touchée par l’hypersensibilité, penser à l’avenir ne fait pas vraiment partie de mes vertus. J’essaie de me détacher de l’anticipation, de trop penser au futur, de vouloir contrôler le déroulement de la vie. Et par conséquent, apprendre à apprécier ce qui est, ne pas me préoccuper de ce qui était et ce qui sera, être en paix avec le passé, pour moi, le plus important est de penser avant tout à l’instant présent. Mais avec le temps, je me dis que ça viendra….

7. Je te laisse ma chère le mot de la fin !!

En message de fin... je dirais que le plus important est que nous devons d’abord et avant tout nous soutenir les un.e.s les autres pour que nous puissions continuer à lutter dans cette société, et ne pas se laisser écrasés par la discrimination et l’intolérance. Et que les gens, hommes, femmes, de tout âge, n’aient pas peur de s’affirmer sur la manière dont ils se sentent réellement au fond d’eux-même, il faut parler, oser dire les choses, et ne pas vivre caché dans le silence et la douleur. Et là, nous aurons franchi un grand pas.