Rencontre avec Victor le créateur de @Vikstreetart

Rencontre avec Victor le créateur de @Vikstreetart

Il s’appelle Victor mais son pseudo d’artiste c’est Paï, il vit à Belleville et depuis quelques temps il colle des oeuvres dans son quartier et à Paris où apparait de manière rituelle son petit personnage coloré, amoureux et ultra positif PEUT ETRE. Nous avons voulu en savoir plus sur cet artiste modeste, profond, humaniste et plein de poésie à l’image de son personnage, de son avateur qui fait le bonheur des murs de la Capitale...

1. Peux- tu te présenter pour celles et ceux qui ne te connaissent pas encore ?

J’ai consacré beaucoup de mon temps à travailler auprès d’enfants ; ils m’ont nourri de leur fraîcheur, de leur curiosité, de leur poésie naturelle et inconsciente, de leur faculté de s’étonner…
J’ai toujours par ailleurs plus ou moins griffonné… partout, tout le temps ! Mais jusqu’à il y a peu de temps (2 ans environ) je ne considérais pas que mes productions pouvaient être intéressantes…. Je ne les finissais jamais, et il ne me venait pas à l’esprit de les signer.
Maintenant, je dessine, je dessine, et je colle ce que je dessine… C’est devenu compulsif ! Je colle pour partager… J’avoue que j’aime bien le côté alternatif et « interdit » de ce genre de pratique… Je vois la rue comme un musée à ciel ouvert, ouvert à tous, gratuit, qui présente des œuvres spontanées, variées, sensibles et éphémères…. Comme la vie !
Je vois la rue aussi comme un lieu de rencontres extraordinaires ; le fait de coller crée du lien avec les gens…. Ils s’arrêtent, regardent, interrogent… échanges qui peuvent aller parfois jusqu’à l’invective, mais le plus souvent, on recueille de la chaleur, des encouragements ; dans tous les cas les échanges sont suscités ! C’est cela qui importe. Dans la rue j’ai rencontré plein de gens super ! Ces rencontres ont donné lieux à des amitiés, des envies de collaboration, des partages d’expériences !

2. Il y a deux ans suite à un drame personnel et alors que tu t’intéressais beaucoup au Street art et tu as commencé à proposer aux rues de Paris un personnage positif et plein d’amour que tu appelles « PEUT ETRE » peux tu nous en dire plus ?

Je cherche le personnage du petit peut être depuis longtemps… j ai commencé à l’ébaucher il y a des années, bien avant de me rendre compte combien le dessin est important pour moi…. C’est effectivement à la suite d’une expérience personnelle compliquée qu’il s’est imposé à moi sous la forme qu’il a aujourd’hui… j ai eu une sorte de déclic, son identité tout d’abord s’est composée, sa posture, sa forme, son visage, son costume se sont affinés très vite ensuite… c est en réalité ma famille qui m’a encouragé à le développer d’abord, puis le diffuser : fan de street art depuis plusieurs années, je chassais dans la rue, faisais des photos que je publiais sur instagram, sur un compte dédié au street art. Ma femme et mes fillettes m’ont beaucoup poussé à le partager largement et directement : à le coller dans la rue !
J’avais envie – besoin, de diffuser un message d’espoir… le monde tel qu’il est aujourd’hui pourrait n’offrir que peu de perspectives ; l’amour et l’humour pourraient être des solutions pour échapper à ce marasme ambiant.
Je l’ai nommé le petit « PEUT ETRE » pour exprimer que le doute est important… la certitude ne me semble pas conduire à la curiosité, au besoin de découvrir l’autre…. Pour exprimer justement que tant qu’on est ouvert et curieux de l’autre, tout peut « peut être » arriver … La certitude pose une forme de finitude, le doute et le questionnement poussent à grandir, éventuellement dans un univers où tout reste à construire.

3. Dans ce personnage il y a beaucoup d’humanité, de tendresse et un peu de Charlie Chaplin ?

Oui incontestablement ! Charlie Chaplin est une source pour moi. Charlot est un personnage décalé, maladroit… Imparfait, humain ! Sa poésie m’inspire beaucoup, son coté facétieux … autant de traits que j’essaie de partager à travers le dessin.
Mais il y a aussi du jacques Tati… François, Improbable facteur équilibriste, toujours pressé sur son vélo… poésie d’une posture, d’un engagement… D’un personnage loyal ! Et Mr Hulot bien sûr… différent, maladroit, « à côté », agaçant mais très charmant et drôle.
Et puis il y a Roméo et Juliette ! Personnages absolument romantiques en quête d’un amour impossible, pourtant confiants de le vivre un jour… ou prêts à tout en tous cas pour y parvenir !
Et Guido, le personnage du père dans « la vie est belle » de Benini : comment avec amour, humour et beaucoup d’imagination, on peut inventer, réinventer un monde violent, humanité cruelle et destructrice, terrible réalité, insupportable…
En fait, je pense que mon petit PEUT ETRE est le fruit de multiples influences, dont le lien pourrait être cette poésie qui guide vers mon personnage… mais aussi ce coté absurde, décalé, souvent naïf et drôle, parfois sombre, quand même. Et le danger qui guette chacun, aussi… Chaplin se met sans cesse dans des situations presque inextricables… Tout comme François, le facteur de Tati, il donne toujours une puissante impression d’instabilité, comme si il allait tomber à tout moment ! Cette extrême fragilité me fascine : elle exprime au mieux la condition humaine !

4. L’art c’est pour toi une catharsis qui permet de sublimer sa propre vie ?

L’art… un bien grand mot ! Ce qui compte surtout c’est le geste : s’exprimer et partager, communiquer.
Et si l’on s’exprime avec sincérité et générosité, on donne de nous-mêmes, on se livre… je trouve qu’exprimer systématiquement la noirceur ne permet pas – pour soi même et pour ceux qui reçoivent, de s’évader… Envisager que le réel est relatif à chacun, qu’il peut y avoir des alternatives à la noirceur : en cela je dirais que oui, il y aurait une forme de catharsis à se laisser aller à s’exprimer, à partager.

5. A côté du personnage « PEUT ETRE » tu développes des créations plus sombres d’une beauté saisissante ; c’est le pendant noir du lumineux « peut être » ?

En réalité, je cherche à exprimer la lumière.
Quand je dessine le petit PEUT ETRE, je la traque par le vide… je tente de la faire émerger par une ligne aussi fine et claire que possible, par un environnement minimaliste.
Dans cette autre partie de mon travail que tu mentionnes, j’adopte un point de vue opposé : je me suis aperçu que la lumière peut aussi arriver avec le « plein », la profusion. Je me suis inspiré de la photo noir et blanc, ainsi que des techniques de l’imprimerie – multitude de points juxtaposés, qui créent cette impression de dégradé, du noir (beaucoup de points très serrés) au blanc, (presque pas de points), en passant par les gammes de gris (donc plus ou moins de points en fonction de l’intensité du gris)… c est vrai que le rendu apparait plus sombre…. Mais peut être aussi que je laisse aller mes penchants plus « dark » au travers de cette expression… cela me permet d’exprimer plus de facettes.

6. Si tu avais un empire, qu’en ferais-tu ?

Oulaaa ! Je serais un fichu empereur !
En fait je ne rêve pas du tout d’un empire… je serais incapable de l’administrer ! En soi mon rêve est que les humains se laissent aller à dévoiler le meilleur d’eux même, pas le plus sombre… Je suis convaincu que tout pourrait être bien plus beau, si nous n’avions pas chevillée au corps, cette soif de pouvoir, de richesse, cet égoïsme, cette hypocrisie !

7. Tu es aussi, parolier, musicien, et interprète ?

La musique fait partie intégrante de ma vie… J’en écoute à longueur de journée, et je suis très éclectique dans mes goûts… Du punk au classique en passant par le reggae, le jazz… électro swing, chanson française bien sûr, et le rock’n’roll…
Mais par ailleurs, je suis plutôt parôlier : je raconte des histoires, je parle des gens, et je pose des notes et des rythmes sur tout ça… je ne peux pas réellement me définir comme musicien : je suis un parolier donc, qui transmet ses textes en chanson, accompagné de sa guitare.
Ce qui est marrant c’est que j’ai beaucoup de difficultés à écrire sur l’amour, à le chanter… en tout je n’ai fait que 2 ou 3 chansons sur ce sujet… j’ai tout de suite l’impression d’être « mièvre », « cul cul » … Alors qu’avec un crayon dans la main, ça me vient très naturellement ! Deux modes d’expression très complémentaires…

8. Quels sont tes projets artistiques ?

Des projets, j’en ai plein : j’aurai du mal à être exhaustif !
Multiplier les collaborations déjà, avec des artistes de toutes sortes : je trouve ça très enrichissant à titre personnel, et cela permet d’augmenter la visibilité de mon travail…
Continuer à participer à la rue, en collant de plus en plus de pièces originales, fragiles et éphémères…
Partir coller partout ! En France et à l’étranger… créer un petit peut être voyageur…
Créer un livre, dont le petit PEUT ETRE serait le héros : raconter sa quête, partager ses doutes…
Multiplier les expositions bien sur, pour donner une tribune plus large à mon travail…
Entrer sur le marché de la création (dans le 14éme à Edgar Quinet), qui est aussi un lieu de rencontre et de diffusion très intéressant. Allier musique, dessin et photo sur des formats personnels et originaux…. Interagir, toujours !
Progresser …

Retrouvez Victor sur Instagram : @Vikstreetart et @vikd.raw