Le marathon de Beyrouth détrônera-t-il celui de New-York ?
Infatigable voyageur impénitent, je n’ai pas résisté à l’envie de courir sous le soleil dans un pays de miel, jadis broyé par les bombes, aujourd’hui temple de la culture du corps. Entre les tchadors et les mini-jupes, avant les robes du soir, et après les bikinis échancrés, voici les shorts transpirants et les maillots tout de sueur dégoulinants pour la beauté du geste.
Pour l’amour du dépassement de soi, pour le plaisir de se faire mal (aux pieds), pour être ensemble … Courons, mes frères …
Après plus de quinze mois de préparations intenses, le marathon de Beyrouth s’est enfin couru, ce dimanche 19 octobre 2003, dans les rues de la capitale libanaise. Je vous passe l’impressionnante organisation sécuritaire, les hélicoptères et les FSI (Forces de Sécurité Intérieures).
Seul compte le chiffre magique du jour : 6 000 athlètes (messieurs et dames), venant de 49 pays, étaient au rendez-vous !
Victoire finale pour les Kényans, le sieur Rugut chez les hommes et dame Torori chez les femmes.
Mais plus qu’un défi sportif, c’est une nouvelle fois une prouesse politique qui a été, ici, réalisée. En effet, les organisateurs avaient mis le paquet, ne reculant devant aucun effort pour assurer le succès du marathon de Beyrouth, premier du genre au Proche-Orient. Forts de leur réussite, ils espèrent bien qu’il sera inscrit parmi les 120 courses reconnues officiellement qui ont lieu partout dans le monde.
Dimanche, il faisait très beau sur Beyrouth. Je me suis laissé aller sur la corniche, face à la grotte aux pigeons, à flotter entre deux eaux, bercé par le charme mythique de la phénix du Moyen-Orient. On voyait la ville-phare briller de mille feux, de mille éclats, de mille champs …
Par un matin ensoleillé mais très humide (température agréable, environ 22 °C), les quelques 2 700 bénévoles (dont 1 500 scouts) étaient fins prêts pour encadrer ces coureurs fous, venus de tous les coins du Liban et du monde, que rien ne pourrait empêcher de courir.
Tout ce beau monde fébrile et passionné attendait avec impatience le coup du départ du marathon (42,195 kms, comme il se doit) qui fut donné par le président de la République, le général Émile Lahoud, à 8 h précises.
Tout s’est déroulé sans le moindre problème, en dépit de la foule des grands jours.
Quelques minutes plus tard, une véritable marée humaine traversait le tapis du chronomètre. Une foule plus nombreuse que le peloton accompagnait les participants tout le long du parcours qui a englobé des quartiers de la capitale ainsi que ses banlieues sud et est. Et les athlètes se sont laissés porter par la ferveur des spectateurs agglutinés le long des routes.
« Le parcours était tout à fait sublime », raconte un participant venu d’Australie spécialement pour cet événement.
« Les quartiers visités étaient tous plus beaux les uns que les autres. Certaines zones résidentielles impressionnaient de par l’architecture des immeubles », ajoute-t-il. Certes, quelques passages traversaient des quartiers portant encore les stigmates de la guerre mais là aussi la chaleur humaine était contagieuse. À tous les coups, le sourire et l’enthousiasme étaient au rendez-vous .
La course a été incertaine jusqu’à son terme, le Kényan Paul Rugut a été poussé dans ses derniers retranchements sur les routes de la capitale. En effet, le vainqueur du marathon de Stockholm ‘98 a dû batailler ferme avant de s’imposer dans les derniers hectomètres de la course devant le valeureux Éthipiens, James Karanja.
Longtemps à la lutte avec un petit groupe de prétendants (Degefu, Matheka Girma...), Paul Rugut n’a fait la différence que dans les 10 derniers kilomètres. Mais ce n’est qu’au dernier kilomètre de la ligne d’arrivée qu’il a enfin lâché James Karanja pour l’emporter de 32 secondes.
Jackline Torori a également rappelé à ses adversaires de la piste qu’elle n’avait pas de rivale actuellement sur la route. Seule athlète à avoir réalisé sa meilleure performance personnelle cette année, à Los Angeles en 2h35’, Torori a parfaitement négocié la course, même si, au final, 17 secondes la séparaient de sa poursuivante. Après s’être rapidement débarrassée des principales outsiders comme Seboka, Mironova et Bikulova, elle a fini en solitaire les cinq derniers kilomètres, clôturant les 42,195 kilomètres en 2h42’12’’.
Fiers de cette exceptionnelle réussite, les organisateurs ont promis de remettre ça pour l’année prochaine.
Gageons que Le Mague sponsorisera un athlète ou deux …
PS -
Le marathon, la course aux millions ?
En une dizaine d’années, le marathon est devenu un vrai business pour les villes organisatrices. Les sponsors affluent et les coureurs en retirent des bénéfices parfois plus intéressants que les stars de la piste.
À l’inverse de beaucoup d’épreuves sportives, le marathon est l’une des rares compétitions où le nombre des athlètes avoisine celui des spectateurs. Une évidence dont beaucoup d’hommes d’affaires ont vite compris qu’elle dissimulait un enjeu financier considérable. Non seulement au niveau de la course elle-même, mais aussi au niveau du logement des athlètes dans les hôtels et des commerces de la ville hôte.
En 2000, à peu près 12 000 coureurs étrangers étaient attendus à New York, et le comité d’organisation du marathon estimait les retombées économiques de l’épreuve à près de 150 millions d’euros. Le budget, lui, avait été bouclé pour 11 petits millions d’euros, aisément absorbés par les droits de télévision et les sponsors !
C’est dire si aujourd’hui l’organisation d’un marathon relève d’enjeux primordiaux pour une grande capitale. Paris, qui pour 2 millions d’euros en 1998, peinait à se faire un nom aux côtés des géants comme Londres, Boston, Chicago ou Rotterdam, a alors entamé un virage essentiel. En 1999, la ville transmet ainsi l’organisation à ASO. Résultats immédiats autant économiques que sportifs : de nouveaux sponsors débarquent, le budget augmente de 50 % pour atteindre les 3 millions d’euros. Le nombre de participants passe de 22 000 à 32 000. Enfin, le jour J, le record de l’épreuve est battu par le Kényan Julius Ruto en 2h08’10’’.
Le succès des marathons a aussitôt eu des répercussions sur les concurrents eux-mêmes. C’est une véritable guerre de chasseurs de tête que se livrent les organisateurs à coup de millions. Mais peu de ces organisateurs peuvent, au final, aligner les dollars nécessaires pour intéresser les athlètes.
Néanmoins, Ian Ladbrooke a réussi à attirer 34 stars du bitume au début du mois de juillet. « Beaucoup de coureurs ont été impressionnés par les lots qu’offre le Beirut International Marathon » dit-il. En effet, près de 80 000 dollars seront distribués aux 12 premiers athlètes hommes et femmes (12 000 dollars pour les gagnants).
Il est vrai que ces chiffres restent encore très loin de ce que peut aligner le marathon de Londres par exemple. Mais cette première édition du marathon de Beyrouth aura été une belle occasion pour ces athlètes de remporter une épreuve qui n’intéresse pas encore les champions du monde en titre.
Si le marathon est présent l’année prochaine, l’on devra se rapprocher de ce qu’a empoché Benoît Z. pour sa victoire à Paris (22 500 euros).
La capitale anglaise, elle, est sur une autre planète. Pour s’attacher les services de l’Éthiopien Haile Gebreselassie, champion olympique et recordman du monde du 10 000 mètres, les organisateurs auraient mis 100 000 euros sur la table. Gebreselassie serait ensuite assuré d’une prime de 57 000 euros supplémentaires s’il réussissait à remporter la course.
PS -
Le marathon, la course aux millions ?
En une dizaine d’années, le marathon est devenu un vrai business pour les villes organisatrices. Les sponsors affluent et les coureurs en retirent des bénéfices parfois plus intéressants que les stars de la piste.
À l’inverse de beaucoup d’épreuves sportives, le marathon est l’une des rares compétitions où le nombre des athlètes avoisine celui des spectateurs. Une évidence dont beaucoup d’hommes d’affaires ont vite compris qu’elle dissimulait un enjeu financier considérable. Non seulement au niveau de la course elle-même, mais aussi au niveau du logement des athlètes dans les hôtels et des commerces de la ville hôte.
En 2000, à peu près 12 000 coureurs étrangers étaient attendus à New York, et le comité d’organisation du marathon estimait les retombées économiques de l’épreuve à près de 150 millions d’euros. Le budget, lui, avait été bouclé pour 11 petits millions d’euros, aisément absorbés par les droits de télévision et les sponsors !
C’est dire si aujourd’hui l’organisation d’un marathon relève d’enjeux primordiaux pour une grande capitale. Paris, qui pour 2 millions d’euros en 1998, peinait à se faire un nom aux côtés des géants comme Londres, Boston, Chicago ou Rotterdam, a alors entamé un virage essentiel. En 1999, la ville transmet ainsi l’organisation à ASO. Résultats immédiats autant économiques que sportifs : de nouveaux sponsors débarquent, le budget augmente de 50 % pour atteindre les 3 millions d’euros. Le nombre de participants passe de 22 000 à 32 000. Enfin, le jour J, le record de l’épreuve est battu par le Kényan Julius Ruto en 2h08’10’’.
Le succès des marathons a aussitôt eu des répercussions sur les concurrents eux-mêmes. C’est une véritable guerre de chasseurs de tête que se livrent les organisateurs à coup de millions. Mais peu de ces organisateurs peuvent, au final, aligner les dollars nécessaires pour intéresser les athlètes.
Néanmoins, Ian Ladbrooke a réussi à attirer 34 stars du bitume au début du mois de juillet. « Beaucoup de coureurs ont été impressionnés par les lots qu’offre le Beirut International Marathon » dit-il. En effet, près de 80 000 dollars seront distribués aux 12 premiers athlètes hommes et femmes (12 000 dollars pour les gagnants).
Il est vrai que ces chiffres restent encore très loin de ce que peut aligner le marathon de Londres par exemple. Mais cette première édition du marathon de Beyrouth aura été une belle occasion pour ces athlètes de remporter une épreuve qui n’intéresse pas encore les champions du monde en titre.
Si le marathon est présent l’année prochaine, l’on devra se rapprocher de ce qu’a empoché Benoît Z. pour sa victoire à Paris (22 500 euros).
La capitale anglaise, elle, est sur une autre planète. Pour s’attacher les services de l’Éthiopien Haile Gebreselassie, champion olympique et recordman du monde du 10 000 mètres, les organisateurs auraient mis 100 000 euros sur la table. Gebreselassie serait ensuite assuré d’une prime de 57 000 euros supplémentaires s’il réussissait à remporter la course.