Une łunę de sang dans un ciel de cendre, de Louise Caron avec Tony Mastropietro

Une łunę de sang dans un ciel de cendre, de Louise Caron avec Tony Mastropietro

C’est une pièce rare à l’écriture ciselée, brillante, émouvante, prenante dans un décor blanc en forme d’écrin magnifique. Parfait contraste, ce blanc et ce noir font sens, ils s’inscriront dans nos consciences de manière indélébile. Tony Mastropietro trouve ici une oeuvre qui, certainement, sera une grande étape dans sa vie d’artiste.

Nous sommes dans une buanderie jonchée de dizaines et de dizaines de draps et l’on assiste à un drame, la chute d’un homme qui avait tout : le travail, l’argent, la femme, le succès et la respectabilité sociale. Un homme qui, petit à petit, sombre dans la précarité jusqu’à dormir dans sa voiture, et devenir escort, un boy de luxe.
Étienne Ferrari, bel homme cinquantenaire aux cheveux poivre-et-sel, se présente à nous avec un tee-shirt blanc sans manche et un bas clair. Il nous raconte sa déchéance sans faux semblants, lui, fils d’immigrés italiens, entre deux cultures. Il est amoureux d’Irina, il réussit pour elle et pour faire la fierté de ses parents, puis un jour tout s’effondre et c’est la descente aux enfers.

Quelle belle pièce, quelle mise en scène incroyablement inventive qui, au travers de savants jeux de draps, nous entraîne au cœur d’un monde intemporel, dans un décor théâtral digne des meilleures tragédies grecques ! Que c’est beau un play-boy, un séducteur, un business man qui fend l’armure et nous conte avec vérité(s) et émotions les détails les plus intimes de sa perte, de sa disparition sociale !

Quelle est la réalité, la fiction, la part de mensonge et d’extrapolation ou de mythomanie dans cette histoire racontée avec force, conviction et vulnérabilité ? Nous l’ignorons et qu’importe : cette histoire nous parle, nous émeut, nous renvoie à nous-mêmes, à la Nature humaine la plus profonde et juste, voire cruelle ? Quel comédien, quelle voix, quel charisme et quel moment unique. Tony est corps et âme dévoué au texte et à son essence pure.

Cette confession intime, qui finira forcément dans les cendres comme le titre de la pièce l’indique, est une oeuvre marquante, à la fois jubilatoire, mystérieuse, référentielle, symbolique et nouvelle. Étienne Ferrari est un homme, mais il est tous les hommes avides d’amour, de réussite, de gloire et de reconnaissance au risque de tout perdre et de finir jugé, bafoué, humilié, amoindri : l’ombre de lui-même.

Étienne Ferrari est dans de beaux draps (métaphoriquement ?...) mais nous, spectateurs, passons un joli et grand moment de théâtre avec un comédien magique, qui au début incarne un personnage puis le devient au fur et à mesure de la pièce. Il n’y a plus de jointure entre l’homme et le comédien, on assiste à une vérité sublime qui touche au coeur, aux tripes, à l’âme. Bravo et merci Tony Mastropietro. À voir absolument à Avignon, cet été, et ailleurs.

Une łunę de sang dans un ciel de cendre, de Louise Caron avec Tony Mastropietro, mise en scène de Stephanie Slimani. Video/musique : Jean-Loup Faurat. Collaboration artistique : Magali Solignat.

Cet été à Avignon au Theatre de la Tache d’encre. 15 heures, 1 rue de la tarasque, 84000 Avignon. Relâche, les mardis. Réservation : 04 90 85 97 13