4 heures avec Fernando ARRABAL !!

4 heures avec Fernando ARRABAL !!

Avant que notre fondateur bien aimé me fasse foi de son existence, Fernando Arrabal était pour moi un inconnu pure souche, un nom puceau au bataillon des artistes qui se disputent leur place dans ma mémoire immédiate. Seulement voilà, avec une liste de Noël digne de tous les enfants de la terre au rang des livres qu’il écrivît tout au long de ce siècle, le temps me paraissait plus qu’incertain pour découvrir entièrement l’œuvre de cette bête littéraire. Il ne me restait plus qu’à me nourrir sauvagement de quelques poèmes et attendre avec impatience la rencontre du monsieur, espagnol de son état, vous vous en serez douté.

Comment vous expliquer ce que l’on ressent en arrivant dans un appartement aussi chargé d’Histoire, où les œuvres d’art se battent au centimètre près, et qu’à ce premier émerveillement s’ajoute aussitôt un second en la qualité d’un petit homme drôlement vêtu à l’accent espagnol terriblement... espagnol ? Sous ses petites lunettes, l’excentrique me sourit et de la manière la plus divine, me salua. Bienvenue Senorita !

Du haut de mes 23 ans, en face d’un tel bonhomme qui avait vécu trois fois plus que moi, qui était complètement inconnu à mes yeux et pourtant si charismatique, j’étais stupéfaite. Je savais que ce moment, dans cet appartemment, si court ou long soit-il, serait incroyable. Le destin voulu que je me retrouve juste en face du monsieur, à table, un instant plus tard, un œil coincé entre une bouteille de vin aux chats, l’autre derrière l’une de ses bouteilles éponymes. Et lorsqu’Arrabal me lorgnait curieusement entre ces deux nectars, je me sentais déshabillée. Je me sentais devenir à l’intérieur de moi aussi rouge que ces deux vins. Que pouvait-il connaître de moi ?

Que pourrais-je savoir de lui ? Nous étions deux inconnus à une même table, au milieu d’une huitaine d’autres invités et le destin avait posé mon minois juste en face du sien. Je ne le connaissais pas quelques jours avant et voilà qu’il devenait à cet instant précis un mystère incroyable à mes yeux.

Qui avait-il rencontré dans sa vie ? Que détestait-il ? Pourquoi y avait-il une chaise de torture en bois en plein milieu de son salon dans laquelle (le pire !) j’avais terriblement envie de m’asseoir. D’où venait-elle ? Mais qui chérissait-il à part Luce ?

Les heures passaient et je me régalais des petites comptines que l’on nous récitait et des extraits du livre de Dali qu’Arrabal nous lisait. Et puis s’en vînrent les poèmes lus à haute voix, les mallettes remplies de trouvailles et de présents que le poète espagnol nous présentait, des œuvres incroyables et uniques à chaque fois. Moi qui n’aimait pas Michel Houellebecq, un poème lu par une convive (NDR : Laurence Imbert) me décida à faire un pas de plus vers cet écrivain qui ne m’avait pourtant jamais inspirée.

La quiétude, la poésie, quelques verres de vin, voilà de quoi furent faites ces quatre heures avec Fernando Arrabal. Délicieux.

Je quittais les lieux sachant que j’avais vécu un moment historique. Mais juste à moi. Probablement que, lorsque émerveillée, je dirai à mes amis qui j’ai rencontré cette après-midi-là, son nom résonnera encore une fois dans le vide intergalactique des cerveaux nourris aux noms de stars éphémères. Et pourtant, je savais que même dans ma solitude, vis à vis de cette rencontre, le souvenir de cette journée l’emporterait.

Les adieux furent brefs, le temps n’étant pas vraiment clément en ce mois de décembre. D’un pas pressé, je rentrais chez moi le nez dans mon écharpe, le sourire aux lèvres et la conviction au ventre que cette rencontre serait à tout jamais éternelle, qu’une photo m’attendait quelque part, de lui et moi, cristallisée pour le meilleur et pour le pire... et bien au-delà de ma vie littéraire.

FERNANDO ARRABAL SUR LE NET

Photographies : Frédéric Viniale

FERNANDO ARRABAL SUR LE NET

Photographies : Frédéric Viniale