Au bout, la nuit, Pierre Hanot, Konfident noir

Au bout, la nuit, Pierre Hanot, Konfident noir

Cela fait plusieurs années que nous chroniquons, très régulièrement, les ouvrages de Pierre Hanot, cet artiste multifaces messin à la fois écrivain, musicien et chanteur. Force est de constater que son style grandit à chaque sortie de livre, l’écrivain prenant désormais l’avantage sur toutes ses autres activités et talents, tant son écriture nous semble avoir encore gagné en maitrise, en densité et en justesse.

Moins gouilleuse peut-être mais toujours aussi engagée, forte et historique.Dans ce nouvel ouvrage, on retrouve les obsessions d’Hanot, car tout écrivain qui se respecte est un obsessionnel ; ainsi on retrouve la prison, la justice et l’injustice, la délation, l’humanité, l’inhumanité, et sans doutes un regard altruiste qui se trouve toujours du côté du petit, de l’accusé, de l’exclu, du contraint, une vision du monde très politique et sociale dans le meilleur sens de ces termes. Nous sommes au coeur de la Littérature et dans sa plus pure expression.

Dans « Au bout, la nuit « nous sommes en 1945, à Toulouse et Paul est dans une cellule de 9 m2 et attend son procès, car c’est un collaborateur, un collabo comme on disait, et comme on dit encore lorsqu’on parle des agissements de certains dans cette époque tragique pendant laquelle les hommes et les femmes choisissaient de défendre leur pays ou de « se coucher » devant l’ennemi, ou faire ami/ami avec lui.

C’est ainsi qu’on peut lire les carnets de Paul lors de sa captivité. Ils commencent en juin. Pour son avocat, c’est couru d’avance, le jeune homme sera condamné et le baveux ne fait guère d’efforts pour son client, défendre l’indéfendable n’est pas chose facile, surtout que Paul n’est pas dans le déni. La mort de Paul est au bout du couloir dans la logique habituelle des tribunaux expéditifs de cette période.

Avec un beau sens de la mise en scène et un grande savoir faire assez savoureux dans les dialogues, Pierre Hanot nous faire vivre cette époque trouble en parfaite synchronie et diachronie, c’est à dire que l’on narre bien des faits qui se déroulent dans l’après-guerre mais avec une filigrane un regard distancier plus moderne qui pourrait bien nous donner quelques leçons de vie, de philosophie, surtout que les carnets de Paul continuent en 1973…

Tout se déroule comme dans un très bon long métrage d’auteur fort bien écrit, on est happé par cette histoire, on entre dans ce destin avec une grande facilité et on savoure les scènes avec une vraie jubilation. Hanot a une belle distance/proximité avec son sujet et son héros qui n’en n’est pas un, mais Hanot ne choisit pas Paul par hasard, il a plusieurs messages à nous faire passer…

L’éducation, la fidélité à la famille est au coeur de cette histoire, Paul agit par atavisme, il est le fruit de ce que ce qu’on lui a inculqué. Et tout ne va pas se passer comme prévu, ce qui devait être inéluctable prendra une forme différente, originale, pertinente, l’histoire n’est pas toujours simple, simpliste. Pierre Hanot offre un supplément d’âme, une possibilité d’espoir dans cette drôle de période de chasse aux sorcières, même s’il n’excuse rien ni personne.

L’écrivain offre une vérité unique qui a du sens, l’écrivain se met au service de l’Homme sans faux-semblants, il cherche les nuances là où peu de gens sont capables d’en voir.
C’est ce regard particulier, ce talent de conteur, de technicien de mot incroyablement doué et inspiré qui font le sel de ce roman qui raconte, avec réussite, une petite histoire de la grande histoire mais une petite histoire qui fait du bien à nos certitudes. Vous n’oublierez pas les secrets et mystères de ce voyage au bout de la nuit d’un nouveau genre. A lire absolument.

Au bout, la nuit, Pierre Hanot, Konfident noir