Les voix de la nuit, Mimmo Pano, poésie par Frédéric VIGNALE

On me dit qu’il est poète et à la fin de la soirée on me partage son recueil au titre simple et percutent : « Les voix de la nuit". L’objet-livre me plaît. En couverture, une superbe photo de l’auteur de trois quart, le cheveux long, hirsute et libre, Mimmo Pano porte une chemise noire, il a fière allure. En exergue de l’ouvrage je lis « Je confie mes pensées à mes enfants et à la continuité », il s’agit bien là d’un travail de mémoire et de transmission. La préface de Pierre-Robert Leclercq m’offre d’autres éléments biographiques tout à fait pertinents.
J’apprends ainsi que Mimmo Pano est arrivé à Paris sans le sou à 16 ans en 1964 de son Italie natale de Nardo, un petit village des pouilles. Mimmo a ainsi apprend tout doucement la langue française et sa débrouillardise et sa détermination font le reste, il est tout à tour Boxeur amateur àl’Elyséee-Montmartre sous les applaudissements des vedettes de l’époque, Distel, Belmondo ou encore Alain Delon, excusez du peu. Après une carrière dans le bâtiment, Mimmo Pano devient Propriétaire de plusieurs restaurants et connait une belle réussite professionnelle.
Mais c’est le poète autodidacte qui nous intéresse aujourd’hui avec ce très beau recueil de pensées nocturnes écrits en vers rimés ou en vers libres.

Force est de constater qu’il y a chez cet auteur un très beau rapport à l’écriture, au temps et à ce qui fait le seul de la vie, l’observateur habile, bienveillante et touchante du monde et de se semblables dans une volonté de témoigner sur lui, les autres et la fuite du temps.
« Ecrire des mots pour colorer le temps » écrit-il ou encore « J’ai drainé mes pensées comme un pêcheur dans un filet usé. Ce sont des expression que m’a confié le temps »

Mimmo Pano met beaucoup de son histoire dans ses poèmes courts et ciselés. Il n’est pas avare dans ses contemplation faussement simples mais profondes et uniques. L’homme-poète dit avoir raté sa vie mais réussit ses rêves et il parvient à nous entrainer dans son joli monde, un peu nostalgique mais jamais passéiste. Dans un touchant texte dont sa mère est l’objet, il lui dit son amour et sa volonté de ne pas la rejoindre trop tôt car il a ses enfants à élever, le père n’est pas oublié non plus et il n’y a pas de tabou, Mimmo Pano parle de l’alcool et de ses affres. Dans un poème intitulé fort joliment « la joie maudite » il précise sa philosophie de vie avec une belle verve qui fait mouche. L’auteur s’adresse à son corps, à son passé, à la nature, aux amis disparus, à la solitude, à la foi, à la médiocrité et au temps, toujours au temps, dans une « obsession obsédante » du plus bel effet. « Ecrire des mots sur le papier ou sur le vent, la pensée s’exprime avec le temps ». Il y a peut être une filiation entre notre nouvel ami Mimmo Pano et Prévert ou Maurice Carême.

Une vision simple mais jamais simpliste, jamais aucune prétention ni contentement de soi et des poèmes qui plairaient aux enfants. Les textes se succèdent dans un beau rythme, sans ennui, ni lassitude ni redite, on assiste mine de rien à une sorte d’autobiographie à peine voilée, d’autofiction. Mimmo Pano se met en scène avec habileté et une grande pudeur. On sent bien que le partage de vécu, d’émotion(s) et de vérité(s) sont ses seules préoccupations. La maladresse, la timidité, la colère, tous ces sentiments humains sont narrés avec beaucoup de réussite, le mot tombe toujours juste sans effet de manche, dans une régularité et une maitrise qui forcent le respect. Il y a de belles images, de subtiles métaphores, de magnifiques comparaisons…, on assiste à des voyages immobiles à travers des figures littéraires qu’il s’approprie à merveille.

Quel jol moment que de se balader avec tendresse chez cet Italien à Paris qui a si bien épousé notre langue sans oublier de continuer d’écrire des poèmes en italien dont certains sont présents dans ce Recueil. Un poète qui a la tête dans les nuages, les pieds dans la ville et fait beaucoup référence à la Nature, le catalogue poète est complet, de belle tenue, il y a des passages très forts et plus politiques lorsqu’il évoque l’Histoire comme dans le poème 76 intitulé « Humanité » où il cite notamment des dictateurs finissant en « o ».

Je dois vraiment remercier celui qui m’a présenté Mimmo Pano et m’a ainsi permis de découvrir de lanière inattendue et plaisante ce recueil singulier et pluriel qui m’a touché le coeur et l’âme et que j’ai dévoré en un après-midi, et que je relirai sans doute d’autres fois par bribes. On ne peut que remercier Mimmo Pano pour ce bel apport « Historique » à la poésie, ce beau cri d’amour à la vie, à sa famille, à ses racines et à ce monde dans un français impeccable que beaucoup de français de souche ne maitrisent pas aussi bien. Un poète de grande qualité à découvrir. Merci merci Monsieur Mimmo. Grazie per queste parole.

Les voix de la nuit, Mimmo Pano, poésie, 118 pages, 2016,