NOIR SUR BLANC, le roman de Christophe Narbonne (éditions Assyelle)

NOIR SUR BLANC, le roman de Christophe Narbonne (éditions Assyelle)

Je connais un peu le journaliste de Cinéma Christophe Narbonne (Christ Marx sur Facebook) et j’apprécie son talent de critique en la matière, alors, forcement, j’avais hâte de découvrir son premier roman, et je n’ai pas été déçu par ce voyage dans le temps, sorte de « Retour vers le futur » littéraire français en blanc et en noir(s).

Pour être honnête dans ma perception, ce livre ressemble davantage à une autobiographie ou à une auto-fiction qu’à un pur roman d’imagination(s) mais peu importe si Christophe (Narbonne) et Pascal sont des jumeaux dizygotes très très très ressemblants, cette oeuvre qui raconte avec truculence, sur une superbe rythme et avec une foultitude d’anecdotes et de références musico-cinématographiques s’avère être un petit bijou, un roman initiatique de haut vol, une merveille de charme, de drôleries et de vérités qui nous plonge dans les années 80.
Quand on lit ce « roman », faut bien l’avouer également même si on est dans une oeuvre littéraire remarquablement bien écrite, dense avec une vraie patte d’écrivain, on imagine de suite que ce livre pourrait être la base d’un scénario qui deviendrait un très bon film français, un film générationnel.

Années de l’espoir de la Gauche.

Etant un chouia plus jeune que l’auteur, j’ai pris un grand plaisir à revivre par la plume de Narbonne ces années marquantes que j’ai connues moi aussi et qui ont vu l’élection de François Mitterand, le triomphe de la Gauche, le sacre de Yannick Noah, l’apogée de la cassette audio et de la VHS, entre autres. Une période sans portables, ni selfie qui permettait de plus regarder la télé et d’écouter des disques.
Ces années-là on les aime et on les déteste à la fois et Narbonne le montre bien, car c’est une période foisonnante, assez heureuse, insouciante et légère (malgré la guerre froide) mais on était si mal habillés et on était tellement en proie avec cette putain d’adolescence, qu’au final on était tous plongé dans cette période difficile et chaotique de la construction de l’identité, avec tous les affres qui l’accompagne. Les meilleurs héros sont des anti-héros. Pascal a bien des points communs avec Spiderman, sauf que lui il est piqué par le virus de Kool & the gang.

Le monde selon Pascal.

Le Narrateur, Pascal en plein de dedans. Il est un jeune ado pusillanime et chétif qui aime le Funk et tout ce qui rapporte aux noirs. Pascal comme la chanson de Nougaro aurait aimé être noir, être noir pour lui c’est la coolitude, c’est être différent, c’est être artistique, c’est plaire aux filles et ça le sort de ses problèmes familiaux, cela lui permet de s’insérer mieux socialement. En étant le seul blanc d’une bande de noirs, il acquiert un statut social différent, une légitimité différente, un rapport au monde différent. Bref Pascal est en mutation, il rêve de métissage et est secrètement amoureux de la soeur de son meilleur ami Alex. Pascal est tiraillé entre sa libido et son rêve d’être noir, c’est à la fois triste, utopique, perdu d’avance et savoureux. Pascal met la barre très haut mais il a besoin de rêver pour oublier le quotidien, son contexte familial qui explose et son corps qui veut exulter.

Lui qui admire plus que tout Eddy Murphy et Carl Lewis prend pour modèles ces noirs charismatiques à qui tout réussi, il vit par procuration le fait d’être noir à l’intérieur. Un Bounty comme on dit, il vit aux rythmes des noirs, les imite, rêve d’être eux pour avoir leur force et leur talent. Il vit cette époque incroyable où « Michael Jackson rivalisait en popularité avec le pape Jean-Paul II.

Un roman d’enfance, nostalgique, personnel, intime mais jamais excluant car toujours dans le partage, est véritablement une réussite. On est pris dans cette narration simple mais intelligente, subtile, drôle, touchante et incroyablement humaine où cet anti-héros ne nous cache rien de ses ratages, de ses peurs, de ses invisibilités. Cette jeunesse d’un type faussement banal touche l’universel bien que particulièrement originale et lourde de sens quand on la compare avec la société actuelle qui n’a jamais autant stigmatisé la différence. Le plaisir est à tous les chapitres, on retrouve Samantha Fox qui, avec Sabrina ; a plus fait pour la découverte heureuse de l’émoi sexuel que n’importe quel manuel, ces femmes mériteraient des statues pour la postérité, d’être dans les livres d’histoire de l’éveil sexuel. Narbonne se balade avec beaucoup de réussite, comme on dit au tennis, dans le champ référentiel des années 80 et fait un tube, comme on dit dans la chanson. Narbonne fait jeu, set et Match dans une livre très complet et exigeant même si la forme est très facile d’accès.

Un livre culte ?

"Noir sur Blanc » est un roman totalement enthousiasmant quant par le fond que la forme. Si au départ la mise en page très compact du livre m’a gêné, j’ai vite était pris par l’écriture et le propos, je suis entré avec délectation dans la vie de Pascal dans lequel l’humanité des garçons ci-genres français devrait pouvoir se reconnaitre. Christophe Nabonne est un conteur, il a ce talent inouï du partage comme dans ses articles de cinema et on assiste sans voyeurisme à la construction identitaire particulière mais très interessante et pertinente de ce Pascal dans lequel on se reconnait tous même si on veut enjoliver nos passés respectifs. Narbonne lui dit sa/la vérité, avec une force tranquille comme la génération Mitterand, il donne en tous les cas de belles leçons de tolérance, invente le temps d’un roman, une fantastique machine à remonter le temps, on s’amuse, on pleure, on rit, il y a des méchants et des gentils et dans les moments difficiles, il y a l’art, la musique, le cinéma, le sport, le rêve américain à Paris qui sauve de tout et enjolive et sublime les vies qu’on croit banales. Les rêves en blanc et noirs de Narbonne sont bien précieux, surtout de nos jours. N’ayons pas peur des mots, y’a du culte dans ce livre.
A LIRE ABSOLUMENT. A PARTAGER AU PLUS GRAND NOMBRE.

Noir sur Blanc, Christophe Narbonne, Editions Assyelle, 143 pages. 14 euros.