FAIRE FACE, un film de Jean Jonasson avec Iris Funck-Brentano

FAIRE FACE, un film de Jean Jonasson avec Iris Funck-Brentano

C’est un film de cinéma du genre Art et essai qui alterne entre la couleur et le noir et blanc. Le parti-pris n’est pas esthétique, il montre une réalité brute, ultra brute même, parfois dérangeante mais qui a le mérite de privilégier la vie, la vérité et la profondeur des choses et des êtres.

Le titre est simple et superbe à la fois « FAIRE FACE » et donne du sens. La problématique touchera beaucoup d’hommes et encore plus d’hommes artistes. Un anti héros se bat contre lui-même pour aller au bout de lui-même et sortir de la précarité financière qui met en péril ses relations aux autres et surtout aux femmes. On se reconnait dans les personnages.

Philippe est un loser pour certains, un artiste à la dérive qui peine à trouver sa voie, à ne pas faire comme papa et espère être réhabilité socialement avant la vieillesse. Philippe est en couple depuis deux ans avec Flore. Flore est belle et énigmatique. Tout le monde se demande ce que Flore trouve à Philippe qui est plus vieux qu’elle et moins bien inséré socialement. Elle est Kiné, il joue les Pères Noël pour quelques semaines et fait du piano dans un petit bar de Stalingrad.

Oui mais voilà Flore aime Philippe et s’occupe comme elle peut de la fille de Philippe et doit gérer aussi parfois la mère de la fille de Philippe. Philippe ne dit jamais à Flore qu’il l’aime.
Flore veut quitter Philippe mais au final elle ne le fait pas et elle est jalouse et possessive. Est-ce que Philippe la trompe avec sa meilleure amie depuis 30 ans ? Ou alors avec Anna, cette drôle de fille aux cheveux courts qui travaille dans le Bar où Philippe joue comme il le peut des standards de la musique.
Sous fond de Pandémie, dans un Paris un peu foutraque, flou et filmé en caméra épaule, Jean Jonasson avec ses faux airs à la Pierre Arditti et sa dégaine de chien battu est devant et derrière la caméra et nous offre un film brut de décoffrage qui nous séduit sans maquillage, sans artifice, sans désir de plaire. Et pourtant il nous entraine dans cette mécanique scabreuse et décousue qui au final tient toutes ses promesses.
Le casting est assez enthousiasmant, Jean Jonasson est Philippe ce curieux type à la fois pataud, doux et touchant qui philosophe avec des mots simples et dont on se dit qu’il a bien de la chance d’avoir séduit cette créature lumineuse, charismatique à la beauté rare et au charme fou qui est aussi une femme qui doute et qui a peur de l’amour et de l’abandon. Son jeu vrai, honnête, sans filtre fait mouche, on finit par le trouver beau, attendrissant et on envie sa liberté.
Flore est jouée par Iris Funck-Brentano qui est la star de tous les plans où elle est mise en scène. Dans toutes les lumières, même les moins flatteuses, elle est convaincante, bluffante, elle tire son épingle du jeu, elle est une Muse à couper le souffle, une Egérie fascinante, elle capte le regard, on a envie de compter ses grains de beauté et ses taches de rousseurs, sa voix et ses yeux sont hypnotiques, elle sait habiller chaque silence d’une élégance suprême. Elle est toujours juste, toujours dans l’émotion vraie, une équilibriste à l’esthétique parfaite, terriblement femme sans fards. Elle est la Flore qui est à l’aise sur tous les terrains du jeu, on va beaucoup entendre parler d’elle dans les prochaines années, c’est évident. Elle a un potentiel énorme, elle marque les esprits et touche les coeurs. Quelle présence, même dans les silences !
Et puis il y a Anna campée par la fabuleuse Jeanne Delavenay qui débarque dans le film suite à une séquence culte dans le Sud où elle se fait viré de son emploi auprès d’un couple. Une fille libre avec une corps de femme qui aime la jouissance et les plaisirs de la vie, et les hommes mûrs aussi comme le père de Flore. Jeanne Delavenay est tout juste épatante, non formatée, elle sort du cadre, elle joue avec une générosité inouïe, elle donne tellement qu’elle trouve très vite sa place au sein de ce film décalé et ovniesque, elle apporte une sensualité, une rébellion et une tendresse qui font d’Anna un beau personnage féminin atypique comme on en voit rarement au cinema. Quel plaisir on prend à suivre Anna et l’actrice qui la met en corps et en voix avec tant de talent et d’unique !

« Faire Face » est un long métrage héritier de la nouvelle vague, une cinéma expérimental dans le meilleur sens du terme, il cherche, il bavarde, il mélange le on et le off, il invente des modes d’énonciation, il écrit des pages jamais écrites avant lui, il cherche, se perd parfois mais au final retombe sur ses pattes et nous convainc sur la longueur. La justesse n’est pas dans la technique ou le jeu, elle est dans la vérité des sentiments, la vérité des gestes, la vérité des maladresses, la vérité des sentiments qui ne trichent pas. Un film qui est une grande et belle exploration de la Nature humaine, mine de rien avec une humilité qui force le respect. Jean Jonasson a su inventer un monde bien à lui, peuplé d’acteurs d’une grande puissance artistique.
Une superbe exploration de l’intime sans faux semblants.
Jean Jonasson filme Iris comme le personnage de Philippe qui regarde Flore. Les deux regards se superposent pour atteindre une vérité rare et précieuse.

Il y a dans ce film l’avènement d’un style, d’un regard unique sur le monde et l’empreinte d’au moins deux actrices exceptionnelles en les personnes d’Iris Funck-Brentano et Jeanne Delavenay. Un cinéma à découvrir d’urgence.